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Samuel Abiven : « Les biochars peuvent être bénéfiques en viticulture, mais se raisonnent au cas par cas »

Les biochars font de plus en plus parler d’eux. Mais que peut-on vraiment en attendre ? Éléments de réponse avec Samuel Abiven, directeur scientifique au laboratoire géologie du département géosciences de l’ENS.

Samuel Abiven est directeur scientifique au laboratoire géologique du département géosciences de l’École normale supérieure. Il a fait des biochars l'un de ses sujets d'études.
© Twitter/SoilPlantC_SAb

Qu’est-ce qu’un biochar, et pourquoi certains le plébiscitent en agriculture ?

Le biochar c’est du carbone organique qui est passé par le feu, qui a donc des propriétés particulières. La culture sur brûlis existe depuis des millénaires, et trouve son origine au néolithique. Le meilleur exemple est la terra preta, que l’on trouve en Amazonie, qui donne des terres très fertiles. Depuis environ vingt-cinq ans, au lieu de passer par des feux de forêts, on fait cela de façon contrôlée.

Il faut d’ailleurs distinguer en cela le biochar et le charbon vert : dans un cas on produit l’élément avec peu d’oxygène et une température maîtrisée, dans l’autre on ne contrôle pas du tout le processus. Ainsi le biochar comprend du carbone très stable. C’est un produit très actif qui se lie aux argiles et qui a comme propriété la rétention d’éléments.

Est-ce que ces propriétés peuvent avoir un intérêt en viticulture ?

Les biochars ont généralement des effets bénéfiques sur les paramètres physiques, chimiques et biologiques du sol. Ils augmentent la capacité d’échange cationique (CEC) de façon importante, mais aussi la rétention en eau, ce qui est intéressant à l’heure où l’on se pose la question de la résilience des systèmes agricoles. De façon indirecte, ils retiennent la matière organique. Mais ils sont aussi des habitats pour les micro-organismes, et forment de véritables « hot spots », des îlots de vie dans les milieux difficiles. On peut y voir un intérêt agronomique, avec des chances d’augmenter son rendement. Les données varient entre -30 % et +100 %, mais on estime en moyenne +10 %. Et de ce que j’ai pu tester en vigne dans le Valais suisse, la qualité du produit final ne change pas.

En revanche, il peut aussi y avoir des effets négatifs. L’apport d’éléments toxiques par exemple, comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ou encore des phénomènes de compétition et de faim d’azote. Il peut aussi y avoir des effets toxiques sur les vers de terre. À l’heure actuelle les gens se concentrent sur les aspects positifs, mais il faut faire attention car c’est un produit qui, par essence, va rester très longtemps dans le sol. Si l’on épand un biochar non adapté, ou bien mauvais, il sera là pour mille à deux mille ans. Ce n’est pas anodin.

Que conseillez-vous aux viticulteurs qui souhaitent se lancer dans leur utilisation ?

Il faut déjà se poser la question : « est-ce que j’en ai besoin ou pas ? pour quelle raison je souhaite en utiliser ? ». Si c’est l’aspect hydrique, pourquoi pas, mais il faut savoir que dans certains cas cela marche et dans d’autres non. Pesez les avantages et les risques, tout est une question d’équilibre ! C’est par ailleurs un produit très peu normé. Nous avons créé un certificat européen du biochar (1), qui assure un cahier des charges et des analyses validées par des scientifiques. Je pense qu’il est bon de passer par là et de faire appel à un expert indépendant, voire un chercheur, c’est plus sain que d’approcher le premier commercial venu. Car beaucoup d’entreprises se lancent, dont certaines peu scrupuleuses. Il faut, en outre, garder en tête que les connaissances actuelles sont largement empiriques et ne vont pas jusqu’à la culture. Mais la recherche s’intéresse de plus en plus à l’adéquation entre le type de biochar, l’agriculteur et son sol.

(1) european-biochar.org/en

Quid du projet Vinichar ?

Un projet collaboratif porté par l’IFV Rhône-Méditerranée a vu le jour en 2016, dans l’objectif d’expérimenter l’effet d’un biochar issu de marc de raisin sur les vignes, le projet Vinichar. Des modalités avec apport de compost ont été comparées à d’autres ayant reçu du compost et du biochar ainsi qu’un témoin. Faute de financement, il s’est arrêté avant le terme prévu. Jean-Christophe Payan, en charge du dossier à l’IFV, a pourtant vu des résultats préliminaires intéressants. « Dans deux cas sur cinq, nous avons observé, dès la première année, des effets positifs liés au biochar sur plusieurs paramètres en simultané, comme le poids des baies, la contrainte hydrique et le carbone 14 », relate-t-il.

Cinq ans après, il voit encore des effets quand il se rend dans ces parcelles. Reste que les volets agronomique (fertilité), physico-chimique et économique n’ont pas pu être étudiés. « Pour moi il faudrait reprendre le dossier en main, estime l’ingénieur. Il reste encore beaucoup de travail. Ne serait-ce parce qu’il n’existe pas un, mais des biochars. Nous étions partis sur un profil très durable dans le temps et avec des grandes capacités d’absorption de l’eau. De même, en fonction de l’origine du biochar, l’apport de matériaux exogènes est un réel sujet. Je pense notamment aux métaux lourds.

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