Un jeune bovin tricolore très concurrencé à l’export
Principalement composées de viande de taurillon, les exportations françaises de viande bovine s’érodent au fil des ans compte tenu de moindres disponibilités et de la concurrence accrue des viandes polonaises et espagnoles.
Principalement composées de viande de taurillon, les exportations françaises de viande bovine s’érodent au fil des ans compte tenu de moindres disponibilités et de la concurrence accrue des viandes polonaises et espagnoles.
Où va la viande de jeunes bovins (JB) produite sur le territoire français ? C’est pour répondre à cette question qu’une enquête a été conduite cette année par le service économie de l’Institut de l’élevage auprès des principaux opérateurs qui abattent, vendent ou utilisent la viande ces animaux. Ce travail a été présenté pour la première fois à l’occasion du dernier Sommet de l’élevage.
« D’après les enquêtes menées auprès des cinq groupes d’abattage, 50 % des tonnages de JB abattus en France sont destinés à l’export et 50 % restent sur le marché français. Mais cette proportion varie très nettement selon les catégories. La production de JB viande est majoritairement orientée vers l’export (54 % des tonnages) et la production de JB lait est principalement destinée au marché français (74 % des tonnages) », résumait Alix Gérardin, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage et en charge de la présentation de ce travail.
L’export, c’est d’abord du jeune bovin
D’après les résultats de cette enquête, les 201 000 téc de viande bovine exportées par la France l’an dernier reposaient à plus de 80 % sur du JB. Ces tonnages s’érodent d’année en année compte tenu du recul de nos disponibilités. L’Italie demeure notre premier client avec 31 % des tonnages, suivie de près par l’Allemagne (23 %) et la Grèce (20 %). Globalement ces trois pays apprécient la qualité et l’homogénéité de la production française et la viande claire et maigre des JB bleu blanc rouge est en phase avec les attentes de ces trois pays.
« Les exportateurs français sont dans la recherche permanente d’un équilibre pour la valorisation des différentes parties des carcasses de façon à en optimiser la valeur », soulignait Alix Gérardin. Selon ses débouchés, chaque abatteur éclate souvent sur différentes destinations les muscles ou quartiers d’une même carcasse.
Coût de la main-d’œuvre
Les débouchés grecs et italiens sont en repli (voir graphique) et sur ces pays, la viande française est de plus en plus concurrencée par l’Espagne et la Pologne. Alors que le pouvoir d’achat des ménages italiens et surtout grecs est en net recul, les exportateurs polonais et espagnols proposent des tarifs plus attractifs. La viande des JB français est également pénalisée par des coûts de la main-d’œuvre très disparates au sein des différents pays de l’Union européenne. Le coût moyen d’un salarié dans l’industrie de transformation et conservation de la viande de boucherie est inférieur de 60 % en Pologne comparativement à la moyenne des autres pays de l’UE et le différentiel est de 73 % avec les tarifs français.
Le marché allemand progresse
Le recul des envois vers l’Europe du Sud a été partiellement compensé par l’augmentation des ventes vers l’Allemagne. Elles s’y sont développées en raison d’un transfert de consommation entre viandes : moins de porc, plus de bœuf. La viande bovine française est bien implantée en GMS et chez les grossistes, notamment halal. « Le marché allemand permet une bonne valorisation des carcasses lourdes et des globes, avec une demande relativement constante toute l’année », précisait Alix Girardin. Cette demande allemande devrait se maintenir dans les années à venir du fait du recul de l’engraissement dans ce pays couplé à une hausse de la consommation. Mais les opérateurs français devront répondre aux exigences de qualité et de traçabilité, notamment sur le bien-être animal et la garantie d’absence d’OGM. Deux volets déterminants si l’ambition est de conforter les débouchés du JB français sur les autres pays du nord de l’Europe.
Sur les pays tiers, les perspectives sont plus aléatoires. Pour répondre aux quelques contrats rémunérateurs sur les marchés méditerranéens, il faut faire preuve de souplesse et de réactivité. Ce sont des marchés occasionnels donc imprévisibles avec l’impérieuse nécessité de proposer des viandes halal. Il existe d’autres possibilités en Asie du Sud Est et en particulier en Chine, mais la demande porte plus particulièrement sur des animaux légers, gras et jeunes. Un descriptif éloigné du JB allaitant français qui est lourd et dont la viande est à la fois claire et maigre. Sur ces destinations, il doit qui plus est être en mesure d’offrir des arguments face à la concurrence des pays d’Amérique du Sud et de l’Australie.
Net recul de l’export en vif
En novembre 2012, l’exportation de taurillons finis sur la Turquie avait eu un effet bénéfique mais bien temporaire pour faire grimper les prix du JB français dans les cours de ferme. Depuis, ces exportations d’animaux prêts à être abattus concernent des effectifs limités. Ils sont principalement destinés à l’Italie et dans une moindre mesure à l’Allemagne à raison l’an dernier d’un total de 26 600 têtes. Ces statistiques sont d’ailleurs en net recul et tendent presque à devenir anecdotiques sur pays tiers. « Il y a toujours eu un petit flux d’animaux vivants exportés vers l’Italie, souligne Philippe Chotteau, responsable du département économie à l’Institut de l’élevage. Mais ce sont des échanges frontaliers destinés à un abattage de voisinage. » Philippe Chotteau voit mal comment l’export d’animaux finis vers les pays des rives sud et est de la méditerranée pourrait à nouveau concerner des effectifs conséquents. « Ces pays préfèrent importer des broutards, quitte à les engraisser avec une alimentation qui vaut très cher, plutôt que d’importer de la viande ou des JB finis. »
Consommation de 50 % de la production en France
Sous l’effet de la contraction des disponibilités, une proportion croissante de la production est orientée sur le marché hexagonal.
Les Français ont mangé l’an dernier pratiquement 200 000 tonnes équivalent carcasse (téc) de viande de JB, soit environ 15 % des 1,33 million de téc de viande de gros bovins consommés dans notre pays. Des tonnages en grande partie commercialisés sous forme de viande transformée (hachée, élaborée et plats préparés) ou sous forme désossée (viande pour haché, catégoriel et UVCI). Différents créneaux sont susceptibles d’écouler de la viande de JB.
La restauration hors domicile collective
C’est un secteur très hétérogène. Il comprend à la fois la restauration scolaire, les centres de santé (Ehpad, hôpitaux…) ainsi que la restauration d’entreprise. Il utilise d’importantes quantités de viande hachée, principalement surgelée pour des raisons de prix et de praticité. Pour répondre aux exigences de la loi Egalim, les approvisionnements devront monter en gamme. Mais le JB peinera à répondre d’emblée aux objectifs de cette loi car une très faible part de la production est aujourd’hui labellisée.
La restauration hors domicile commerciale
Dans ce secteur, les approvisionnements sont majoritairement composés de pièces à griller, de viande hachée et dans une moindre mesure de pièces à bouillir. Pour viser des portions consommateur de grammage moyen mais suffisamment épaisses pour supporter tous les types de cuisson, la carcasse ne doit pas être trop lourde. Les grandes chaînes de la RHD commerciale française tendent de plus en plus vers l’origine France. Mais le secteur reste très hétérogène, avec des indépendants qui s’approvisionnent majoritairement avec des viandes d’origine UE voire Mercosur, de façon à limiter les prix de vente. « En volume, le JB pourrait répondre à la croissance de la demande des chaînes pour de l’origine France. Mais maintenir l’équilibre de valorisation de la carcasse nécessite de trouver des débouchés rémunérateurs pour les avants, afin que les arrières soient compétitifs avec la viande d’import », précisait Alix Girardin. Par ailleurs, la viande de JB, peu grasse, convient bien pour les pièces à bouillir mais peine à répondre aux exigences de cuisson des pièces à griller. La couleur souvent claire ne serait pas un problème en RHD, sauf éventuellement au stand grillades (où le consommateur voit la viande crue). « Les personnes à convaincre sont d’abord les commerciaux et les cuisiniers. Le consommateur serait beaucoup plus ouvert qu’on ne le pense. »
Les grandes et moyennes surfaces
Dans la grande distribution, priorité est donnée à de la viande de femelles. Le JB n’arrive qu’en complément. Seules deux enseignes du Grand Est ont fait du JB leur fond de rayon en libre-service. Il est apprécié en tant que produit standard et régulier en conformation et en poids. Attention toutefois aux poids de carcasse analysés comme excessifs (plus de 450 à 480 kg) avec alors l’habituelle problématique des muscles de l’aloyau qui peinent à rentrer dans les barquettes et dont le poids et le prix unitaire tendent à rebuter le consommateur.
Les boucheries halal
C’est devenu en France le débouché phare du JB. Ce marché est en croissance du fait de l’augmentation du nombre de musulmans en France. Certaines boucheries halal tendent toutefois à prendre de plus en plus de femelles, lesquelles sont alors, elles aussi, abattues de façon rituelle. Ce choix est justifié car il s’agit souvent de boucheries de centre-ville récemment reprises et dont la clientèle mixte incite les gestionnaires de ces magasins à se tourner vers de la viande de vaches ou génisses pour être en phase avec les habitudes de consommation des anciens clients. À signaler qu’une étude réalisée en 2019 par Ifop sur un échantillon de 1 012 personnes représentatives de la population musulmane française de plus de 15 ans avait montré que les musulmans français étaient à plus de 80 % soucieux d’acheter de la viande halal. Et ce souci d’acheter une viande issue d’animaux abattus de façon rituellement était très similaire quelle que soit la catégorie socio professionnelle dans laquelle cette population pouvait être incluse : CSP +, professions intermédiaires, CSP- ou inactifs.