Un ambassadeur de la rouge des prés en Allemagne
Marcus Halft, dentiste de métier en Allemagne, a monté par passion un cheptel de rouges des prés à un haut niveau génétique. L'héritage d'un travail de longue haleine et d'un partenariat soigné avec des éleveurs sélectionneurs français, qui ouvre aujourd'hui des portes au développement de la race Outre-Rhin.
Marcus Halft, dentiste de métier en Allemagne, a monté par passion un cheptel de rouges des prés à un haut niveau génétique. L'héritage d'un travail de longue haleine et d'un partenariat soigné avec des éleveurs sélectionneurs français, qui ouvre aujourd'hui des portes au développement de la race Outre-Rhin.
Ils étaient une trentaine d’éleveurs de rouges des prés à faire le déplacement, pour la plupart depuis le berceau de la race, jusqu’à Hennef, une commune à 30 km au sud-est de Cologne, en Allemagne. Rejoint en cours de route par des délégations belge, hollandaise et luxembourgeoise, le groupe a été chaleureusement accueilli, du 13 au 15 juin dernier, par un hôte pour le moins atypique : Marcus Halft. Dentiste de profession, à la tête d’un cabinet de treize salariés, le quinquagénaire mène en parallèle un troupeau de trente animaux inscrits depuis seize ans.
Membre particulièrement actif de l’association de promotion de la rouge des prés Outre-Rhin, baptisée Maine-Anjou Verband Deutschland e.V., Marcus Halft est devenu assez naturellement, au fil des ans, l’interlocuteur privilégié de l’Hexagone, ce dernier maîtrisant parfaitement la langue française. « Son apprentissage de l'élevage est phénoménal, l’élève est sur le point de dépasser le maître », confie Alain Arial, ancien technicien de la Sica Domaine Rouge des prés, qui a suivi le parcours de Marcus Halft dès ses débuts. Au Sommet de l’élevage 2023, Marcus Halft avait été désigné juge assistant pour le traditionnel concours de la race.
Se faire connaître
Bien que ses parents l’aient dissuadé de se professionnaliser en tant qu’éleveur, Marcus Halft n’a jamais abandonné sa passion. Lorsqu’il trouve l’opportunité de reprendre la maison de ses grands-parents et les terres (13 ha), il s’essaie à l’élevage bovin, sur la base de souches croisées holstein rouge et simmental répandues en Allemagne, sans conviction. Il se met alors en quête d’animaux plus à son goût, autrement dit avec du gabarit et de la conformation. Marcus Halft achète sa première vache rouge des prés suitée auprès d'Antoine Hild, en Moselle, par le biais d'une petite annonce dans la presse spécialisée allemande.
Afin de s’affranchir d’une coordination complexe avec les vétérinaires inséminateurs, Marcus Halft se forme à l’insémination par l’éleveur (IPE) en 2010. « Le tempérament très calme des rouges m’a rassuré au regard du peu d’expérience que j’avais en tant qu’éleveur. Un critère d’autant plus apprécié lorsque j’ai commencé l’IPE », justifie-t-il. Ce dernier, qui doit composer avec ses contraintes professionnelles, n’a que peu de temps à dédier à la surveillance de ses animaux. « Le matin, avant de partir au cabinet, je dois avoir fait le tour de mes bêtes en 30 min. Le fait qu'elles soient aussi dociles me facilite grandement la tâche. »
Un petit réseau de sélectionneurs français, devenus des amis, a guidé de façon avisée Marcus Halft dans le choix des taureaux en adéquation avec ses objectifs. Un partenariat de qualité qui n’a fait que renforcer sa détermination à faire connaître la rouge des prés en Allemagne. Marcus Halft a transmis sa passion à d’autres comme Hans-Volkert Otzen, le président de Maine-Anjou Verband Deutschland e.V.. Pour la première fois, en février dernier, lui et son équipe ont mené des actions de communication à la célèbre vente aux enchères de Verden, rassemblant près de 250 taureaux reproducteurs de races à viande. Le collectif ambitionne de présenter des animaux dès l’année prochaine.
Un gage de crédibilité
Dans l’attente de la réalisation de ces projets ambitieux mais coûteux, Marcus Halft, ayant à cœur de créer des temps d’échanges et de partage avec des éleveurs d’autres pays, a profité de l’assemblée générale annuelle de la race pour organiser une journée portes ouvertes sur son exploitation. « Beaucoup savent que je suis dentiste et que l’élevage de rouges des prés relève plus d’un hobby, explique-t-il. Or, à l’heure où la race gagne à être connue en Allemagne, il me paraissait important de montrer, à travers les témoignages d’éleveurs français professionnels, qu’il est possible de vivre de ce métier. Ce sont aussi eux les mieux placés pour apporter des connaissances techniques sur les orientations génétiques et la conduite d’élevage de la rouge des prés. »
Une initiative réussie puisque la journée a attiré plus de cent éleveurs allemands d’autres races, ainsi que des engraisseurs, négociants, bouchers et vétérinaires. Même le directeur général du Fleischrinder Herdbuch, la plus grande association d’élevage bovin reconnue par l’État et spécialisée dans les animaux de boucherie (1), était venu assister à l’évènement. « Sa présence donne un signal très positif, qui nous encourage à renforcer nos actions pour promouvoir et étoffer les effectifs », souligne Marcus Halft.
Treize élevages inscrits au herd-book
Actuellement, seuls treize éleveurs détiennent un cheptel de rouges des prés inscrit à l’échelle du pays, soit une centaine de vaches au total. « Un poids plume à côté des 10 000 vaches Angus et 10 000 autres limousines inscrites au herd-book », reprend Marcus Halft. Mais les perspectives de développement sont encourageantes, d’après lui. Les producteurs de vaches allaitantes - quasi tous double actifs - recherchent avant tout une facilité de conduite, exclusivement à l’herbe, et des vêlages qui se déroulent sans assistance. « Le caractère docile des bêtes et leur qualité de conformation sont deux atouts supplémentaires qui les séduisent », rapporte Hans-Volkert Otzen, de Maine-Anjou Verband Deutschland e.V.. Sur le côté plus esthétique, « ceux qui souhaitent rester dans la tradition apprécient sa robe acajou, qui leur rappelle les vaches d’antan, issues du rameau de races rouge de la Baltique », remarque Christian Perrin, ancien président de la Sica Domaine Rouge des prés.
Florian Kölbach, qui a reçus le groupe français pour une visite d’élevage durant le séjour, donne une idée assez représentative du système allaitant prédominant en Allemagne. Salarié en abattoir, l’éleveur double actif a commencé à monter son troupeau de rouges des prés en 2010, avec comme origines trois taureaux (Médaillon, Hilton et Ouragan) issus d’élevages sélectionneurs du berceau. Le cheptel, d’à peine dix têtes, est conduit en plein air intégral sur 2 hectares de prairies naturelles. Les animaux viennent au contact de l’éleveur très facilement, et c’est ce qu’il apprécie. Florian Kölbach vend ponctuellement des reproducteurs aux éleveurs intéressés (2 000 euros pour une génisse de deux ans), le reste est valorisé en boucherie traditionnelle (à 5 €/kg de carcasse pour un jeune taureau et 4 €/kgc pour une vache de réforme).
Une force commune
« Ce qui est intéressant, c’est de voir le type de profil génétique vers lequel s’orientent nos homologues allemands », fait savoir Ophélie Priault, directrice de la Sica Domaine Rouge des prés. Au départ, « nous avions tendance à privilégier des animaux avec des hanches et du squelette, retrace Marcus Halft, par crainte que les rondeurs se traduisent par des vêlages difficiles. Or, nous voyons aujourd’hui que mixité et facilités de naissance peuvent être conciliées. » « Ce témoignage est la preuve du chemin parcouru par rapport aux idées reçues de l'époque, appuie Didier Lhuissier, éleveur sélectionneur en Sarthe, qui organise depuis dix ans une vente aux enchères de reproducteurs sur sa ferme, dont une partie est destinée à l’export. Marcus Halft ne loupe pas un rendez-vous et revient quasi-systématiquement avec des bêtes du Gaec Lhuissier Frères et/ou issues d'élevages d'autres co-vendeurs.
Le troupeau très harmonieux de Marcus Halft est « l'illustration parfaite des standards de race vers lequel on souhaite tendre au sein de notre organisme de sélection, appuie Ophélie Priault. Ces échanges avec nos différents partenaires à l’étranger nous permettent de capitaliser pour la suite. En plus des qualités bouchères, les finesses d’os et de peau, critères essentiels pour améliorer le rendement carcasse, sont des postes sur lesquels nous retravaillons. » Pour coller aux attentes des clients en France et à l’export, la Sica Domaine Rouge des prés aspire également à développer sa gamme de taureaux homozygotes sans cornes.
Sur le volet logistique, « nous devons réfléchir conjointement à des solutions pour réduire les frais de transport, qui s’élèvent entre 750 et 1000 € pour un trajet jusqu’en Allemagne », ajoute Didier Lhuissier.
À savoir
Le Fleischrinder Herdbuch compte environ 8 500 vaches et taureaux reproducteurs inscrits au herd-book de 37 races différentes. Parmi ses membres, l’association dénombre 500 éleveurs de vaches allaitantes conduites en race pure ou en croisement viande. L’équipe en charge s’assure de la bonne gestion du livre généalogique. Elle mène également des actions de communication par le biais de concours et de ventes aux enchères à travers le pays. L’association organise par ailleurs la mise en marché de reproducteurs à l’export.