Viande de veau : une production en recul face à une consommation soutenue
Malgré une consommation qui reste stable, la filière française de la viande de veau traverse une période délicate. La baisse de la production et du cheptel, la montée des importations et les évolutions des modes d’élevage redessinent progressivement le paysage de cette filière.

La filière de la viande de veau en France fait face à une diminution significative de sa production : -14 % en tonnes équivalent carcasse (téc) entre 2012 et 2022, pour atteindre atteignant 164 000 téc produites, selon l’Idele dans son étude Où va le veau ?, 2024.
En 2022, 1 120 000 veaux ont été abattus, soit un recul de la production de 20 % en nombre de têtes. Cette décroissance s’explique par plusieurs phénomènes : en 2020, la crise sanitaire de la Covid-19 a perturbé la restauration hors domicile (RHD), un débouché majeur pour la viande de veau. Cette crise a entraîné un retard des sorties des veaux chez les éleveurs intégrateurs. Depuis 2021, les installations en élevage de veau sont peu nombreuses, en raison de l’augmentation des coûts de production (alimentation, gaz, construction), ce qui freine les reprises d’exploitation.
En parallèle, la consommation individuelle de viande bovine en France, toutes catégories confondues, a baissé de 17 % en vingt ans, passant de 26,9 kg équivalent carcasse par habitant en 2001 à 22,2 kg en 2021. La viande de veau représente encore 13 % de cette consommation, soit 2,9 kg équivalent carcasse par habitant et par an, dont 2,3 kg en net d’os. La baisse de consommation reste ainsi inférieure à la chute de la production de viande de veaux, entraînant une hausse significative des importations.
Une dépendance croissante aux importations
Alors que la production nationale de veau s’effrite, la part des importations dans la consommation française de veau s’accroît. En 2012, les importations représentaient 13,5 % de la viande de veau consommée en France. Dix ans plus tard, cette part a bondi à 21 %, soit une augmentation de 42 %. L’essentiel de cette viande importée se retrouve principalement dans la restauration hors domicile, qui représente à elle seule 66 % des importations. Ce veau importé provient majoritairement du Pays Bas ainsi que de Belgique et d’Italie.
En grande distribution et en boucherie, qui représentent chacune 41 et 35 % de la consommation de veau, la préférence pour la viande française demeure plus forte. Toutefois, la baisse de production nationale pose la question de la capacité du pays à maintenir son autonomie d’approvisionnement.
Plus de veaux croisés lait-viande
Les veaux issus du cheptel laitier jouent un rôle clé dans l’approvisionnement en viande de veau. Chez les mâles issus du troupeau laitier, 58 % sont destinés à la boucherie, 20 % sont exportés en maigre, 13 % sont engraissés en jeunes bovins et 7 % sont transformés en bœuf. Seuls 2 % serviront à la reproduction. Du côté des veaux laitiers femelles, 69 % sont conservées pour le renouvellement du cheptel, tandis que 11 % sont engraissées en génisses, 11 % en veaux de boucherie et 9 % exportées. (source : GEB Idele, 2022)
Un des changements majeurs observés dans la filière est l’essor des veaux croisés lait-viande, dont la part a grimpé de 22 % à 32 % en dix ans. Cette évolution s’explique par le développement du croisement lait-viande, qui permet aux éleveurs laitiers de valoriser leurs veaux mâles. En moyenne, un veau mâle laitier de 50-60 kg valait deux fois moins qu’un veau de type viande. Grâce à cette stratégie, les éleveurs ont pu obtenir quelque 100 € de plus par veau.
Augmentation du poids carcasse
Autre phénomène est notable : la hausse du poids carcasse des veaux abattus. Celui-ci a progressé de 8 %, soit environ 10 kg supplémentaires, en dix ans. Cette augmentation résulte d’un allongement de la durée d’engraissement de trois semaines en moyenne, portant l’âge d’abattage à 6 mois et une semaine. Mais cette tendance n’a pas suffi à compenser la diminution du nombre de veaux abattus.
Une flambée des prix des veaux laitiers
Depuis l’automne 2024, les cours des veaux laitiers connaissent une hausse sans précédent. S’ils ont habituellement au plus bas en début d’année, les prix ont atteint des niveaux records. Début février 2025, un veau mâle laitier de 45 à 50 kg se négociait à 170 € par tête, soit plus de 100 € au-dessus de son niveau de l’année précédente. En mars 2025, les veaux prim’holstein de 50 à 60€ ont dépassé la barre des 250€/ tête.
Plusieurs facteurs expliquent cette envolée des prix. D’une part, les naissances de veaux laitiers ont chuté de plus de 4 % entre septembre et novembre 2024, atteignant même un déficit de 7 % pour el seul mois d’octobre. L’éruption de la fièvre catarrhale ovine (FCO) sérotype 3 en août a provoqué de nombreux avortements et une mortalité accrue des jeunes veaux dans les élevages laitiers. Ce manque d’offre s’est répercuté directement sur les prix.
Cette situation soulève des inquiétudes pour les intégrateurs de veaux de boucherie, habitués à acheter ces animaux à un coût plus faible en début d’année. La hausse des prix pourrait impacter leurs marges lors de leur mise en marché dans quelques mois.
Des initiatives pour relancer la production nationale
Face à ces nombreux changements sur la filière veau et demandes sociétales du consommateur, plusieurs projets visent à redynamiser la filière et à réduire la dépendance aux importations. Des initiatives comme Renouveau et Valoveau permettent d’évaluer les modes de production actuels et d’explorer de nouveaux débouchés pour la viande de veau française. L’objectif est d’assurer un avenir plus durable à la filière en améliorant la rentabilité des élevages et en développant des alternatives adaptées aux attentes du marché.