Récit de voyage
Transhumance en Mongolie
Éleveuses de brebis dans les Bouches du Rhône, Manon Gontier et sa mère ont pu participer à une transhumance dans une famille nomade mongole.
Éleveuses de brebis dans les Bouches du Rhône, Manon Gontier et sa mère ont pu participer à une transhumance dans une famille nomade mongole.
La Mongolie, le paradis de tout éleveur qui rêve d’immensité et de liberté. Nous sommes dans la vallée de l’Orkhon, le berceau du peuple nomade mongol, cette vallée qui a vu naître le grand Genghis Khan. Durant plusieurs jours nous allons assister à une tradition nomade séculaire, la transhumance des troupeaux. Et comme dit un vieux proverbe mongol « Qui boit l’eau d’une terre étrangère doit en suivre les coutumes ». C’est ce que nous allons faire.
La famille de Lkhagvasuren élève des moutons, des chèvres et des yacks. Avant le départ de la transhumance de printemps, ce sont les préparatifs avec, par exemple, la coupe des crins des chevaux. Il faut ainsi rassembler les troupeaux qui sont sauvages puisqu’ils sont élevés en liberté pendant 10 mois. Une fois rassemblés, il faut les faire entrer dans un parc en bois. Les hommes peuvent alors commencer à les attraper grâce à une ourga, le lasso mongol, et couper les crins à l’aide d’une paire de ciseaux. Cette coupe des crinières est réalisée pour que les chevaux aient moins chaud l’été et pour limiter les parasites tels que les tiques qui pourraient apporter des maladies.
40 kilomètres au pays du Grand ciel bleu
Le lendemain matin, nous avons assisté à la traite des femelles yacks, les dris. La traite a lieu matin et soir. Elle est effectuée par l’éleveur et sa femme. Lkhagvasuren lâche un par un les petits yacks pour qu’ils puissent retrouver leur mère pour enclencher la montée de lait. Une fois la dris trouvée, l’éleveur l’entrave à l’aide d’un tissu et sa femme peut venir traire la femelle yack. Une dris produit environ un litre de lait par jour. Ce lait est transformé en yaourt ou en fromage ou alors il est consommé frais. Notre éleveur possède également des chèvres cachemire. En effet, les éleveurs mongols en mettent de plus en plus dans leur troupeau car c’est la production qui leur rapporte le plus grâce à la laine. Récoltée en avril, la laine cachemire se vend entre 35 et 50 euros le kilo et une chèvre produit environ 500 g de laine.
Enfin, nous avons pu voir les moutons mongols. Ce sont des brebis pas trop grandes à longue toison et à la tête noire et elles possèdent une poche de graisse à la queue qui sert de réserve pour l’hiver. C’est une race à viande très rustique. La tonte se fait aux ciseaux au mois de juin. Contrairement à chez nous, les brebis ne portent pas de sonnailles ou cloches. Il y a seulement les dris qui peuvent en porter pour « écarter les prédateurs » comme dit l’éleveur.
Le jour de la transhumance, il faut démonter tout le camp pour pouvoir partir pour notre nouvelle destination à 40 kilomètres d’ici. Tout d’abord, nous démontons les yourtes (en une vingtaine de minutes par yourte à six personnes). Une fois les yourtes démontées et rangées dans un camion et sur des chariots tirés par des yacks, nous rassemblons les troupeaux à cheval. Nous allons convoyer environ 1 000 animaux en tout (100 chevaux, 800 brebis ou chèvres et 100 yacks). Il est 14 heures et nous partons pour 20 kilomètres de trajet en suivant les troupeaux. Les chevaux ouvrent la voie suivie par les yacks avec un rythme plus tranquille et puis en dernier par les brebis et les chèvres qui sont avec leurs petits âgés de deux semaines à un jour.
Une veillée festive une fois arrivée au camp
Notre mission est de pousser les troupeaux à cheval pour qu’ils aillent dans la bonne direction et qu’ils ne se dispersent pas. C’est d’autant plus compliqué avec des brebis qui ont des agneaux en très bas âges, qui marchent très lentement et s’arrêtent souvent. Mais lorsqu’un agneau ou un cabri est trop petit ou trop faible, il est attrapé à l’aide de l’ourga par un cavalier. Ensuite l’éleveur ou son fils, Chuca, le récupère et le dépose dans un camion pour ne pas qu’il soit épuisé. Nous faisons quelques petites pauses de temps en temps pour que les bébés se reposent un peu et puissent téter. Durant une halte nous avons pu assister à plusieurs naissances : une brebis, une chèvre et une jument qui ont mis bas. Les mises bas se font entre le mois d’avril et le mois de juin. Heureusement, nous étions presque arrivés au camp temporaire pour la nuit. Les éleveurs ont pris le petit agneau car il faisait trop froid à cause du vent qui vient de la Sibérie. Une fois arrivé au camp, Lkhagvasuren remet la brebis avec son agneau.
Quelques chèvres sont attachées pour servir de nourrices aux petits agneaux et cabris affaiblis par le voyage. En arrivant au camp, nous allons monter nos tentes pour la nuit. Puis nous allons abreuver nos chevaux et les attacher. Le soir venu, notre famille nomade a fait un énorme feu de camp comme le veut la tradition mongole. Autour de ce feu, nos hôtes se sont mis à chanter des chants typiques qui parlaient de la nature, des chevaux, de la vie nomade en général… Ce fut une soirée magique qui nous ramenait au temps de Genghis Khan ou de Marco Polo le temps d’un instant.
Un élevage en liberté avec un seul vermifuge
Au petit matin, nous découvrons l’éleveur en train de faire téter un agneau et un cabri à une chèvre. En fait, les agneaux et cabris nés dans la nuit ou la veille au soir sont mis dans la yourte pour pas qu’ils meurent de froid. Nous apprenons aussi qu’un des éleveurs de chevaux est resté éveillé toute la nuit sur son cheval pour surveiller tous les troupeaux qui se dispersent. Une fois les yourtes démontées et les troupeaux rassemblés nous repartons sur nos montures pour la dernière étape de la transhumance. Nous devons nous dépêcher avant que la neige tombe. Après plus de quatre heures de trajet et plusieurs petites pauses pour les petits nous arrivons à notre nouveau campement. Les nomades ont mené leurs troupeaux sur des terres où se trouve du sel naturellement, ce qui est très bon pour des animaux en pleine lactation.
Ce nouveau camp est aussi proche d’un village. Une fois arrivés, nous avons juste eu le temps de monter nos yourtes que la neige a commencé à tomber. Les brebis et les chèvres sont enfermées dans un enclos en bois proche de l’habitation de l’éleveur pour la nuit. Cela les protège des prédateurs. Les chevaux et les yacks, quant à eux, passent la nuit en liberté. L’élevage se fait en liberté totale sans aucun soin particulier à part un vermifuge qui est fait aux petits quand ils ont un mois environ. À part la laine cachemire qui est vendue, les nomades produisent de la viande uniquement pour leur consommation personnelle. D’ailleurs, ils ne mangent pas de « bébés », ils ne mangent que des animaux déclarés adultes, c’est-à-dire de plus de trois ans.
Le dernier soir, nos éleveurs nous ont fait l’honneur de nous préparer leur plat traditionnel : le khorkhog ou le barbecue mongol. C’est un plat de fête qui est fait avec de la viande de mouton coupée en morceaux en gardant les os. Cette viande est cuite grâce à des pierres chaudes placées en couches successives avec la viande dans un grand bidon de lait. Dans ce plat il y a aussi des pommes de terre, carottes, chou… De l’eau est ajoutée en quantité suffisante pour que les ingrédients cuisent à la vapeur et à l’étouffée. Tout au long de ce voyage nous avons été très touchées par l’accueil de nos hôtes mongols et par leur gentillesse. Les éleveurs nomades nous ont montré d’autres manières de faire même si les gestes principaux sont les mêmes à 8 000 kilomètres !