Prix du blé tendre : la hausse va-t-elle se poursuivre ?
Le prix du blé pourrait rester élevé dans les prochaines semaines au regard de la situation de sécheresse en Russie et de l’état des stocks mondiaux, selon les analystes. L'évolution des conditions climatiques va toutefois être déterminante.
Le prix du blé pourrait rester élevé dans les prochaines semaines au regard de la situation de sécheresse en Russie et de l’état des stocks mondiaux, selon les analystes. L'évolution des conditions climatiques va toutefois être déterminante.
Faut-il vendre son blé tendre ?
Au prix actuel du blé tendre, « il y a une belle opportunité de vente à saisir, estime Pierre-Antoine Foreau, président-fondateur de Céréapro, plateforme de négoce en ligne, et il faut se satisfaire d’un prix qui doit normalement couvrir les charges ». Après un bond de près de 60 euros la tonne (€/t) en un mois et demi, hausse qu’il considère « impressionnante », celui-ci espère que les prix vont se maintenir jusqu’à la récolte pour finaliser rapidement les ventes. Il préconise de « ne pas viser le haut de la courbe et d’engager 5 à 10 % sur ce prix », sans toutefois se mettre en risque de ne pouvoir honorer ses contrats car les rendements restent très incertains.
Pour Benoît Fayaud, directeur opérationnel adjoint chez Tallage, le Matif septembre 2024 (Euronext) qui est au 28 mai à 264,65 €/t « pourrait continuer à monter dans les semaines à venir, peut-être jusqu’à 280 €/t, pour ensuite redescendre ».
Pourquoi une telle hausse des prix du blé tendre ?
Pour comprendre, il faut analyser la situation dans les cinq grands pays exportateurs de blé tendre. Le premier, la Russie, qui a fait en 2023 presque un quart du commerce mondial de blé tendre, voit toutes ses régions de production touchées par des conditions climatiques pénalisantes. « Aujourd’hui, ce sont les bulletins météo qui font les cours et ils ne sont pas bons en Russie », énonce Sébastien Poncelet, directeur du développement chez Argus Média (ex-Agritel). Le potentiel de production Russe est estimé entre 80 et 85 millions de tonnes, soit une perte d’environ 10 millions de tonnes par rapport aux prévisions. La tendance reste au chaud et au sec en Russie, donc favorable à une potentielle poursuite de la hausse des prix, mais comme le rappelle Sébastien Poncelet, « les conditions peuvent vite changer ».
Côté Amérique du Nord, il n’y a pas de problème majeur et le potentiel de rendement sera supérieur à la moyenne, notamment aux États-Unis, estime Sébastien Poncelet. En revanche, en Australie les semis peinent à démarrer en raison du sec mais rien n’est joué encore. Ces récoltes annoncées plutôt correctes outre-atlantique ne compenseront par les baisses de production en mer Noire mais aussi en Europe, où la perte est estimée à 7 millions de tonnes (Union européenne et Royaume-Uni) par rapport aux 140 de la récolte 2023, révèle Benoît Fayaud. À tout cela, s’ajoutent des stocks mondiaux de blé tendre qui sont tout juste à l’équilibre. Et même si les stocks Russes, sont encore importants, de l’ordre de 53 millions de tonnes, au vu de la baisse de récolte annoncée, la Russie ne sera pas en mesure d’exporter autant que les années précédentes. Les marchés surréagissent ainsi fortement aux bulletins météo et notamment à ceux qui concernent le plus grand des exportateurs de blé.
À quoi s’attendre à moyen terme pour le prix du blé tendre ?
L’évolution du prix du blé tendre dépendra des conditions sur les prochaines semaines, mais aussi des récoltes de maïs, puisque Sébastien Poncelet explique que « les cours du blé sont en interaction avec ceux du maïs ». Lorsque l’offre est abondante et les prix bas, le blé tendre est fortement utilisé pour l’alimentation animale et il vient alors concurrencer le maïs.
Or, l’écart actuel entre le prix du blé tendre et celui du maïs, de l’ordre de 40 à 50 €/t, rend le blé trop cher pour être plébiscité pour l’alimentation animale. « C’est un écart très important qui va se maintenir, voir augmenter », estime Benoît Fayaud car la récolte de maïs sera peut-être un peu moins bonne que prévu. Le Brésil voit sa deuxième récolte (Safrina) perturbée par un temps sec et l’Argentine a subi de fortes attaques de cicadelles avec des pertes estimées à 10 millions de tonnes. Par contre, aux États-Unis, la récolte s’annonce correcte. Pour Sébastien Poncelet, « il n’y a pas d’inquiétude pour l’instant sur le maïs car les stocks issus de la dernière campagne sont importants, notamment aux États-Unis ».