Casser les codes pour se démarquer
Comment casser les codes pour construire l’avenir, tout en restant porteur de traditions et de savoir-faire ? C’est ce qu’ont voulu approfondir les Vignerons Indépendants, lors de leurs Rencontres Nationales en avril dernier à Narbonne.
Comment casser les codes pour construire l’avenir, tout en restant porteur de traditions et de savoir-faire ? C’est ce qu’ont voulu approfondir les Vignerons Indépendants, lors de leurs Rencontres Nationales en avril dernier à Narbonne.
« Casser les codes, c’est évidemment créer et innover, annonce Alain Courbière, directeur marketing et développement, division vins et spiritueux, du groupe Autajon. Et si on peut créer seul, en revanche on innove en équipe. » Les Vignerons Indépendants qui ont mis en place les pique-niques vignerons, les marches gourmandes ou encore le marathon des vignes le savent bien. C’est dans cet esprit également, explique Jacques Olivier Pesme, directeur de la filière vins de l’école de management de Bordeaux, « que les Vins du Jurançon ont monté un partenariat avec la station de ski de Gourette située à proximité, en organisant des dégustations dans les restaurants d’altitude. Un exemple et une stratégie gagnante qui montrent que l’innovation est souvent à sa porte ».
Quoi qu’il en soit, le but est toujours de proposer quelque chose de nouveau, « et avec une longueur d’avance, ce qui n’est pas sans risque », observe Jacques Olivier Pesme. Il faut une rupture, mais raisonnable, qui tienne compte de l’histoire du domaine, des vins et évidemment des marchés visés, pour éviter le risque d’échec et tenir dans la durée. Et ce d’autant plus que « les codes peuvent être très différents d’un circuit à un autre, et la réussite d’une innovation sur un marché peut être un échec dans un autre » pointe-t-il. Alain Courbière souligne que les vignerons doivent "mettre en œuvre un marketing de proposition", tout en étant en adéquation avec le marché. "Vous êtes les créateurs des crus de demain", a-t-il scandé.
Logiquement, casser les codes peut également passer par un changement de packaging. Avec, par exemple, des bouteilles originales, de nouvelles étiquettes, ou encore des contenants spéciaux. "Mais il faut savoir rester cohérent et modéré dans le(s) changement(s) pour ne pas heurter les clients", préconise Stephan Marin, directeur commercial chez Saverglass. En Californie, Manfred Krankl, un des vignerons les plus réputés au monde, ose ainsi changer chaque année le graphisme de ses étiquettes car ses vins (vendus sous la marque Sine Qua Non) ne sont selon lui « jamais les mêmes d’une année sur l’autre ». Un exemple extrême sans doute, et difficilement accessible pour de nombreux vignerons indépendants, du fait du coût que cela engendre, mais aussi de la complexification de la gestion des stocks. Néanmoins, pour diminuer l’impact financier de cette stratégie, le verrier propose plus d’une centaine de bouteilles originales en série.
Cultiver le talent vigneron et faire bouger les lignes
Mais pour Sylvie Brasquies, fondatrice de Néoverticales, société de conseil et organisation en management dans le monde du vin, « pour casser les codes, il faut cultiver le talent vigneron, c’est-à-dire le savoir-faire, les traits de personnalité et la recherche d’excellence. Le talent, c’est de faire mieux que les autres ». Et, explique-t-elle, cela suppose parfois « de faire bouger les lignes, de chercher de nouvelles compétences à l’extérieur (sur le digital par exemple), de revoir les mécanismes de décision au sein de l’exploitation afin d’être en capacité d’imaginer un futur souhaitable (à 10-15 ans) pour le domaine ». Une véritable remise en cause pour réinventer le métier de vigneron indépendant…
témoignage
« Oser le rosé sur un territoire de rouge »
« Dans une appellation corbières produisant du vin rouge, mon père a osé produire du rosé en 1976, un pari couronné par une médaille d’or à Macon. À partir de 1988, nous avons développé ce créneau et aujourd’hui le rosé représente 70 % de notre production. Ce virage s’est accompagné d’une série d’investissements au niveau du chai et nous avons progressivement dédié des parcelles à la production de rosé. Compte tenu de l’évolution des marchés et de l’intérêt croissant des consommateurs pour le rosé, nous avons sans doute été visionnaires mais sans trahir pour autant l’appellation car nous avons privilégié un cépage local, le grenache gris. »