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La cave des Vignerons de Buxy se lance dans la lutte antigel par thermonébulisation

La cave des Vignerons de Buxy, en Saône-et-Loire, s’est équipée d’un système de lutte antigel par thermonébulisation pour sécuriser un coteau qualitatif. L’idée est aussi de créer une impulsion pour motiver les coopérateurs.

L’épisode de gel de 2019 a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Cette année-là, la cave coopérative des Vignerons de Buxy, en Saône-et-Loire, a perdu 40 % de sa production. Bien que les quelque 300 coopérateurs soient répartis sur 1 050 hectares, étendus dans un couloir de 50 kilomètres, les dégâts ont été généralisés. Échaudés par l’épisode de 2017 les viticulteurs avaient pourtant dégainé cette fois-ci les ballots de paille, sans succès. « Les gens brûlent parfois sans expérience, les balles ne sont pas toujours placées au bon endroit ou bien elles ont déjà brûlé quand le gel arrive », constate François Legros, président de la cave des Vignerons de Buxy. La coopérative a donc décidé d’agir en investissant elle-même dans un système de protection antigel, « car les viticulteurs ne s’équiperaient pas seuls », observe le président. Il faut dire que l’un des coteaux vinifiés séparément par la cave produit une qualité régulière mais il est particulièrement gélif. « Nous avons récemment remporté la Coupe Perraton qui récompense le meilleur Mâcon-Villages avec cette cuvée, s’enthousiasme François Legros. Malheureusement, nous savons que deux années sur cinq en moyenne, un épisode de gel vient amputer les volumes. »

Lire aussi " Investir en collectif contre le gel "

La thermonébulisation affiche le meilleur rapport coût/risque

Ce fameux coteau d’une dizaine d’hectares est exploité par quatre coopérateurs de la cave de Buxy, une aubaine pour la lutte collective que le président ne voulait pas laisser passer. Concernant le type de protection, François Legros et l’équipe technique de la cave ont passé au crible les solutions existantes pour déterminer celle qui conviendrait le mieux. Les bougies sont répandues en Bourgogne et facilement à disposition, mais leur coût a paru moins adapté à cette région moins valorisée que les bourgognes du nord. « L’aspersion, ce n’était même pas la peine d’y penser puisque nous n’avons pas d’accès à l’eau, se remémore Émilie Legros Bouvret, responsable vignoble et environnement de la cave. De plus c’est une installation lourde, onéreuse et consommatrice d’eau, cela ne nous semblait pas aller dans le sens de la RSE. » L’équipe a songé un temps aux éoliennes, mais l’adhésion des membres n’était que partielle : la solution n’a pas fait mouche. « J’avais lu des articles sur la thermonébulisation et un de mes amis en Savoie a fait des essais, il avait été impressionné par le brouillard que ça fait. Nous nous sommes dit qu’il fallait tester », relate François Legros. Un système qui plaît d’autant plus à la cave qu’il n’utilise que de la vapeur et des huiles essentielles (voir ci-contre). C’est de plus un investissement raisonnable, puisque l’achat représente 21 000 euros, formation des opérateurs comprise. L’utilisation est quant à elle estimée à 1 000 euros pour six heures de protection (ce qui représente près de 500 litres de fluide). « Nous avons choisi la solution qui avait le meilleur rapport entre le risque que nous prenons et le prix que cela nous coûte, résume Émilie Legros Bouvret. En plus le matériel de thermonébulisation est annoncé pour la protection d’une dizaine d’hectares, ce qui correspond exactement à notre coteau. » La machine sera entreposée à la cave et mise à disposition des quatre coopérateurs. La technicienne gérera l’organisation, mais ce sont les viticulteurs eux-mêmes qui utiliseront le matériel. C’est d’ailleurs un des viticulteurs qui fera la formation avec le fournisseur.

L’avantage du collectif est de partager le risque

En cas d’alerte gel, ils auront à atteler la machine sur un tracteur ou un pick-up et à quadriller la zone pour former le brouillard. « Visiblement la topographie n’est pas idéale, il faudra jouer avec les courants d’air en espérant que cela soit efficace, relate François Legros. Mais on espère surtout ne pas avoir à s’en servir ! » Les viticulteurs concernés se disent satisfaits de voir une solution de protection à disposition pour leurs parcelles. Mais le président est clair sur le sujet : même si cela marche, la cave n’a pas vocation à investir pour étendre le dispositif et protéger tout le vignoble. François Legros voit cette démarche comme une impulsion, où la cave coopérative ne joue qu’un rôle de catalyseur. « Notre rôle c’est de faire avancer les choses et de prendre le risque d’un échec, car collectivement il a moins d’impact, analyse le président. Si ça fonctionne cela va vite se savoir, et ça sera aux viticulteurs de s’organiser entre voisins, à l’échelle d’un coteau par exemple, pour mettre en place le système. » La machine sera livrée durant le mois de mars. La cave a reçu une dotation de 5 000 euros lors d’un appel à projet de Verallia-Vignerons Engagés dans la catégorie « Adaptation au changement climatique » et a prévu de faire une demande de subvention par le Plan de relance national. La coopérative envisage également un plan de communication avec les riverains pour expliquer la présence potentielle de ce brouillard et sa neutralité pour la santé de l’Homme et de l’environnement.

Une solution récente encore en devenir

La thermonébulisation dans la lutte contre le gel est apparue en France il y a un peu moins de cinq ans. À l’origine, ce procédé, existant depuis une quarantaine d’années, est utilisé pour désinfecter les serres. Pierrick Bureau, distributeur de matériels vitivinicoles et maraîchers dans la région nantaise (BVdis Équipement), a eu l’idée d’en faire un outil de lutte antigel. « Les anciens avaient remarqué que lorsque le brouillard se formait sur les marais, il n’y avait pas de gel sur les vignes environnantes », explique-t-il. Le principe de la thermonébulisation est assez simple : une glycérine végétale est envoyée dans un moteur à réaction. Dans la chambre de combustion, une flamme vient faire éclater les molécules, ce qui transforme les gouttes d’huile en brouillard. Ce brouillard est expulsé jusqu’à 60 mètres par un canon, à une température d’environ 25 à 30 °C, « même s’il ne reste pas chaud très longtemps », relève Pierrick Bureau. Mais l’effet recherché n’est pas là, il s’agit avant tout d’empêcher le froid de descendre et le chaud de monter. Ce brouillard très épais agit donc comme une couche d’isolant. Et il permet d’éviter au passage le rayonnement du soleil sur les éventuels bourgeons pris en glace. « Bien sûr cela fonctionne bien sur les gelées blanches mais quasiment pas en cas de gelée noire », avertit le concepteur. Le seul modèle que l’on peut trouver en France est le Viti-protect K30, commercialisé par BVdis. La machine, qui fait 130 kg et tient sur une palette, est fabriquée par le constructeur allemand Pulsfog, et le produit, certifié Ecocert, a été développée spécialement par une entreprise française. Dans les conditions optimales, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a pas de vent, que la pression atmosphérique est haute et que le parcellaire est ceinturé par des haies ou des zones boisées, BVdis assure une couverture correcte de 10 hectares. « Ce type d’appareil peut être intéressant dans le cadre d’une lutte collective, estime Pierrick Bureau. J’ai en tête d’autres exemples, comme en Charente, où 3 viticulteurs voisins se sont équipés ensemble. »

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