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La minute droit
La jurisprudence des CVO viticoles évolue

Souvent contestée par les opérateurs mais jamais remise en cause par les tribunaux, la CVO fait l’objet d’une évolution de jurisprudence. Un changement important selon Nathalie Tourrette et Matthieu Chirez, avocats, experts du droit vitivinicole chez JP Karsenty & Associés.

En jugeant les cas de contestation de CVO, les tribunaux ont toujours estimé que ces cotisations étaient de nature privée et n’étaient contraires à aucune liberté fondamentale.
En jugeant les cas de contestation de CVO, les tribunaux ont toujours estimé que ces cotisations étaient de nature privée et n’étaient contraires à aucune liberté fondamentale.
© Clara de Nadaillac

Quelles sont les particularités des cotisations volontaires obligatoires ?

Les cotisations volontaires obligatoires (CVO) sont prélevées par les interprofessions agricoles sur tous les membres des professions les constituant. Elles constituent leur source principale de recettes et leur permettent de financer la mise en œuvre d’actions d’intérêt collectif, principalement des actions de promotion.

De manière assez paradoxale, ces cotisations sont qualifiées de « volontaires » car elles sont décidées et définies par les professionnels, et d’« obligatoires » car elles doivent être acquittées par tous les opérateurs, qu’ils soient membres ou non des organisations constituant l’interprofession, dès lors qu’elles résultent d’accords professionnels étendus.

Quelle est la jurisprudence sur les contestations de versement des CVO ?

Les tribunaux ont toujours jugé que les CVO étaient de nature privée et n’étaient contraires à aucune liberté fondamentale. Ainsi, la Cour de cassation a considéré que les CVO ne constituaient pas une atteinte à la liberté d’association (arrêtés du 11 mars 2008 et le 14 janvier 2016). Les juges ont estimé que, même si elles devaient être acquittées par des opérateurs non-membres de l’interprofession, l’assujettissement à la cotisation n’impliquait pas légalement une obligation d’adhésion et que les interprofessions ne pouvaient être regardées comme des associations classiques.

Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 17 février 2012, a jugé les CVO conformes à la Constitution. Il a considéré qu’elles ne constituaient pas une imposition, en ce qu’elles étaient perçues par des organismes de droit privé et tendaient au financement d’activités menées en faveur de leurs membres.

Enfin, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé, en mai 2013, que les CVO n’étaient pas assimilables à une aide d’État déguisée, car elles émanaient d’opérateurs de droit privé et n’étaient pas versées au budget de l’État.

Quel nouvel argument a fait évoluer cette jurisprudence ?

Pour contester le paiement des CVO réclamé par l’Interprofession des vins de Bergerac et Duras (IVBD), un viticulteur soutenait que les CVO portaient atteinte au droit d’une personne au respect de ses biens. En pratique, il estimait que le montant de ses CVO était disproportionné, dans la mesure où les cotisations réglées équivalaient à près du tiers de son résultat net d’exploitation, et ce sans véritable contrepartie.

Dans une décision rendue en 2020, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel qui avait condamné le viticulteur à régler les CVO impayées, au motif qu’elle avait fait peser sur le viticulteur la charge de démontrer l’absence de rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant des cotisations dues par le viticulteur et le but poursuivi par l’IVBD. L’arrêt de la cour d’appel de renvoi était vivement attendu. La cour d’appel de Toulouse a examiné les comptes de l’IVBD et l’existence de documents permettant d’attester la réalité et la portée des activités de promotion en faveur, tant de la collectivité des opérateurs que de certains individuellement, dont le viticulteur en cause. Elle a jugé le 12 septembre 2022 que le montant des cotisations litigieuses répondait à l’exigence de proportionnalité sans qu’il soit nécessaire de recourir à une expertise.

Désormais, si la légalité des CVO est bien établie, en cas de contentieux, les interprofessions qui en sont créancières devront démontrer l’existence d’une proportionnalité entre le montant de la cotisation et l’avantage procuré à l’opérateur de l’activité exercée par l’interprofession conformément à son objet.

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