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La génétique contre les nématodes

La résistance génétique contre les nématodes gastro-intestinaux permettrait de lutter durablement contre les parasites des pâturages. État des lieux des recherches en cours.

Principaux parasites internes des petits ruminants nourris à l’herbe, les nématodes gastro-intestinaux entraînent des pertes de production et des surcoûts liés au traitement. Dans une synthèse présentée aux dernières journées 3R, des chercheurs de l’Inra, de l’École vétérinaire de Toulouse, de l’Institut de l’Élevage et de l’Université de Tours montraient que la sélection génétique est intéressante pour limiter les infestations parasitaires en complément de la gestion du pâturage, des traitements anthelminthiques sélectifs et raisonnés et de l’utilisation de plantes à tanins.

Pour sélectionner les animaux résistants, on se sert du comptage d’œufs dans les fèces après deux infestations artificielles d’animaux de plus de trois mois n’ayant jamais pâturé. La première infestation permet de mettre en place une réponse immunitaire adaptative. La seconde sert à observer la résistance de l’hôte. Après plusieurs essais en situation expérimentale à l’Inra et Fédatest (races Romane et Blanc du Massif central) et en stations de contrôle des races Romane et Manech tête rousse, un protocole de test à 3 000 puis 5 000 larves par infestation a été mis en place. Ce protocole lourd ne peut être mis en œuvre qu’en station de contrôle. Il nécessite en effet la production et l’entretien des larves, l’infestation des animaux, le prélèvement des fèces et le comptage des œufs en laboratoire. Il est par ailleurs délicat à mettre en place pour les races ovines d’herbage dont les béliers regroupés en station sont conduits au pâturage. Avec les analyses sanguines en plus, ce protocole coûte environ 50 euros par mâle. Malgré ce montant important, certains organismes de sélection comme ceux de la Manech tête rousse ou de la Romane envisagent d’investir en espérant un bénéfice génétique à moyen/long terme qui se traduit par une diminution de la mortalité, des réformes et des coûts de traitements.

Une résistance partiellement transmise entre générations

Pour réduire le coût de l’analyse, seul un comptage d’œufs après la deuxième infestation pourrait suffire à la sélection. Déjà prouvés en race Manech tête rousse, ces résultats sont à confirmer dans d’autres races. Pour baisser le coût de l’analyse, les chercheurs s’intéressent aussi à une méthode basée sur le marquage des œufs de strongles à l’aide d’une lectine fluorescente. Cette technique utilisée en Australie facilite les coproscopies et permet de distinguer les espèces présentes. La coproscopie moléculaire est une autre technique en développement qui se base sur l’ADN des nématodes. Automatisée, cette technique permettrait d’identifier les espèces et pourrait être utilisée avec des échantillons congelés.

La résistance au parasitisme a une héritabilité modérée variant de 0,2 à 0,4. Il ne semble pas avoir de corrélation génétique avec la fertilité, la prolificité ou la valeur laitière. Il y aurait même une corrélation favorable entre résistance au parasitisme et poids vif. Les animaux résistants seraient légèrement plus lourds en cas d’infestation.

Moins d’excrétions dans la lignée résistante

La sélection semble efficace puisque, chez les races ovines laitières des Pyrénées, une sélection de béliers ayant des résistances extrêmes (30 % plus résistants et 30 % plus sensibles) a été réalisée pour produire des filles en élevage. Des comptages d’œufs réalisés chez les filles en infestation naturelle ont permis de montrer que les brebis issues des béliers résistants avaient 30 à 70 % d’œufs en moins dans les fèces que les brebis issues des béliers sensibles. Ces résultats sont à confirmer sur plusieurs lactations mais l’intérêt semble double : l’animal est moins infesté et donc maintient mieux son niveau de production ; d’autre part, il excrète moins d’œufs dans son environnement et limite donc la contamination du reste du troupeau.

Si la sélection d’hôtes résistants aux nématodes gastro-intestinaux semble prometteuse, les chercheurs craignent que les parasites contournent cette résistance si elle est trop intense. Pour rendre durable les stratégies de contrôle des nématodes, la lutte doit donc reposer sur une combinaison de méthodes pour limiter la pression de sélection. « On ne doit pas rechercher le zéro parasite mais plutôt un équilibre entre l’hôte et le pathogène » indiquait Carole Moreno de l’Inra en présentant ses résultats lors des journées 3R. Pour cela, il faut déjà réduire la probabilité de rencontre entre l’hôte et le parasite grâce à la gestion du pâturage (rotation, mixité des espèces ou stades physiologiques, fauche…). Le risque parasitaire est alors dilué pour les animaux les plus sensibles. Il faut aussi chercher à prolonger l’efficacité des molécules de synthèse en pratiquant des traitements sélectifs et en valorisant les effets anthelminthiques de certaines plantes à tannins.

Signa???

Les Roussins de la Hague phénotypés sur la résistance au parasitisme

Le phénotypage de la résistance au parasitisme gastro-intestinal en infestation naturelle a déjà commencé pour la race ovine Roussin de la Hague. Cette race rustique sélectionne ses béliers dans un centre d’élevage entre mai et juillet de chaque année sur des index sur ascendance de prolificité et de valeur laitière. Depuis 2010, l’organisme de sélection Cotentin-Avranchin-Roussin (Oscar) tente de repérer les animaux résistant à une infestation naturelle. De 2010 à 2012, les coproscopies, réalisées à l’entrée fin mai puis fin juin et fin juillet, ont montré des infestations notables mais insuffisantes pour pratiquer une sélection sur la résistance des béliers. La coproscopie à l’entrée permet d’observer que les agneaux pâturant précocement présentent des strongles à l’entrée alors que ceux restés en bergerie pas du tout. Les agneaux ayant déjà pâturé voient leur immunité stimulée plus tôt, ce qui les rend plus résistants par la suite.

Des infestations dépendantes de la météo

À partir de 2013, la prairie a été au préalable pâturée par des brebis d’herbage et ainsi rendue contaminante. Si les coproscopies n’ont pas permis de classer les béliers en 2013, les résultats de juin 2014 et de juillet 2015 ont permis un classement de la cinquantaine de jeunes béliers. Ces différences entre années seraient liées au développement des parasites sous l’influence climatique des températures et de la pluviométrie.

« Les résultats de résistances ont été fournis aux éleveurs lors de la vente des jeunes mâles, explique Angélique Grelot d’Oscar. Certains en ont tenu compte, d’autres non ». « Ce phénotypage de la résistance pourrait être pris en compte dans la sélection des mâles, assure Dominique François de l’Inra de Toulouse. Mais avant d’envisager un index de sélection, il sera judicieux de contrôler des descendances de béliers phénotypés résistants ou sensibles afin de vérifier que le phénotype s’exprime bien héréditairement ». À plus long terme, la sélection génomique, c’est-à-dire en analysant l’ADN du génome, pourrait faciliter la sélection.

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