Cerise : contre Drosophila suzukii, quelles sont les dernières avancées de la micro-injection ?
Alors que la filière cerise de table se remet difficilement d’une saison impactée par le ravageur, le CTIFL continue de mettre au point la technique de la micro-injection sur cerisier, dans l’espoir de la voir prochainement autorisée.
« La micro-injection sécurisée dans le tronc est à l’essai depuis 2020 sur cerisier pour lutter contre Drosophila suzukii », a expliqué Nicolas Formez, ingénieur de recherche au CTIFL lors de la rencontre technique protection des vergers de cerisiers en novembre dernier sur le site de Balandran. Des études ont déjà été menées pour expérimenter cette technique, mais jamais spécifiquement sur cerisier : l’équipe de recherche ne partait donc pas tout à fait de zéro. Tout d’abord, la première année d’expérimentation a permis de définir les paramètres de la micro-injection sécurisée dans le tronc (MIS) en verger, comme le type d’aiguilles ou le nombre de points d’injection nécessaire.
De 2021 à 2023, l’accent a été mis sur l’évaluation des performances agronomiques de la MIS contre Drosophila suzukii en verger. Ces quatre années d’essai ont également permis de surveiller la cicatrisation des points d’injections et de vérifier que la technique soit sécurisée pour l’arbre. De même, l’innocuité du procédé vis-à-vis du consommateur fut contrôlée avec des analyses de résidus sur fruits. Dans les conditions de l’étude, la migration effective des produits injectés dans l’arbre a été observée : « La définition des paramètres d’injection est désormais acquise, et le potentiel de cicatrisation observé est satisfaisant », estime Nicolas Formez.
Deux injections pour couvrir la période de production
En effet, le cerne néoformé est actif et aucun signe de phytotoxicité, de nécrose apparente au point d’injection, de fissuration ou encore de production de gomme n’est à déplorer sur les sujets traités par cette méthode. « Le cerisier est donc un bon modèle candidat pour les traitements en micro-injection », confirme Nicolas Formez. Dès lors, différents produits phytopharmaceutiques ont pu être testés. « Ils ont été appliqués sur un verger planté en 2012 en mur fruitier avec les variétés Folfer et Bellise, avec une application en deux injections durant la floraison et la véraison », a décrit le chercheur. Vertimec a servi de témoin lors des essais.
Le protocole permet d’injecter à chaque arbre une dose de produit équivalente à ce qu’il aurait dû recevoir si le verger avait été traité par pulvérisation. L’exploitation des résultats a permis de conclure qu’Exirel a une efficacité de 50 % sur 2021 et 2022, tandis que Success 4, Movento et Karaté Zéon ont eu respectivement une efficacité en 2022 de 35 %, 35 % et 30 %. En 2023, d’autres produits ont été rajoutés au test : Exirel a pu confirmer un niveau d’efficacité à 50 %, alors que Benevia, testé comme l’équivalent d’un Exirel double dose, a montré une efficacité de 35 %. « En conclusion, Exirel est efficace en MIS à 50 %, avec une stabilité de son efficacité sur les trois ans d’essais », explique le chercheur. Quant à Success 4, il a montré une efficacité variable en fonction des saisons. Mais il n’y a pas d’effets cumulatifs observés avec ces deux produits.
Des résultats complets attendus d’ici 2025
Les essais doivent se poursuivre encore sur la campagne 2024 : Neemazal, Exirel 2N et Decis Protech feront leur apparition dans les produits phytopharmaceutiques testés, mais la cinétique du transport du produit dans l’arbre n’est pour l’instant pas étudiée. En revanche, la certitude d’avoir une protection systémique du fruit est acquise avec le positionnement des injections. Des discutions sont également en cours avec les producteurs de produits phytopharmaceutiques pour la création de solutions plus adaptées à l’injection, ce qui influencerait peut-être l’issue des essais.
Quant à la présence de résidus dans le fruit, la technique semble sécurisée pour le consommateur. En effet, seul le spirotétramat (Movento) a été détecté à une concentration inférieure à la limite maximale de résidu (2,9 % de la LMR) lors des essais de 2021. En 2022, aucun résidu n’a été détecté dans les fruits échantillonnés. Bien que cette technique cumule plusieurs avantages environnementaux comme l’absence de dérive lors du traitement, elle ne bénéficie pas encore d’homologation pour le déploiement en verger. « Mais un travail est en cours », assure Nicolas Formez.
Une technique à l’essai depuis 2011
La micro-injection dans le tronc est une nouvelle technique de protection des vergers. Ce procédé peut être considérée comme une méthode alternative d’application des produits de protection des plantes. Après avoir fait un trou dans le tronc, le produit phytopharmaceutique est introduit directement au sein du système vasculaire de l’arbre pour être redistribué aux organes cibles. L’injection présente des avantages indéniables en termes de réduction des pertes dans l’environnement et de protection de l’opérateur. Aujourd’hui, l’utilisation de cette technique reste cependant cantonnée aux arbres d’ornement.
Depuis 2018 en France, le produit Revive II à base d’emamectine détient une autorisation de mise sur le marché pour les usages charançon du palmier et mineuse du marronnier. Le Cetev (Centre d’expérimentation en techniques environnementales et végétales) a réalisé, en France, des tests préliminaires de micro-injection entre 2011 et 2013. Prenant la suite, le projet FUI Preamisse (2014-2018) a permis de résoudre toutes les limites de l’instrumentation avec l’objectif de concevoir un matériel de micro-injection sécurisée adapté à tout arbre et toute problématique phytosanitaire. Enfin, le projet Mispa, démarré en 2021 et toujours en cours, étudie plus spécifiquement la micro-injection sur le pommier, le châtaignier, le noyer et le kiwi.