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Quel programme pour lutter efficacement contre les maladies fongiques de la vigne ?

Entre réglementation et retrait de molécules, la protection phyto relève de l’équilibrisme. Les solutions existent, mais nécessitent des arbitrages.

Viticulture . Maladies de la vigne . vignes atteintes du mildiou dans le vignoble de Champagne. Symptômes à la face inférieure des feuilles .
Le mildiou devient de plus en plus délicat à gérer, d'autant plus si l'on veut combiner efficacité, souplesse et profil écotoxicologique.
© J. C. Gutner

Une de plus. Cette année, c’est la molécule métirame qui va tirer sa révérence, pour cause de classement comme perturbateur endocrinien. Une perte notable puisqu’elle est considérée par certains viticulteurs comme la solution la plus efficace face au black-rot. Et elle affecte d’autant plus les programmes sans cancérogène, mutagène et reprotoxique (CMR). Car, parmi les solutions restantes contre ce pathogène, les deux multisites que sont le folpel et éventuellement le dithianon sont écartés car classés cancérigènes. Pire, avec le plan d’anticipation des retraits phyto, les experts ont identifié un risque de perte totale des usages sur cette maladie. Irions-nous vers une impasse ?

Xavier Burgun, ingénieur à l’IFV Charentes, a mené pendant trois ans le projet Zéro Black-rot, dans le but de faire émerger des biosolutions face au champignon. Il a ainsi testé les hydrogénocarbonates de potassium (Armicarb) et sodium, les phosphonates, l’huile essentielle d’orange douce, les terpènes ou encore des biostimulants et engrais foliaires. Il en retire que les phosphonates, l’Armicarb et l’huile essentielle se rapprochent du soufre mouillable. Les niveaux d’efficacité atteignent 60 % sur feuilles, 50 % sur grappe pour les phosphonates et 30 % pour l’Armicarb, et cela avec une régularité forte. « En associant l’un des deux avec un soufre, on arrive à l’équivalent du produit de référence, assure l’ingénieur. Et si l’on part sur une stratégie cuivre plus soufre mouillable plus phosphonates, cela peut être insuffisant sur mildiou mais ça ne décrochera pas sur black-rot. »

Dans certains cas le black-rot devrait être considéré comme ravageur principal

L’an dernier, sur un réseau de 25 parcelles sensibles, il n’a jamais dépassé 1 % de perte, là où le pathogène a détruit en moyenne 30 % des témoins non traités. Xavier Burgun travaille maintenant sur le développement d’outils d’aide à la décision (OAD) pour positionner au mieux les traitements, et gagner en efficacité en visant les périodes clés. Le positionnement est également une problématique mise en avant par Éric Chantelot, expert national IFV en protection des plantes : « Certains professionnels l’abordent toujours comme un ravageur secondaire, alors qu’il pourrait être pris comme base de raisonnement dans certains secteurs. »

Il est à noter par ailleurs que l’arrêt du métirame devrait coïncider avec le lancement d’une nouvelle molécule fongicide en vigne. En effet, BASF teste depuis plusieurs années le revysol, une triazole de nouvelle génération déjà employée en céréales, et annonce une très bonne efficacité sur le black-rot, en plus de l’oïdium. C’est un produit non CMR, avec une ZNT aquatique de 5 mètres. Si le revysol doit être une solution supplémentaire contre le black-rot, il ne se substituera pas au métirame puisqu’il s’agit d’un produit unisite susceptible de voir apparaître des résistances et limité à deux passages par an.

Le retrait du métirame signifie également une option de moins dans la boîte à outils contre le mildiou, déjà réduite à peau de chagrin, diront certains. « En conventionnel, il reste toute une panoplie de solutions efficaces, estime néanmoins Éric Chantelot. En autres produits multisites, nous avons encore le folpel et le dithianon. » Là où les choses se compliquent, c’est quand le viticulteur doit ajouter à la performance des critères comme le prix, la gestion des résistances, le classement (CMR, biocontrôle…), la souplesse (ZNT, DRE…) ou encore la polyvalence black-rot. « Tous les objectifs ne peuvent pas être atteints, pointe Alexandre Davy, chargé d’expérimentation à l’IFV de Blanquefort, en Gironde. Il faut donc faire des choix et les prioriser. »

Gérer les résistances face au mildiou est un combat primordial

Du côté des résistances, le monitoring national montre que, hormis la zoxamide et l’oxathiapiproline qui demeurent à ce jour quasiment indemnes de souches résistantes, l’ensemble des autres unisites sont concernés par des phénomènes de résistance à des niveaux plus ou moins importants. S’il est difficile voire impossible d’établir un lien direct entre détection de souches résistantes au laboratoire et perte d’efficacité au vignoble, il n’en reste pas moins que la situation est préoccupante et qu’il faudra prendre en considération ces éléments pour établir la stratégie de protection des prochaines campagnes de traitement. « Il ne faut pas se dire que, puisqu’il y a des résistances, il faut les laisser tomber, nuance Éric Chantelot. Mieux vaut adopter une approche où l’on utilise cinq ou six modes d’action différents sans renouvellement, pour ne pas créer de pression de sélection sur les molécules indemnes. » D’autant plus que les situations diffèrent largement d’un contexte à l’autre.

À Bordeaux, certaines zones présentent des niveaux de spores résistantes au fluopicolide de 4 %, là où d’autres affichent 100 %. Idem pour l’amétoctradine où le taux est souvent nul, mais qui peut faire face à des taux de 85 % dans certaines zones. Dans un tel contexte, il peut être opportun d’analyser les résistances dans ses propres vignes, comme le proposent plusieurs entreprises telles que BaaS en Gironde. Et ainsi adapter ses produits en fonction du risque local. « Quoi qu’il en soit, cela vaut tant qu’on est en préventif. Sur du mildiou déclaré et bien installé, il y a lieu de basculer sur des multisites », prévient Éric Chantelot.

Ceux pour qui l’arrêt du métirame pose un problème plus délicat sont les viticulteurs qui ont pris le parti de travailler sans CMR. Alexandre Davy lance même, un brin provocateur, que les programmes sans CMR dans le Bordelais ont un avenir moins assuré qu’auparavant… En effet, les deux multisites conventionnels restants contre le mildiou sont classés cancérigènes. « Dans de tels programmes, il y aura lieu désormais de trouver un autre partenaire pour se protéger des résistances, commente Éric Chantelot. Cela pourrait être la zoxamide ou le cuivre, par exemple. »

Malgré la complexité, on a vu de belles réussites en 2023, millésime historique dans bien des régions par la pression mildiou. Romain Henrion, conseiller à la chambre d’agriculture du Var, a présenté lors d’un webinaire sur le sujet un programme sans CMR ayant donné satisfaction. Le viticulteur a débuté les traitements le 17 mai par un sulfate de cuivre à 250 g/Cu/ha, couplé à un acide phosphoreux avec le tiers de la dose. Cela après trois jours de pluie ayant apporté 40 mm et une semaine avant la détection des foyers primaires dans le secteur. Puis dix jours après, faisant suite à un épisode pluvieux (environ 90 mm), il est intervenu toujours avec un sulfate de cuivre (375 g/Cu/ha) et des phosphonates (deux tiers de dose). Les trois traitements suivants les 2, 9 et 21 juin, en encadrement de fleur, ont été respectivement réalisés avec Profiler (fluopicolide et fosétyl), Enervin Active + Facinan (amétoctradine et phosphonates) et Mildicut (cyazofamide et phosphonates).

Privilégier les pénétrants et resserrer les cadences si la pression est forte

Fin juin, les contaminations de mildiou n’affichaient que 10 % sur feuille et très peu sur grappe. Ainsi le viticulteur a terminé sa protection par des sulfates de cuivre (625 g/Cu/ha) les 4 et 18 juillet et 9 août, en ajoutant un phosphonate début juillet. À la fermeture de grappe, les vignes n’étaient touchées qu’à hauteur de 6 % sur grappe, avec 10 % d’intensité, malgré 28 jours de pluie en trois mois et presque 350 mm de cumul. « En cas de forte pression, l’important est de privilégier les molécules pénétrantes, systémiques ou translaminaire, et de resserrer les cadences de traitement », commente Romain Henrion. Et de ne pas tomber dans le piège classique de l’association de produits pénétrants et de contact. « Par exemple sur une association Amaline flow de zoxamide et cuivre à 2,8 l/ha, la durée de rémanence théorique est de dix à douze jours en situation de faible risque, illustre le conseiller. Mais en cas de pluie supérieure à 20 ou 25 mm, on se retrouve découvert sur les quatre à sept derniers jours. »

En ce qui concerne la lutte contre l’oïdium, le casse-tête est bien moindre. Les IDM et SDHI présentent quelques résistances mais pas encore de perte d’efficacité. Le soufre reste toujours aussi pertinent et n’est menacé d’aucune part en ce qui concerne son impact sur la santé ou l’environnement. « On observe toujours quelques situations explosives tardivement en Sud-Est, que l’on n’explique pas tout à fait », note toutefois Éric Chantelot. Il soupçonne dans certains cas des défauts de protection à cause de programmes calés sur le mildiou, dans d’autres un relâchement à partir du 15 juin par crainte de phytotoxicités dues à la chaleur. « Il faut être très vigilant sur la fleur, et ne pas se découvrir même si l’on annonce un épisode caniculaire », recommande-t-il. D’autant plus que l’oïdium est une maladie insidieuse que l’on repère toujours trop tard.

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