Associer arboriculture et ovins
Faire pâturer des ovins dans les vergers est une technique pour gérer l’enherbement et limiter certains bioagresseurs. Des arboriculteurs en introduisent aujourd’hui même dans des vergers basse tige.
L’association arbres et pâturage est pratiquée de façon traditionnelle dans le Sud-Est de la France, en Aquitaine, sous les noyers et châtaigniers, ou en Normandie, dans les pré-vergers. Mais la pratique se développe aujourd’hui dans des vergers basse tige. Dans le cadre du programme de recherche « verger durable », l’Inra a étudié l’association arboriculture et ovin. Une enquête a été réalisée pendant trois ans chez 25 arboriculteurs du Sud-Est, du Sud-Ouest et de l’Ouest de la France faisant pâturer des ovins dans leurs vergers basse tige. Une forme classique, notamment dans le Sud-Est, est l’association d’un éleveur et d’un arboriculteur. À la demande, en général, de l’éleveur, qui bénéficie ainsi d’une ressource en herbe, celui-ci fait pâturer ses brebis dans les vergers pendant quelques jours à quelques semaines, après la récolte et avant le débourrement. C’est l’éleveur qui décide de son organisation et s’occupe des animaux. Une grande surface ou la présence à proximité d’autres vergers sont nécessaires. L’arboriculteur ne doit pas intervenir dans le verger quand les animaux sont là, mais, en contre-partie, il économise au moins un fauchage. La relation est en général informelle mais nécessite de la confiance et une bonne connaissance du métier de l’autre.
Des arboriculteurs qui s’initient à l’élevage
Certains arboriculteurs choisissent d’avoir leur propre troupeau. « Les motivations sont surtout de gérer l’enherbement et de limiter certains bioagresseurs, explique Arnaud Dufils, de l’Inra d’Avignon. En piétinant les feuilles au sol, les brebis limitent l’inoculum primaire de la tavelure. Elles contribuent aussi à réduire la prolifération des campagnols en détruisant leurs galeries. Elles consomment au sol les fruits pourris, moniliés. Et il peut alors y avoir une valorisation économique des ovins. » Une certaine organisation est nécessaire. L’exploitation doit être adaptée (parcellaire groupé, environnement propice). L’arboriculteur doit mobiliser des réseaux spécifiques à l’élevage (vétérinaire, abattoir…), développer de nouvelles connaissances, s’équiper d’abris, de clôtures, faire les démarches administratives. Dans certains cas, le pâturage n’a lieu qu’en hiver, après la récolte et jusqu’au débourrement, avec un ou deux passages en pâturage tournant. « Le producteur a alors une grande souplesse dans la conduite du troupeau, pour le début et la durée du pâturage, pour ses actions prophylactiques, pour la réduction des refus, souligne Arnaud Dufils. Les contraintes sont le temps de travail et d’astreinte, l’investissement, la nécessité de parcelles de repli ou d’estive au printemps et en été et les démarches administratives et réglementaires. » L’arboriculteur doit aussi raisonner ses interventions cupriques, le cuivre étant toxique à haute dose pour les ovins, et retarder le chantier de taille. Il doit éviter les parcelles de moins de cinq ans et les parcelles en première année de surgreffage lorsque la hauteur est inférieure à 1,20 m. Et il peut y avoir une consommation de brindilles couronnées en bas des arbres. Mais il n’y a pas de modification majeure de la structuration et de la conduite des vergers.
Le pâturage ovin limite les désherbages et les traitements
D’autres producteurs choisissent de faire pâturer le troupeau presque toute l’année, sauf au moment de la récolte ou quelques semaines avant dans le cas des vergers cidricoles, les pommes étant récoltées au sol, ce qui nécessite de retirer les ovins avant pour des raisons sanitaires. Le pâturage peut être libre sur toute l’exploitation ou tournant avec des parcs. « Dans ce cas, un aménagement des vergers et de leur conduite est nécessaire, précise Arnaud Dufils. Les arbres doivent être rehaussés d’environ un mètre, ce qui va aussi défavoriser la tavelure, et la distance entre arbres doit être augmentée. Il faut aménager les systèmes d’irrigation, alléger le palissage et réduire ou supprimer les interventions cupriques. » Le temps de travail est également plus important et les risques de dégâts sur les arbres plus élevés, ce qui implique plus de surveillance. La diversité florale est réduite. Et il y a à terme un risque de parasitisme des animaux en cas d’absence de rotation du pâturage. « En contrepartie, l’impact sur les bioagresseurs est renforcé et l’arboriculteur peut arrêter les désherbages et réduire les traitements, souligne le chercheur. Et il y a moins la nécessité d’avoir des parcelles de repli. »
Les races rustiques privilégiées
Les races ovines utilisées dans les vergers sont surtout des races rustiques : Mérinos, Préalpes du Sud, Mourerous, Brigasque, Bizet, Noire du Velay, Shropshire, très utilisée notamment dans l’Ouest. Le troupeau, quand il fait partie de l’exploitation, est en général de 20 à 60 brebis quand le pâturage est temporaire mais peut atteindre 200 à 300 brebis en cas de pâturage permanent. Les ovins constituent alors un atelier à part entière et peuvent justifier une main-d’œuvre supplémentaire. Des arboriculteurs introduisent également des volailles, notamment des oies, qui mangent les fruits tombés au sol, source de propagation des maladies, ou encore des porcs, qui mangent les fruits au sol et limitent aussi les campagnols en les consommant et en détruisant leurs galeries.