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Comment reconnecter les éleveurs de porcs et les consommateurs

Au grand débat du Space, écologistes, éleveurs et communicants ont débattu sur les moyens de reconnecter éleveurs de porcs et consommateurs. Expliquer, montrer, être transparent et sincère sont essentiels.

Dans leur majorité, les français restent attachés aux agriculteurs. Selon un sondage BVA, 58% disent toutefois mal connaître l’élevage. Et plus ils le connaissent mal, plus ils en ont une mauvaise opinion. Ils veulent aussi manger moins de viande et plus de produits locaux, écologiques. «Beaucoup de gens ont une vision binaire de l’agriculture, analyse Gabrielle Dufour, écologiste modérée. Il y a les bons agriculteurs, petits, locaux, bio, et les mauvais, prolongement de l’agro-industrie, qui utilisent des pesticides, des OGM… » Elle change d’avis quand elle découvre l’agriculture par une Amap. «J’ai vu que même la bio utilise des pesticides, qu’on peut perdre toute sa récolte à cause du mildiou, que ce n’est pas facile. J’ai compris la notion de compromis.»

Lire aussi : Adrien Simon parle de son élevage sur Twitter

Si le dénigrement de l’agriculture a toujours existé, il est accentué par les réseaux sociaux et il est important que les agriculteurs expliquent ce qu’ils font. «La vision du consommateur est souvent éloignée de la réalité, constate Dominique Gautier, qui élève 600 truies NE dans les Côtes d’Armor avec son mari, un cousin et 4 salariés.

Quand j’explique notre activité, j’insiste toujours sur le côté familial. Le consommateur doit aussi comprendre que les agriculteurs veulent avoir une vie comme les autres, des week-ends, des vacances, ce qui implique d’être nombreux et donc d’avoir une certaine taille.»

Un point important est de donner du sens à l’agriculture. «Un discours technique ou économique ne permet pas la connexion avec le consommateur, constate Hervé Leprince, de l’agence de communication Newsens. Il faut vulgariser, donner du sens, rappeler que la vocation de l’agriculture est de nourrir.» «Il faut aussi montrer qu’il y a plusieurs agricultures, toutes nécessaires, expliquer que l’écologie est un ingrédient important, mais pas le seul, estime Gabrielle Dufour. Les agriculteurs doivent aussi accepter de parler d’écologie, de biodiversité. Même s’il semble évident qu’ils sont écologiques, ils doivent le dire et expliquer qu’ils sont dans le compromis entre nourrir et respecter l’environnement.»

Etre transparent

Les réseaux sociaux sont incontournables et chacun peut choisir celui qui lui convient. Dominique Gautier communique sur Facebook. «Pendant la coupe du monde, j’ai mis un ballon parmi les porcelets, avec un drapeau français et la musique de la coupe du monde. Ça a très bien marché.» Elle a ensuite parlé des truies en case de mise-bas. «J’ai fait le déroulé de la mise-bas, en parlant des évolutions possibles. Ça a été un de mes meilleurs posts.» D’autres préfèrent Twitter, où il faut être très réactif, YouTube, qui permet de montrer ce qu’on fait, ou Instagram.

Dans tous les cas, il est important d’être transparent et honnête. «Il faut montrer ce que le consommateur ne voit pas, le départ à abattoir, les truies en case d’allaitement, en expliquant que cela permet de sauver des porcelets» estime Gabrielle Dufour. La question de l’élevage en bâtiment est cruciale. «Il faudrait prendre le temps d’expliquer pourquoi on élève des porcs en bâtiment, estime Dominique Gautier. Avec le confinement, les gens ont compris que c’est un moyen de maîtrise sanitaire. Il faudrait expliquer aussi que les pratiques évoluent, qu’on parle d’accès à l’extérieur. Mais pour investir, les éleveurs doivent être sûrs que les prix vont se maintenir.»

Ouvrir les fermes au public

Le contact direct reste important. Dès 2000, Dominique Gautier a organisé des portes-ouvertes. «Les gens arrivent avec des à priori, même si ceux qui viennent sont les plus modérés. Ils sont en général surpris et repartent rassurés. Et quand nous avons un projet, nous en parlons aux voisins, au conseil municipal.» Une étude de la Chambre d’agriculture de Bretagne montre qu’être pro-actif est toujours bénéfique, notamment en porc, quitte à adapter légèrement son projet. L’échange avec les consommateurs, les voisins se fait aussi au quotidien. «Dès qu’une maison change de propriétaire, nous allons le voir, nous l’invitons à visiter l’exploitation.» Des opérations collectives ont aussi de l’intérêt.

Lire aussi : Des visites à la ferme en petits groupes

Agriculteurs de Bretagne organise chaque année une journée portes-ouvertes sur 20 fermes sur toute la Bretagne. En 2018, avec les moyens de communication de l’association, Dominique Gautier a ainsi reçu 1000 personnes. De telles opérations donnent de la visibilité aux agriculteurs et intéressent aussi les journalistes. Car si les journaux locaux sont assez proches des agriculteurs, les médias nationaux, où il n’y a plus de spécialistes de l’agriculture, en sont souvent éloignés. Un travail auprès des journalistes et futurs journalistes pourrait être utile. L’émission «L’amour est dans le pré», qui joue sur l’émotion et que certains agriculteurs jugent «misérabiliste» montre par contre la réalité des pratiques, de façon compréhensible par tous.

"Etre formés pour utiliser les bons mots"

Intervenir sur les réseaux sociaux n’est pas évident pour tous les éleveurs. «Il faut parler très simplement, note Dominique Gautier. Nous avons besoin d’être formés pour utiliser les bons mots.» L’humour peut être un bon vecteur. «Il passe bien sur YouTube, un peu moins sur Twitter» précise toutefois Etienne Fourmont, éleveur laitier très actif sur les réseaux sociaux. Jouer sur l’émotion, procédé très utilisé par les opposants à l’élevage, permet de mémoriser et favorise l’engagement. Autre point clé : ne pas s’énerver. «Il faut bloquer les insultes, estime Gabrielle Dufour. Et il ne faut pas s’adresser aux détracteurs de l’élevage, qui ne changeront pas d’avis, mais aux consommateurs, sans être sur la défensive. Et il faut toujours rester poli, structuré, ce qui peut désarçonner les personnes qui s’énervent.» «Quand on s’énerve, on perd toute crédibilité, assure Etienne Fourmont. Et dans les faits, il n’y a que 5-10% de retours négatifs sur Twitter, 2% sur YouTube.»

La pédagogie est aussi l’affaire des organisations. «Mais le message d’un éleveur est plus impactant que celui d’un organisme où le consommateur pense qu’il y a un intérêt derrière» estime l’éleveur. Une enquête 2019 montre que le consommateur a plus confiance quand c’est un agriculteur qui parle plutôt qu’un organisme, une marque, une entreprise. Raconter de façon personnelle permet aussi d’incarner une personne à laquelle le consommateur peut s’identifier. Et garder une touche «fait maison» fait paraître l’éleveur plus honnête et sincère.

 

 

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