« Attention à ne pas encrasser les sols »
Pour Claude et Lydia Bourguignon, agronomes et gérants du laboratoire LAMS, le bois raméal fragmenté est avant tout un outil de restauration du sol. Entretien.
Pour Claude et Lydia Bourguignon, agronomes et gérants du laboratoire LAMS, le bois raméal fragmenté est avant tout un outil de restauration du sol. Entretien.
Vous êtes connus pour être des chantres du bois raméal fragmenté (BRF). Quels en sont les avantages et pourquoi y avoir recours ?
Cela fait une quinzaine d’années que nous travaillons sur le sujet. Petit à petit, nous avons remarqué que l’emploi du BRF est la meilleure solution pour restaurer un sol. Sur les terres compactées, qui ont perdu leur structure grumeleuse, cela permet de relancer la dynamique biologique. L’apport de bois favorise le retour des champignons, puisqu’ils sont les seuls à pouvoir attaquer la lignine. Et ce sont eux qui sont à la base de la chaîne trophique et des mycorhizes ; ils sont les précurseurs de la vie du sol. Un simple apport de compost ou de fumier profite seulement aux bactéries, qui se développent vingt fois plus vite. Lorsque l’équilibre est recréé, les sols retrouvent un fonctionnement normal et des taux de matière organique corrects, entre 1 et 3 %. Ils deviennent ainsi plus résilients, retiennent davantage l’eau et facilitent l’enracinement.
Quelles sont les modalités concrètes d’application du BRF ?
Dans l’idéal, l’apport doit avoir lieu à l’automne, époque où les champignons se mettent au travail. Sur des terres froides argileuses, on peut éventuellement attendre le printemps. La quantité de matière à apporter dépend du type de sol et de son état biologique, mais varie entre un et quatre centimètres d’épaisseur. Une couche de quinze centimètres, c’est beaucoup trop. Et il ne faut surtout pas enfouir le BRF, sous peine de voir le bois ne jamais se décomposer, car les champignons ont un fonctionnement en aérobie stricte.
Il ne faut pas oublier non plus que « raméal » vient de « rameau » : c’est-à-dire de la lignine jeune. Si le bois provient de vieux troncs d’arbres, les organismes auront beaucoup de mal à l’attaquer. En cela les plaquettes de scieries et les écorces ne sont pas adaptées. C’est d’ailleurs dans ces cas que peuvent intervenir les faims d’azote. L’idéal est d’employer du bois de feuillus de l’année, avec des fragments éclatés inférieurs à six centimètres mais pas trop fins non plus (sciure). On peut imaginer par exemple réinstaller des haies autour des parcelles, et utiliser le bois de taille.
Quelles sont les limites de cette pratique ?
Il ne faut pas perdre de vue que ce n’est pas un apport « normal ». Nous le préconisons dans des cas très précis de sols qui en ont besoin. Si l’activité biologique est satisfaisante, ce n’est pas la peine. Au contraire, en apportant du bois trop régulièrement on ne laisse pas le temps aux champignons de dégrader tout le stock, et cela peut « encrasser » le sol. Trop de gens l’utilisent comme un compost : ce n’est ni un compost, ni un paillage. Un apport annuel peut vite devenir néfaste. Par ailleurs, il faut être vigilant sur l’aspect sanitaire, surtout si l’on utilise les rameaux de vigne. Un bois de l’année est censé être sain, mais les vieux troncs peuvent être porteurs de maladies.
Que conseilleriez-vous à un viticulteur qui souhaite utiliser le paillage pour lutter contre les adventices ?
Il n’y a pas de contre-indication agronomique à réaliser une telle pratique, surtout sur les sols qui ont une forte propension à s’assécher. De plus, si cela évite l’usage d’herbicides néfastes pour la vie du sol, pourquoi s’en priver ? Mais il faut réfléchir à ce que l’on apporte. On dirait une lapalissade, mais le meilleur matériau pour « pailler », c’est bel est bien la paille ! Car elle se minéralise rapidement et évite l’accumulation de matière organique stable dans le sol. Il faut utiliser une matière première riche en cellulose, qui peut se dégrader dans l’année. Le miscanthus par exemple contient peu de lignine, il est un candidat acceptable. Dans tous les cas, il est important que les viticulteurs réapprennent le fonctionnement du sol, qu’ils l’observent et se l’approprient. Car cela demande de la réflexion et de la technicité.