Quels programmes présidentiels pour la viticulture ?
En examinant les programmes de huit candidats à la présidentielle des 10 et 24 avril prochains, nous avons relevé leurs propositions sur cinq problématiques majeures pour la viticulture.
En examinant les programmes de huit candidats à la présidentielle des 10 et 24 avril prochains, nous avons relevé leurs propositions sur cinq problématiques majeures pour la viticulture.
Pour connaître les propositions des candidats, nous les avons contactés, lu leur programme et écouté ceux d’entre eux ou leurs représentants venus s’exprimer dans le cadre des Controverses de l’agriculture et de l’alimentation, organisées par Réussir Agra, le 15 février dernier.
1 Quelles mesures pour redonner envie aux jeunes de s’installer ?
Pour la plupart des candidats, l’attractivité du métier passe par l’augmentation du revenu agricole. Valérie Pécresse (Les Républicains – LR) en fait même un thème central. Elle défend la voie de la baisse des charges pesant sur la production. Elle propose en particulier « d’augmenter de 20 à 50 % l’abattement forfaitaire sur les terres agricoles dans le calcul de la taxe sur le foncier non bâti » et de réduire les cotisations vieillesse d’un tiers dès l’été 2022. L’arme fiscale est majeure aussi pour Éric Zemmour (Reconquête !). Il compte baisser le taux d’impôt sur les sociétés pour les agriculteurs.
Côté valorisation de la production, les grandes surfaces sont dans le collimateur de tous les candidats. Emmanuel Macron (La République en marche – LREM) veut poursuivre la loi Egalim. « Il faut passer de la guerre des prix à la transparence des marges », a plaidé Julien Denormandie, l’actuel ministre de l’Agriculture, venu s’exprimer lors des Controverses. « La valeur ajoutée doit être équitablement répartie sur toute la chaîne. Sinon, c’est à l’État d’intervenir et d’imposer d’acheter à un prix référence », estime pour sa part Fabien Roussel (Parti communiste français – PCF). Position proche chez Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France insoumise (LFI) : il faut « jouer sur les marges intermédiaires au niveau de la transformation et de la distribution », indique son programme.
2 Comment encourager les installations et la transmission ?
Valérie Pécresse promet l’allègement de la fiscalité dans le cadre familial pour un héritier en ligne directe qui reprend l’entreprise à titre principal et la suppression de la taxation des plus-values lors des cessions à un jeune agriculteur. Elle envisage un complément de retraite pour le cédant qui accompagne l’installation progressive d’un jeune. Pour favoriser l’accès hors cadre familial, elle entend soutenir les dispositifs de portage foncier.
Éric Zemmour compte « favoriser le renouvellement des générations en augmentant la dotation jeune agriculteur » et en « simplifiant les procédures d’installation et d’accès au foncier ». Il prévoit la fin des droits de donation et de succession pour la transmission d’entreprises familiales.
Jean-Luc Mélenchon veut tripler la dotation jeune agriculteur dès 2023. Fabien Roussel compte la doubler : « les fonds de la dotation d’installation de jeunes agricultrices et agriculteurs seront rapidement doublés et attribués selon des critères d’emploi, d’écoconditionnalité et de durabilité ». Pour sa part, Anne Hidalgo (Parti Socialiste – PS) annonce une grande loi foncière pour le début de son mandat, « qui préservera et partagera mieux les terres agricoles ».
3 Quels engagements pour alléger les contraintes administratives et réglementaires ?
Souvent oubliée après l’élection, la simplification administrative est énoncée par plusieurs programmes. Valérie Pécresse promet d’honorer sa promesse de « ne plus jamais surtransposer aucune directive communautaire ». Elle évoque un « comité de la hache » pour que l’agriculture soit la première bénéficiaire d’un choc de simplification qu’elle veut libérateur. Emmanuel Macron, par la voix de Julien Denormandie, veut « aller plus loin dans certains allègements fiscaux, donner de la pérennité au TO/DE, et lutter contre toute surtransposition ».
Anne Hidalgo a une lecture assez différente, jugeant que « la vitalité de la filière viticole » repose sur un « système de régulation » à préserver. Elle cite en exemple le champagne, dont « le cadre très strict » vise à assurer la qualité et en même temps « un juste partage de la valeur entre les viticulteurs et les négociants ».
4 Quelles mesures pour sécuriser le revenu face aux incidents climatiques ?
Face aux risques induits par le changement climatique, un plus large accès à l’assurance est cité par tous les candidats. Emmanuel Macron compte sur la mise en œuvre de la nouvelle assurance récolte. Anne Hidalgo considère qu’il faut « repenser le système d’assurances pour mieux l’articuler avec le régime des calamités agricoles car les assurances privées ne sont pas suffisantes ». Fabien Roussel annonce qu’un « régime public d’assurance contre les aléas climatiques, sanitaires et environnementaux sera rapidement créé », s’il accède à la présidence.
Valérie Pécresse veut que « la solidarité nationale joue pleinement pour couvrir le reste à charge insupportable par chacune des filières en cas de risque climatique extrême ». Au RN, on évoque une réorganisation nécessaire du système d’assurance, « afin de le rendre réellement accessible ».
Chez EELV (Europe Écologie – Les Verts), on parle avant tout prévention. « Engageons-nous dans des solutions de prévention qui rémunèrent les acteurs de la ruralité qui prennent soin de l’intérêt commun et des ressources vitales grâce aux paiements pour services écosystémiques », propose Benoît Biteau, député européen, représentant de Yannick Jadot (EELV) aux Controverses.
5 Quelle position sur l’usage des produits phytosanitaires ?
La question des pesticides sépare assez nettement la gauche de la droite. Jean-Luc Mélenchon souhaite interdire le glyphosate. Il veut orienter les financements sur « l’agriculture écologique et paysanne ». Il prévoit de consacrer 1,1 milliard d’euros par an à l’agriculture biologique, 780 millions d’euros aux MAEC et la suppression des aides aux mesures de « greenwashing », parmi lesquelles il range le label HVE.
Yannick Jadot vise la sortie des pesticides à échéance 2035 et des aides PAC centrées sur le bio pour qu’il devienne « une agriculture de masse ». Benoît Biteau estime qu’avec des pratiques agroécologiques qui « agrègent des techniques porteuses de solutions », on peut parvenir « à un modèle sans pesticides avec les mêmes rendements et sans augmenter les surfaces ». Anne Hidalgo considère aussi que des alternatives aux pesticides existent (biocontrôle, travail du sol pour éviter les herbicides, agroécologie…). « De nombreux viticulteurs vont dans ce sens, il faut accompagner les autres », annonce-t-elle.
Pas d’interdiction du glyphosate sans solution est la position d’Emmanuel Macron. Valérie Pécresse partage ce point de vue. « Nous devons pouvoir soigner les plantes comme nous soignons les hommes. Et donc, tant que la recherche et l’innovation ne l’autoriseront pas, le « zéro-phyto » n’est pas réaliste », affirme-t-elle. Même avis au RN : « Il n’est pas possible de supprimer les produits phytosanitaires sans proposer au préalable des solutions. En ce domaine, il faut arrêter l’angélisme », a indiqué Gilles Lebreton, député européen représentant Marine Le Pen aux Controverses. Dans son programme agricole, le RN évoque aussi « un plan de soutien » spécifique à la bio sur cinq ans sans précision de montant et une « indemnisation intégrale des ZNT ».