Bien régler son pulvé, pour protéger ses vignes plus efficacement
Les conseillers en agroéquipement constatent sur le terrain que le matériel n’est pas toujours optimisé pour des traitements efficaces. Voici les leviers d’action.
Les conseillers en agroéquipement constatent sur le terrain que le matériel n’est pas toujours optimisé pour des traitements efficaces. Voici les leviers d’action.
Il est de notoriété publique que la pulvérisation est un élément clé de la lutte phytosanitaire. Mais qu’est-ce qu’une bonne pulvérisation ? Adel Bakache, conseiller agroéquipement à la chambre d’agriculture de Gironde, réalise des dizaines de tests par an, lors de ses prestations de réglage sur le terrain. Il utilise pour cela un traceur fluorescent, et s’est créé une méthode pour évaluer l’efficacité des pulvérisateurs qui passent entre ses mains. Après avoir compilé toutes ses données, il fait plusieurs observations. « La première c’est que les pulvérisateurs viticoles, tous types confondus, ont tendance à moins bien couvrir la zone des grappes que le reste, dévoile-t-il. La deuxième, c’est que les face-par-face obtiennent en moyenne de meilleures notes. » Quels enseignements en tirer ? Tout d’abord, et ce n’est pas une découverte, que les systèmes face-par-face restent les matériels les plus performants, mais aussi les plus réguliers. Ensuite, qu’il est nécessaire d’augmenter le débit sur la zone fructifère. C’est-à-dire de trouver les bons réglages pour chaque appareil.
La distance des buses par rapport au feuillage doit se calculer
Pour un matériel face-par-face, ce peut être par exemple un panachage de buses sur la hauteur. Lors d’un essai sur un domaine, Adel Bakache a constaté une amélioration de plus de 15 % de la couverture sur la zone des grappes avec une configuration de deux buses Albuz ATR 80 lilas en bas, avec un débit supérieur, une Albuz blanche ensuite puis une buse à grosses gouttes en haut. De même, il a testé avec un autre domaine l’effet de la distance des buses par rapport au feuillage. « Parfois on cherche à s’éloigner pour que les jets se croisent correctement. Mais avec des buses 80° les jets se recroisent dès qu’on est à 30 cm de la végétation, soutient le conseiller. Quand on passe d’une vigne à 1 mètre à une autre de 1,50 mètre avec la même descente, on perd 20 % de bouillie. »
Des marges de manœuvre existent également pour les aéroconvecteurs ou les voûtes pneumatiques. D’ailleurs, selon le conseiller agroéquipement de la chambre d’agriculture du Gard, Renaud Cavalier, l’efficacité des voûtes se rapproche de celle d’un face-par-face quand on passe tous les trois rangs. « Aucun matériel n’est fait pour passer tous les quatre rangs », martèle-t-il. Pour assurer une protection optimale, ces matériels devraient être utilisés deux rangs à la fois, trois si l’on est équipé de mains de retour. D’autant plus lorsque la pression augmente. « Certains le font, mais souvent ils basculent quand c’est déjà trop tard », observe le conseiller. « Mieux vaut passer plus vite tous les deux rangs, suggère Renaud Cavalier. Nous avons comparé un passage à 9 km/h sur deux rangs par rapport à 5 km/h sur quatre rangs, l’efficacité était meilleure dans le premier cas. Pour un temps de passage guère plus lent : 19 minutes par hectare contre 15. Ce n’est pas applicable partout, mais sur les parcellaires où le sol est plat c’est imaginable. » Le conseiller milite également pour que les viticulteurs s’équipent d’une rampe spécifique pour les premiers traitements, à jet porté. D’autant plus que les producteurs débutent de plus en plus à dose très réduite. « S’il n’y a que 20 % du produit qui atteint la cible et qu’en plus il n’y a que 20 % de matière active, on rate tout simplement son traitement », estime-t-il.
Utiliser des papiers hydrosensibles permet de vérifier la répartition
De son côté, Gérard Besnier, conseiller agroéquipement à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, a travaillé avec un groupe de viticulteurs dans le cadre des fermes Dephy sur l’action « Tester son pulvérisateur viti pour gagner en efficacité ». Le but étant d’aller plus loin que les vérifications basiques de vitesse ou débits, et d’observer la pulvérisation sur papiers hydrosensibles pour peaufiner les réglages. « Le contrôle périodique obligatoire des pulvérisateurs permet de vérifier que le matériel fonctionne, mais les inspecteurs ne regardent pas la répartition de l’air. Or, la goutte va là où l’air la conduit », avance le conseiller.
Quatre appareils ont été passés au banc : un face-par-face à jet porté, un tangentiel, un à panneaux récupérateurs et une voûte pneumatique. Pour chacun d’eux, des améliorations ont pu être apportées. Sur le face-par-face, la pulvérisation déjà bonne a été encore améliorée en augmentant le volume de bouillie par hectare d’une quinzaine de pourcents. Le tangentiel, lui, avait un problème de soufflerie, le rang central était difficilement atteint. La turbine ne tournait pas assez vite, ce qui a été corrigé en augmentant le débit hydraulique.
Sur le pulvérisateur à panneaux récupérateurs, l’orientation des buses a été revue pour ne pas créer de zébrage et la hauteur par rapport au sol abaissée pour mieux couvrir le bas de la végétation. Quant à la voûte pneumatique, elle était mal montée d’origine. Il a fallu inverser deux diffuseurs afin d’utiliser les canons pour les cibles plus éloignées et les mains pour les cibles les plus proches. « C’était pourtant un appareil quasi neuf, qui n’avait qu’une campagne, témoigne le viticulteur Rémi Duveau. On a observé de grosses différences sur les papiers hydrosensibles, c’était une expérience vraiment utile. » Gérard Besnier en a profité pour revoir le pastillage.
Travailler sur le volume par hectare pour les pneumatiques
« Sur les pneumatiques, on a tendance à travailler à 120 ou 130 litres par hectare, ajoute le conseiller. C’est bien en début de saison, mais il ne faut pas avoir peur d’augmenter ensuite à 140 voire 160 litres par hectare pour avoir une goutte de taille moyenne, assez grosse pour atteindre correctement les cibles éloignées mais pas trop pour éviter le rebond et le ruissellement. » Il recommande également de bien vérifier le jaugeage de la cuve, souvent imprécis, en la remplissant avec un volucompteur. L’an dernier, il a eu affaire à un défaut de pulvérisation venant d’un mauvais calcul affectant le DPAE, le volume d’eau réel et celui de la jauge affichant 80 litres d’écart !
Si ces réglages peuvent paraître fastidieux, ils sont pourtant essentiels. « Il y a quinze ans un pulvé mal réglé, ça ne se remarquait pas car les produits rattrapaient le tir, relève Renaud Cavalier. Aujourd’hui un défaut de 15 ou 20 % d’efficacité de la pulvérisation, ça se retrouve sur l’état sanitaire de la vigne. »
Les trois écueils les plus fréquents
Adel Bakache, conseiller agroéquipement à la chambre d’agriculture de Gironde, recense trois erreurs fréquentes affectant la qualité de pulvérisation.
1- La première est l’orientation parfois hasardeuse des diffuseurs. « Il m’arrive par exemple de voir des diffuseurs du haut orientés complètement vers le bas, décrit-il. Le risque est de plaquer les feuilles et de perturber le flux d’air du milieu. »
2- De même, sur les jets portés, les buses ne sont pas toujours bien placées par rapport au flux d’air. « Pour que le produit aille sur les faces inférieures des feuilles, il faut qu’il y ait de l’air et des gouttes de façon simultanée », prévient le conseiller. Ainsi il est bon de vérifier que les gouttes touchent le flux d’air avant d’arriver sur la végétation.
3- Le dernier écueil est de ne pas laver correctement tous les composants du pulvérisateur. Les filtres et les buses notamment. « Dans l’idéal il faudrait les nettoyer à chaque traitement, d’autant plus en bio, car il peut y avoir des bouchages partiels que l’on ne remarque pas », assène le conseiller. Le constat est partagé par Renaud Cavalier, à la chambre d’agriculture du Gard. « Un bouchage de 30 % ça ne se voit pas, mais ça affecte l’efficacité du traitement », complète-t-il. Avec la chambre, il a développé l’outil Top-Débit, un mouchard qui donne en continu depuis la cabine les débits de droite et de gauche. « Ainsi s’il y a le moindre problème, le chauffeur s’en rend compte tout de suite », argumente le conseiller.
Retrouvez les autres articles de notre dossier
Comment tenir en respect les maladies de la vigne dans un contexte toujours plus difficile
Quel programme pour lutter efficacement contre les maladies fongiques de la vigne ?
Bien régler son pulvé, pour protéger ses vignes plus efficacement
Quelles solutions pour traiter les parcelles de vigne au milieu des riverains ?