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Partenariat céréalier-éleveur : « Je sécurise l’alimentation de mes aubracs avec la pâture de couverts »

Les vaches aubracs de Tony Poinset pâturent les couverts de Jean-Marc Prudhomme, son voisin céréalier. Le premier compense son déficit fourrager à l’automne pendant que le second enrichit ses sols.

Vaches aubrac qui pâturent un couvert d'interculture sur une parcelle mise à disposition par un céréalier, en Charente.
Pendant le pâturage du couvert, composé de 10 à 14 espèces, les fils avant et arrière sont déplacés de 20 mètres tous les deux ou trois jours.
© M. Prudhomme

Pâturer des couverts ? Lorsque Jean-Marc Prudhomme, producteur en grandes cultures à Oradour, en Charente, a proposé ce partenariat à son voisin Tony Poinset, naisseur-engraisseur à Lupsault, ce dernier a décidé de tenter l’expérience. Le céréalier s’est converti depuis plusieurs années à l’agriculture de conservation des sols (ACS) et sème donc systématiquement des couverts. Son objectif est de « gagner une étape dans la décomposition du couvert » et d’enrichir ses sols. L’éleveur, lui, est confronté depuis quelques années à un déficit fourrager à l’automne pour son troupeau de 280 UGB de race aubrac (100 vêlages par an). Par ailleurs, grâce à sa pratique du pâturage tournant dynamique sur une partie de ses prairies, « les vaches sont éduquées au fil ». Alors pourquoi ne pas faire pareil avec les couverts de Jean-Marc.

Des fourragères et des plantes à fleurs

Les deux agriculteurs, qui se connaissent depuis longtemps, se lancent en 2019. L’essai sur 8 hectares est concluant, ils décident donc de voir plus grand l’année suivante. Depuis, le partenariat perdure : une centaine d’UGB (génisses, vaches suitées…) pâturent, de septembre à novembre-décembre, 25 à 30 hectares de couverts adaptés à leurs besoins alimentaires. Parfois, lorsque le climat de l’année le permet, les animaux retournent dans les couverts au printemps grâce à la présence de plantes relais qui restent en dormance l’hiver.

Jean-Marc Prudhomme décide du mélange, composé de 10 à 14 espèces. Il assure toutefois « qu’on peut faire aussi bien avec moins ». Ce choix inclut des fourragères, mais aussi des plantes à fleurs « pour la biodiversité et le plaisir des yeux des passants ».

Allongement de la durée de pâturage

Le couvert devient pâturable 1,5 à 2 mois après le semis. Sur les 140 hectares de SAU [surface agricole utilisée] du céréalier, les parcelles sont choisies pour faciliter la pâture : proches du siège de l’élevage (3-4 km), d’une surface assez importante pour que les vaches n’aient pas à traverser des routes (15-25 ha d’un seul tenant), avec des arbres et de l’eau. Une partie des parcelles est irriguée ou située dans des fonds pour sécuriser la levée et la pousse, ce qui procure de l’eau facilement utilisable. Cela permet à l’éleveur de remplir les bacs, un point très important dans la mise en œuvre de cette pratique.

Quand les couverts sont bons à être pâturés, l’éleveur installe les fils électriques. Une fois les animaux présents, il intervient tous les deux ou trois jours pour avancer le fil avant et le fil arrière de 20 m chacun. Cette régulation du temps de présence des animaux évite le tassement et une pâture trop sélective du couvert.

Pour Tony Poinset, la pratique « impose d’y passer un peu de temps, mais le gain en ressources fourragères est indéniable et cela évite de taper dans les stocks ». Fini le temps où il devait complémenter au pré ou rentrer les animaux dès septembre. Avec ce système, la durée du pâturage est allongée d’environ deux mois et les performances des animaux sont améliorées. Les veaux nés en sortie d’hiver ne connaissent parfois jamais les bâtiments quand ils partent à l’entrée de l’hiver. L’éleveur se dit très satisfait, mais reconnaît que ses animaux « s’y prêtent bien ». Les vaches ont l’habitude du fil et ne s’échappent pas quand un sanglier vient à en mettre un par terre. Autre atout, la race aubrac est une race rustique qui « valorise bien les fourrages grossiers ».

Après le semis, les vaches font le travail

Le céréalier n’y voit lui aussi que des avantages. Il élabore et sème le mélange, puis les vaches font le travail. Après le passage des animaux, « il ne reste plus rien ». « Les résidus présents au sol sont carbonés, parsemés de bouses… et les plantes repoussent au bout d’un mois. » Toutefois, précise Jean-Marc Prudhomme, « par rapport à un couvert non pâturé, on perd ce que la vache garde pour faire de la viande ». Une part qu’il estime entre 20 et 25 % sur les 8 à 10 tonnes de matière sèche à l’hectare. « En échange, on bénéficie des bouses et du microbiote du rumen de la vache ». Les analyses de sols révèlent une biomasse microbienne supérieure à trois fois le seuil le plus haut. « Il faut donc en contrepartie ne jamais cesser de mettre des couverts pour l’alimenter », souligne l’agriculteur.

 

 
couvert d'interculture pâturé par des vaches aubrac en Charente à la fin du passage des animaux
Le pâturage est intéressant pour le céréalier qui met à disposition ses couverts, puisque la destruction est grandement facilitée par le travail des animaux. © M. Prudhomme

En fin de cycle, le couvert pâturé sera plus facilement détruit mécaniquement ou chimiquement. Par exemple, avant un semis de maïs, le céréalier réalise un passage de strip-till, sème, et passe un coup de rouleau qui mâche les plantes. Ensuite une dose réduite de désherbant chimique suffit.

Une indispensable bonne entente

Les deux partenaires insistent sur plusieurs conditions clés pour le succès du partenariat, à commencer par une indispensable bonne entente, renforcée par le fait que chacun fait correctement sa part du travail. La qualité et la quantité du couvert doivent être au rendez-vous, et l’éleveur doit bien gérer le déplacement de ses animaux. Cela n’empêche pas Jean-Marc Prudhomme d’aller voir les vaches tous les matins, une « habitude d’ancien éleveur ». La question de la contrepartie est à peine évoquée, tant la pratique semble naturelle. Elle s’élève à 1,20 euro par vache et par jour de pâture, que l’éleveur règle en équivalent fumier estimé à 20 euros la tonne. Un montant inchangé depuis 2019.

Un guide élaboré par le Civam du Pays Ruffécois (16)

 

 
guide Civam sur le partenariat pour la pâture de couverts
Le guide publié par le Civam identifie les freins techniques au partenariat pour la pâture des couverts et apporte des réponses élaborées par les agriculteurs qui le pratiquent. © Civam

Le Civam, dont Tony et Jean-Marc sont membres, a publié en 2021 un guide pratique consultable en ligne « Le pâturage des couverts : un partenariat aux multiples atouts ». Coline Diéval, son animatrice explique : « L’objectif était de repérer les freins techniques et de trouver des réponses en rencontrant ceux qui le pratiquent. » Pour poursuivre, le Civam a répondu fin 2022, avec de nombreux partenaires, à un appel à projets lancé par la fondation Carasso avec RECIT (Relation Élevage-Culture Intra-Territorial), avec l’objectif de permettre aux céréaliers, viticulteurs et éleveurs de connaître les solutions, d’échanger et de lancer des projets de partenariats.

Fiche élevage

Tony Poinset – Éleveur sur la commune de Lupsault (16).

280 UGB en race aubrac (100 vêlages/an) - 300 ha de SAU, dont 160 ha de prairies naturelles, le reste étant partagé entre des prairies temporaires et des céréales en partie autoconsommées.

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