Le parfum du bélier plutôt que des hormones
L'insémination artificielle ovine nécessite que les brebis aient leurs chaleurs synchronisées avec la venue de l'inséminateur. Aujourd'hui réalisé grâce à des hormones, ce processus pourrait à l'avenir s'appuyer sur des méthodes alternatives, mieux vues par la société.
L'insémination artificielle ovine nécessite que les brebis aient leurs chaleurs synchronisées avec la venue de l'inséminateur. Aujourd'hui réalisé grâce à des hormones, ce processus pourrait à l'avenir s'appuyer sur des méthodes alternatives, mieux vues par la société.
Les hormones utilisées pour la synchronisation des chaleurs en élevage ovin sont dans la tourmente. Depuis la révélation, l’an dernier, des conditions de production de l’eCG ou PMSG dans les « fermes à sang » d’Amérique du Sud, les laboratoires souhaitent garantir des produits issus de l’élevage éthique des juments. La provenance n’est pas le seul écueil que rencontrent les hormones. « Les éleveurs, en partie pour répondre aux attentes des consommateurs, veulent limiter au maximum les intrants sur leurs exploitations, et par extension dans leurs animaux », alerte Chrystelle Le Danvic, chercheur chez Allice. Les hormones utilisées en élevage se retrouvent potentiellement à un moment dans la nature, rejetées dans les urines par exemple. L’amalgame peut être fait entre les perturbateurs endocriniens, dont les consommateurs entendent régulièrement parler et les hormones de synchronisation. Les acteurs de la recherche agronomique ont donc renforcé leur travail pour trouver des alternatives viables aux hormones pour obtenir une synchronisation des chaleurs satisfaisante.
Photopériodisme et effet mâle
Parmi les travaux engagés par Allice et l’Inrae, ceux sur l’effet mâle sont particulièrement intéressants puisqu’ils cherchent à optimiser ce processus naturel, qui, par simple présence de béliers actifs, suffit à réactiver les cycles sexuels de la brebis. L’effet mâle est d’ores et déjà utilisé en élevage. Au niveau expérimental, les essais ont jusqu’ici porté sur les modalités de mise en application que sur le mécanisme biochimique. « L’effet mâle est une alternative intéressante à l’utilisation des hormones de synchronisation. Toutefois, son efficacité moindre freine la diffusion de cette pratique. Une meilleure compréhension de son mode de fonctionnement devrait permettre d’envisager de nouvelles techniques d’application de l’effet mâle. Dans le cadre de nos projets, nous avons abordé le sujet par l’aspect moléculaire », détaille la scientifique. Les béliers sexuellement actifs émettent une composante odorante qui réenclenche les cycles sexuels chez la brebis. Cette odeur, propre à l’espèce ovine est une phéromone. Les chercheurs ont voulu caractériser l’odeur émise par le bélier en période sexuelle et comment celle-ci était réceptionnée par la brebis. « Nous avons identifié des bouquets odorants potentiellement impliqués dans la mise en place de l’effet mâle. La prochaine étape est de valider leur activité biologique et leur capacité à réactiver les brebis. L’objectif final sera de reproduire ces différents bouquets odorants analysés », développe Chrystelle Le Danvic. Les molécules ont été isolées, et si certaines sont disponibles dans le commerce, il a fallu en reproduire d’autres grâce au travail de chimistes impliqués dans le projet. Reste à trouver la meilleure solution pour diffuser cette odeur et avoir la même efficacité qu’un effet mâle avec un bélier présent.
Une combinaison de procédés pour provoquer les chaleurs
Si l’odeur émise par le mâle est fondamentale, les brebis ont aussi des secrets à nous dévoiler quand la mise en place de l’effet mâle. Elles possèdent une muqueuse nasale riche en OBPs (pour odorant binding proteins), des protéines détectrices de ces odeurs particulières de béliers qui vont faire remonter l’information jusqu’à leur système hormonal pour déclencher les chaleurs. Les chercheurs ont mis en évidence qu’alors que l’odeur émise par les béliers ne variait quasiment pas au fil des saisons, l’équipement sensoriel, les fameuses OBPs, des brebis, lui, était en constante mutation selon l’époque de l’année. « Cela nous permet de ne pas nous focaliser uniquement sur les phéromones et de peut-être les combiner avec d’autres pratiques, tel que le traitement lumineux, explique Chrystelle Le Danvic. Nous n’arriverons pas pour l’instant aux mêmes taux de réussite qu’avec le traitement hormonal mais nous devons parvenir à un niveau satisfaisant pour l’éleveur. » En plus de l’effet mâle, il faudra trouver un système de détection des chaleurs très performant, afin de réduire la plage horaire d’estimation des chaleurs et coller au plus juste avec l’état physiologique de la brebis. « Nous manquons de recul sur les données, jusqu’à aujourd’hui personne n’avait cherché à vraiment optimiser l’effet mâle, notre programme de recherche est pionnier en la matière », s’enthousiasme Chrystelle Le Danvic.