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Marc Prikazsky, PDG de Ceva Santé Animale
« Nous devrons être capables de développer un vaccin en cent jours »

Marc Prikazsky, vétérinaire de formation, est PDG de Ceva Santé Animale. L’entreprise aquitaine, rachetée en 1999 par ses dirigeants, est devenue le cinquième laboratoire mondial en santé animale. L’enjeu aujourd’hui est d’apporter des réponses rapides aux nouveaux virus émergents.

Marc Prikazsky, PDG de Ceva Santé Animale
Marc Prikazsky, PDG de Ceva Santé Animale
© Ceva santé animale

En tant que dirigeant de Ceva, comment rester en phase avec le monde de l’élevage et ses ressentis ?

Marc Prikazsky - Dans le village où j’habite, je ressens un divorce entre le monde rural et urbain. On évoque souvent la diagonale du vide ; je parlerais aussi de diagonale entre Paris et Bruxelles, ces territoires où les services disparaissent. Les agriculteurs peuvent avoir le sentiment que les lois et les règles sont finalement définies par une minorité qui ne connaît pas la province. À cela, vous ajoutez une complexité effroyable, qui a été d’ailleurs la première revendication des éleveurs et des agriculteurs. Ils disent : « il y a trop de normes », bien sûr qu’il y a trop de normes. Donc non seulement vous avez le travail à faire, mais aussi énormément de papiers à remplir. Je comprends ces difficultés. Ce problème de normes est un problème majeur que j’observe au quotidien en tant que président directeur général de Ceva et président du club des ETI de Nouvelle-Aquitaine qui regroupe des entreprises de 250 à 5 000 personnes. C’est le poumon économique de la France, de l’Allemagne, de tous les pays, et ces entreprises sont à 75 % situées dans les territoires. Comme les agriculteurs, ces entreprises subissent aussi les normes. Pour une ETI, c’est 400 000 normes en moyenne.

 

Comment s’exprime cette problématique des normes pour un laboratoire ?

Un laboratoire ne peut que constater l’émergence rapide de nouvelles maladies, expliquées notamment par le réchauffement climatique et la circulation d’animaux. Nous luttons contre ces nouvelles maladies en mettant au point des solutions de santé innovantes qui doivent, et c’est bien normal, être validées par les autorités sanitaires. Néanmoins, ce processus de validation est d’une telle complexité… La commission européenne compte environ 33 000 fonctionnaires et Bercy 130 000. Des normes sont créées puis en France, nous avons une fâcheuse tendance à aller encore plus loin via une interprétation stricte des textes qui nous freine. La nouvelle norme CSRD [relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises] est, par exemple, une proposition émanant de la France. Cette directive fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extrafinancier sur des facteurs sociaux, environnementaux ou de gouvernance.

 

Ceva se développe à l’international. En quoi cette réussite sert-elle les éleveurs français ?

Notre rôle est d’offrir des solutions sanitaires aux éleveurs. Notre place de numéro 5 mondial nous confère les moyens nécessaires pour développer ces solutions et doit être vue comme une opportunité qui nous permet d’investir en France. Face à une nouvelle épidémie, l’objectif est d’être capable en cent jours de sortir un vaccin. Nous constatons une sorte d’emballement des phénomènes, nous devons aller très vite. Nous sommes actuellement en train de tester un vaccin contre la MHE. Nous avons ainsi développé un vaccin contre la grippe aviaire. Aucun autre laboratoire ne l’a fait. Nous sommes basés dans le Sud-Ouest. Le canard est dans notre culture. D’autres grands laboratoires ne le font pas, car ces marchés sont moins rentables. Je suis patriote, il y a aussi un côté affectif dans nos investissements.

 

Et qu’en est-il de la peste porcine africaine ?

Face aux nouveaux virus qui apparaîtront, nous ne gagnerons pas à tous les coups. Pour la peste porcine africaine, nous ne trouvons pas de solutions. Nous n’avons pas de perspectives sur ce point à l’heure actuelle.

 

Aux niveaux technique et sanitaire, les élevages français ont-ils encore des marges de progrès ?

Il y en a toujours. Comme dans tous les domaines, il faut observer les 10 ou 15 % des meilleurs élevages. Ce sont eux le modèle. La dispersion des résultats techniques est aujourd’hui assez élevée. Il faut donc accompagner les éleveurs et miser sur la prévention.

 

La baisse de l’utilisation des antibiotiques peut-elle encore se poursuivre ?

D’importants efforts ont été réalisés. C’est remarquable. Ces progrès sont précieux et concernent toute la population et il faut aller plus loin. La solution est clairement la prévention par les vaccins. Ceva joue un rôle clé dans cet objectif : nous sommes l’un des leaders mondiaux de la vaccination animale. Nous proposons même des autovaccins. Nous avons investi dans de petites structures qui permettent de proposer un vaccin parfois pour un seul élevage. Ces solutions sur mesure affirment notre volonté de répondre à tous les types d’élevages, y compris les espèces mineures.

 

Plus on intervient tôt dans une épidémie, plus on est efficace

Quel est le projet en recherche et développement qu’il faudra suivre dans les prochaines années ?

Plus on intervient tôt dans une épidémie, plus on est efficace. Nous avons monté à Angers une plateforme qui nous permet de collecter des informations dans des laboratoires du monde entier. Nous faisons du séquençage et surveillons l’évolution des virus. C’est un laboratoire de bioanalyse qui permet d’identifier les vaccins nécessaires, l’antigène d’intérêt. Nous investissons également dans d’autres plateformes, toujours dans la logique d’enregistrer plus rapidement des vaccins.

 

Conserverez-vous ce lien avec la France ? La logique de rentabilité peut-elle prendre le dessus ?

Nous sommes une entreprise indépendante, détenue majoritairement par plus de 2 000 salariés actionnaires. Nous avons plus de deux tiers des droits de vote et nous décidons de notre avenir. L’histoire a débuté en 1999. Avec 14 cadres, nous avons racheté cette entreprise. Nous sommes liés au territoire français et nous le resterons car nous sommes indépendants dans nos prises de décisions. Sans cet actionnariat original, notre stratégie se serait certainement éloignée des plus petites filières. J’estime que pour être un grand laboratoire, Ceva doit être présent sur toutes les espèces.

 

Quels sont vos motifs d’espoir pour l’agriculture ?

Nous avons en France une vraie diversité de productions. Cette diversité peut être une faiblesse face à des filières étrangères extrêmement organisées, mais c’est une richesse car ces différentes productions et modèles agricoles fonctionnent. Nous avons des marchés à reconquérir, avec la possibilité d’être autonomes. Mais il doit y avoir une volonté politique de reconnaître cette diversité. Nous avons collectivement le choix de valoriser notre agriculture.

 

Comment participez-vous à cette diversité de l’agriculture ?

Nous avons développé il y a douze ans le prix national de l’agrobiodiversité animale avec la Fondation du patrimoine en partant du constat que près de 30 % des races d’élevage répertoriées en France sont aujourd’hui menacées. À travers ce prix, nous voulons récompenser des éleveurs qui développent des modèles économiques qui fonctionnent avec des espèces de faibles effectifs. Chaque année, nous sélectionnons trois éleveurs. Ceva défend cette diversité. On respecte ainsi nos ancêtres qui ont sélectionné des races. Ce patrimoine génétique a une vraie valeur. C’est une manière de montrer que différents modèles agricoles fonctionnent.

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