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Pois d’hiver : les clés d’une implantation réussie

Ne pas semer trop tôt, mais profond, avec des variétés adaptées et dans un sol ressuyé : il y a plusieurs facteurs de réussite pour l’implantation de son pois d’hiver.

Parcelle de pois d'hiver photographiés en janvier
Le pois atteint son pic de résistance au froid (jusqu’à -15 °C) quand il a atteint le stade 2-3 feuilles.
© H. Challier

Obtenir un pois d’hiver à 3 feuilles en sortie d’hiver : tel est le premier conseil de Bastien Remurier, référent national pois chez Terres Inovia, pour réussir sa culture. « Le pois d’hiver atteint son pic de résistance au froid (jusqu’à -15 °C) quand il a atteint le stade 2-3 feuilles. À 6-7 feuilles, la résistance au froid tombe à -5 °C, signale-t-il. En semant en octobre, avec les hivers de plus en plus doux, le pois atteint 6 feuilles en décembre et ne résiste pas aux fortes gelées. » En outre, les lésions occasionnées par le gel sont des portes d’entrées pour les maladies. « Depuis quatre ans, nous constatons un développement d’un complexe de pathogènes dominés par le champignon Colletotrichum. Sa présence semble favoriser l’installation d’autres maladies telle que la bactériose. Cette dernière campagne a montré que les pois semés tardivement ont subi plus tard les premières attaques des champignons avec une moindre gravité. »

Des semis plus tardifs pour limiter le gel et les maladies

Le décalage des semis de pois d’hiver s’inspire des pratiques du sud de l’Europe. Cette stratégie, déjà pratiquée dans le sud de la France, commence à être adaptée dans le Nord, en lien avec le changement du climat. Avec 180 à 200 °C jours pour obtenir la levée, Terres Inovia préconise de semer de mi-novembre à mi-décembre sur l’ensemble du territoire. S’il est possible de semer sur un sol gelé, il faut juste éviter les fortes gelées 3-4 jours après le semis lorsque la graine se réhumecte.

« Pour la zone nord de la France, nous conseillons de semer vers le 15 novembre, confirme Hervé Hemeryck, technicien Soufflet région Nord. Assez facile en terres sèchantes, cela reste difficile d’avoir un sol ressuyé en terres fortes (argileuses). Avec la date de semis, le choix de la variété et sa densité restent les leviers déterminants la réussite. »

L’expert de Terres Inovia recommande de semer à 5 cm, voire plus profond en cas de semis précoce. Cela évite l’exposition de la graine aux gelées et protège l’épicotyle lors de la phase végétative, zone la plus sensible aux dégâts de gel. Il est également impératif de semer dans de bonnes conditions de ressuyage.

« Le respect des densités de semis s’impose aussi, poursuit le spécialiste. Le pois d’hiver ramifie beaucoup. Si le couvert se développe trop en cas de forte densité, la maladie s’installe plus facilement. » Les nouvelles variétés présentent une ramification de plus que les variétés de 10 ans d’âge. Attention, élever la densité en semences de ferme sans test de germination augmente le risque d’un couvert trop développé favorisant les maladies. Les préconisations restent de 60 à 70 graines par m2 en sols limoneux, 80 à 90 en sols argileux et 115/m2 en sols de craie.

Des variétés plus tolérantes aux maladies

Le conseiller préconise des variétés de pois d’hiver productives comme Feroe, Furtif ou Uppercut. « La plupart des variétés récentes apportent un plus, certifie Bastien Remurier. Les anciennes (Fresnel, Furious) marquent le pas sur la sensibilité aux maladies. » Les variétés Foudre, Farwest ou encore Facette affichent une certaine tolérance au complexe maladies. Et ce grâce à différentes caractéristiques agronomiques telles que la tolérance au froid, la vigueur et le redressement de la plante sortie hiver. L’architecture du pois avec un bas de tige qui ne touche pas le sol devient aussi un paramètre de progrès génétique.

Éviter les parcelles avec une problématique d’adventices

« Pour le désherbage, l’application de post-semis prélevée est ce qui fonctionne le mieux », estime Hervé Hemeryck. Les mêmes désherbants qu’en pois de printemps sont utilisables. Exemple de programme complet conseillé : 2 l/ha Challenge 600 + 2 l/ha de Nirvana 5 et 0,12 l/ha de Centium 36 CS. Il sera complété par un anti-graminées si nécessaire. « Ce programme fonctionne bien en cas de pression importante, confirme Bastien Remurier. En cas de forte infestation et de présence d’adventices spécifiques tel que les renouées, le gaillet ou la véronique, la pré-levée est indispensable. » À noter que le produit Challenge 600 peut s’utiliser en traitement de pré-levée tardif (jusqu’à crosse émergente).

Certains agriculteurs préfèrent éviter la pré-levée au cas où ils devraient retourner la culture en cas d’échec. Dans ce cas, ils peuvent réaliser une application de post-levée seule, avec Challenge 600 ou, plus onéreux mais efficace, Corum et/ou Prowl. La post-levée manque d’efficacité sur renouée, coquelicot, laiteron et gaillet. Elle est vraiment réservée aux situations à faible pression adventices. D’une manière générale, il faut éviter les terres à grosses problématiques adventices pour les pois d’hiver. « Le coût du programme varie du plus faible (Prowl à 40 €/ha) au plus cher (pré et post-levée) à 120 à 130 €/ha », indique le spécialiste Terres Inovia.

En cas d’infestation de graminées, le produit Kerb flo s’avère une bonne solution, appliqué à 3-4 feuilles. Cet herbicide racinaire reste efficace sur ray-grass et vulpin résistants. Il fonctionne par temps froid (sauf si gel). Les anti-graminées foliaires (fop et dimes) sont possibles, mais ne fonctionnent plus en cas de graminées résistantes. « Enfin, nous déconseillons le désherbage mécanique post-levée, car il blesse le pois d’hiver et ouvre la voie au complexe maladies », remarque Bastien Remurier.

Essai date de semis 2023 de Terres Inovia à Chambon (17), sol de groie A gauche Furious, semé le 2/11 : 11q/ha. 
A droite Furious semé le 12/12 : 31 q/ha
Essai de Terres Inovia à Chambon (17), sol de groie. À gauche : variété Furious, semée le 2 novembre 2023 (11q/ha). À droite : variété Furious semée le 12 décembre 2023 (31 q/ha). © Terres Inovia

Des mesures pour limiter les pertes 2024 en pois d’hiver

Un hiver et un printemps battant des records climatiques de chaleur et d’humidité. Des semis très tardifs impactés par des précipitations constantes. Une pression maladie ayant pris au dépourvu de nombreux producteurs. Et au final, près de 60 % de la sole de pois d’hiver détruite ou non récoltée cette campagne. Face à ce constat, la fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux (FOP) se mobilise pour limiter les pertes économiques des exploitations et redonner confiance aux producteurs. La FOP a déjà obtenu le maintien du bénéfice des soutiens de la PAC liés à la culture du pois (particularités des légumineuses pour l’écorégime et aide directe à la production à travers l’aide couplée aux protéagineux). D’autres pistes sont à l’étude pour répondre de façon appropriée aux dommages déclenchés par un problème climatique majeur et amplifié par des conséquences sanitaires. La FOP travaille avec Terres Inovia qui publiera un état des lieux complet des pratiques agronomiques en vue d’assurer une meilleure robustesse du pois d’hiver vis-à-vis des accidents climatiques ou sanitaires. Ainsi le choix variétal et le bon positionnement de la protection contre les maladies ont montré leur efficacité dans différents bassins de production.

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