Bio : les produits de nettoyage et de désinfection des chais sur la sellette ?
L’Union européenne prévoit de publier une liste des produits de nettoyage et de désinfection autorisés dans les chais en bio d’ici le 1er janvier 2024. Mais le plus grand flou règne sur cette réglementation en devenir.
L’Union européenne prévoit de publier une liste des produits de nettoyage et de désinfection autorisés dans les chais en bio d’ici le 1er janvier 2024. Mais le plus grand flou règne sur cette réglementation en devenir.
Et s’il n’était plus possible de nettoyer ses cuves, ses chais, ou encore ses filtres avec du peroxyde ou de la soude, ni d’affranchir ses cuves béton à l’acide tartrique ? Si vous êtes en bio, cela pourrait bien vous arriver d’ici 2024. Et pour cause. Au 1er janvier 2024, l’Union européenne devrait avoir publié une liste de produits de nettoyage et de désinfection utilisables en bio. Si les nettoyants que vous employez n’y figurent pas, ils seront interdits. C’est du moins ce que prévoit le règlement européen 2018/848, dans le but « d’assurer la sécurité sanitaire et environnementale ».
Une autorisation par matière active ou spécialité commerciale ?
Mais là où le bât blesse, c’est que ce règlement est tout sauf précis. « Nous ne savons par exemple pas si ce sont les matières actives ou les spécialités commerciales qui doivent être autorisées », pointe Stéphane Becquet, ingénieur agronome et vinificateur à l’Itab. « Et nous n’obtenons pas de réponse de la commission », renchérit Bernard Lignon, chargé de mission réglementation et qualité des produits biologiques au Synabio.
Or cela pourrait faire une différence de taille si chaque dossier doit être porté par une firme puis analysé par l’Europe avant autorisation. « Et ce d’autant plus que l’alimentaire bio ne représente même pas 5 % de part de marché pour les fabricants de produits de désinfection, souligne Bernard Lignon. Cela ne va pas les motiver pour faire les dossiers. » Autre frein, « nous n’avons pas accès à la liste des substances employées dans chaque produit, déplore Bernard Lignon. Seules les substances dangereuses figurent sur les notices de bidons ».
Par ailleurs, le règlement concerne-t-il uniquement les produits de nettoyage et de désinfection des surfaces au contact des denrées alimentaires, ou vise-t-il également les désinfectants des murs, sols, ou même des mains ? « Nous avons posé la question à la commission. Un coup, elle nous répond oui. Un coup, elle nous répond non », fustige le chargé de mission. Impossible de savoir non plus si une étude d’impact est prévue.
Vers un report ou une publication de liste négative
Et les difficultés ne s’arrêtent pas là. Il est également compliqué de connaître les critères sur lesquels se basera l’autorisation par la commission. Difficile dans ces conditions de faire des suggestions idoines. « Nous commençons à regarder ce qui nous semble indispensable, afin d’être prêts à soutenir ces dossiers », indique Stéphane Becquet. De son côté, le Synabio a proposé à la commission de partir non pas sur une liste positive de substances utilisables, mais sur des critères de dangerosité figurant sur les fiches de sécurité. « Les produits dangereux pour l’environnement et toxiques seraient par exemple interdits, tout comme les phosphates et les phosphonates », liste Bernard Lignon.
Quoi qu’il en soit, la date butoir du 1er janvier 2024 semble bien difficile à tenir. « Le sous-groupe d’experts de la commission Nettoyage et désinfection, qui devait être mis en place en février 2020 n’a toujours pas été constitué », révèle Bernard Lignon. Plusieurs scenarii semblent dès lors se profiler, le plus probable étant un nouvel ajournement du texte. « La France voudrait notamment faire reporter la partie vin, informe Stéphane Becquet. Cela serait pertinent. » « La commission peut aussi décider de publier par défaut une liste négative de certaines substances (qui seraient donc interdites), qui serait enrichie à moyen terme », analyse Bernard Lignon.
voir plus loin
Le nettoyant le plus courant dans les chais est la soude additionnée de peroxyde d’hydrogène. Mais quel que soit le produit employé, une action mécanique (pression, frottement) est indispensable.
En désinfection, l’acide péracétique a la faveur des vignerons.