Phytos en viticulture : toujours plus de biocontrôle et des restrictions en perspective
La prochaine campagne confirme une double tendance, avec des innovations en biocontrôle pour protéger la vigne, et en parallèle, des nouvelles restrictions d’utilisation et le retrait de certaines spécialités.
La prochaine campagne confirme une double tendance, avec des innovations en biocontrôle pour protéger la vigne, et en parallèle, des nouvelles restrictions d’utilisation et le retrait de certaines spécialités.
Au cours de la campagne 2020, les vignerons ont bénéficié de l’arrivée de nouveaux biocontrôles pour protéger leur vignoble, en particulier dans la lutte contre les maladies : produits à base de Bacillus (Taegro homologué sur oïdium et botrytis, Sonata homologué contre l’oïdium) mais aussi de souches de levure (Noli autorisé contre le botrytis). L’année 2021 devrait confirmer la tendance avec de nouveaux biocontrôles, cette fois-ci plutôt dans le domaine de la protection contre les ravageurs. Les firmes proposent par ailleurs des « packs » afin d’accompagner les producteurs dans l’intégration de ces solutions dans les programmes de protection.
Nouvelles solutions en confusion sexuelle contre les vers de grappe
La confusion sexuelle continue à gagner du terrain dans les vignobles avec plus de 120 000 hectares confusés en 2020. Cette démarche de protection contre les ravageurs très porteuse s’enrichit de plusieurs innovations pour 2021.
Les vignerons pourront bénéficier d’une nouvelle solution de confusion sexuelle : Biootwin L, entièrement biodégradable sous la forme de deux tubes microcapillaires parallèles remplis de phéromones et soudés à leur extrémité. Les tubes sont en biopolymères 100 % d’origine végétale et 100 % renouvelables. Ce système s’enfile sur les coursons avant le début du premier vol, 200 à 250 diffuseurs par hectare sont nécessaires. Commercialisée par CBC Biogard, cette innovation a été distinguée par le jury du salon Dionysud.
La société De Sangosse qui propose déjà une offre de confusion pour la maîtrise d’eudémis (Checkmate Puffer), commercialisera pour la campagne à venir une solution de double confusion eudémis et cochylis, « il faut 2,5 Puffer par hectare, qui peuvent être posés en un quart d’heure », précise Aurélie Morin, responsable biocontrôles chez De Sangosse.
Un produit de confusion sexuelle pulvérisable (Pro Spray Lobesia botrana) est toujours en attente d’homologation chez M2i qui espère son autorisation pour 2021. « Le produit est très simple d’utilisation, explique Johann Fournil, il faut 1 litre pour 1 hectare et on ne l’utilise qu’en cas de présence de tordeuses. » Une version Pro Spray à la fois efficace sur eudémis et cochylis est également en cours de développement.
Des biocontrôles pour faire face à l’extension de Crytoblabes gnidiella
Alors que le ravageur Cryptoblabes gnidiella poursuit son extension dans les vignobles méridionaux (voir encadré), la société espagnole SEDQ a obtenu l’autorisation d’une solution de confusion sexuelle Cryptotec (400 diffuseurs/ha), innovation commercialisée en France par les Ets Magne dans l’Aude. Par ailleurs Phyteurop, qui a repris la distribution de Tricholine Vitis, biocontrôle à base de trichogrammes autorisé sur eudémis, cochylis et eulia, annonce l’autorisation de cette spécialité sur cryptoblabes avec une efficacité de 60 %.
Enfin, la société Corteva a obtenu au cours de l’année 2020 l’homologation de Fycilia, une nouvelle formulation du spinosad pour lutter contre vers de grappe, pyrale, cryptoblabes et drosophiles. Ce produit, qui contient 24 g/l de spinosad, est plus dosé en adjuvant que la spécialité Success 4 qu’il est amené à remplacer.
Des « packs » pour accompagner l’intégration du biocontrôle dans les programmes
Le développement par les firmes de « packs » tout biocontrôle ou intégrant des produits de biocontrôle par les firmes devrait faciliter l’intégration de ces nouvelles solutions dans les programmes.
La société De Sangosse proposera pour la prochaine campagne la première offre combinée biostimulant/biocontrôle avec la mise sur le marché d’un pack LB-L qui est la combinaison d’un biostimulant à base de dérivés de saccharose, de cuivre et d’oligoéléments, associé au LBG -01F34 à pleine dose. « Cette association 100 % biocontrôle est recommandée en début de cycle en situation de pression faible à moyenne », précise De Sangosse. La société Bayer va développer 3 packs visant à diminuer les IFT en favorisant les biocontrôles : Flint/Consist + Maxisoufre pour une protection oïdium et black-rot avec un IFT réduit à 0,6 ; Rhapsody + Maxisoufre pour une protection oïdium et botrytis avec un IFT de 0,2 et Sonata + soufre avec un IFT de 0. Même approche chez Syngenta avec un pack Score (à 0,125 l/ha) + Seffika pour une lutte conjointe oïdium et black-rot pour un IFT de 0,6. Cette firme propose également un pack Geoxe/Taegro qui permet d’assurer une protection robuste contre le botrytis au stade A avec du fludioxonil complétée par l’action du Taegro à l’approche de la récolte sans risque de résidus.
Enfin, preuve que l’accompagnement de l’utilisation des produits de biocontrôle est une priorité, Belchim lance début 2021 une application web pour un bon usage de l’herbicide naturel Beloukha, afin d’assurer un positionnement optimal à la bonne température, et au bon stade.
Restrictions sur le glyphosate, retrait du mancozèbe
Les restrictions sur l’usage du glyphosate se précisent : l’herbicide reste autorisé mais la règle serait désormais 450 g/ha avec des applications limitées à 20 % de la surface de la parcelle sous le rang, soit une réduction de 80 % par rapport à la dose actuellement autorisée. La discussion entre l’Anses et les professionnels se poursuit. Entre les rangs, le glyphosate est interdit sauf dans les parcelles non mécanisables et dans les sols caillouteux. Il reste également autorisé dans les vignes mères de porte-greffe. « Cela va limiter l’usage du glyphosate à une application alors que beaucoup de vignerons en faisaient deux ou trois, et la règle des 20 % de la surface est une impasse pour les vignobles étroits », observe Éric Chantelot de l’IFV.
Par ailleurs, le retrait du mancozèbe est acté avec une interdiction de vente au 1er janvier 2021, un délai d’écoulement des stocks de 6 mois et un délai supplémentaire d’utilisation de 6 mois. Au-delà de ce retrait se pose la question de la raréfaction des matières actives multisites dans les programmes fongicides. En effet, le métiram et le folpel sont en cours de réexamen avec des décisions attendues au cours de l’année (31 janvier et 31 juillet). Même si ces substances actives sont déjà interdites dans certains cahiers des charges, la gestion des résistances risque de devenir compliquée.
À suivre également au cours de l’année 2021, la mise en place de la réglementation sur la séparation vente/conseil, qui aura des conséquences sur les suivis techniques dans les parcelles de vigne.
Retour sur la campagne 2020 : Forte pression mildiou au sud, progression de l’oïdium et vigilance Cryptoblabes
La campagne 2020 aura été marquée par de fortes attaques de mildiou dans les vignobles du Sud-Est et du Sud-Ouest en début de campagne, « le millésime 2020 a été compliqué à gérer avec des cumuls de pluie très conséquents du 15 avril au 15 mai et parfois une pression mildiou plus forte qu’en 2018 », observe Stéphane Giry Latterière, responsable technique vigne Inovitis (33). L’autre fait marquant de la campagne est la montée en puissance de l’oïdium en Bourgogne mais aussi en Champagne sur des cépages réputés peu sensibles comme le pinot noir ou le pinot meunier, ou dans le Val de Loire sur chenin ou sauvignon. Dans le Sud-Est, de façon surprenante, le cépage carignan, très sensible à l’oïdium, a été peu touché alors que le cépage chardonnay a été affecté par l’oïdium à partir de mi-mai. « Avec des pressions de plus en plus importantes dans les vignobles du Sud-Ouest et de la façade atlantique notamment, le black-rot est une maladie à prendre en compte dans les programmes », remarque Éric Chantelot. Côté ravageurs, il faut signaler une 3e génération d’eudémis importante et étalée dans le Sud-Est avec des attaques qui ont été une porte d’entrée pour le développement d’Aspergillus carbonarius, champignon à l’origine de teneurs élevées en ochratoxine dans les vins. Mais l’inquiétude pour les vignerons, souligne Éric Chantelot, est le développement de Cryptoblabes gnidiella qui poursuit son implantation dans les vignobles méditerranéens. Ce ravageur de fin de saison occasionne non seulement des dégâts directs mais il est également une porte d’entrée pour le botrytis et/ou Aspergillus carbonarius.