Méthanisation agricole : « Il faut donner de l’oxygène à la cogénération qui s’essouffle »
Face aux hausses des coûts de production de la méthanisation en cogénération entre 2022 et 2023, l’association des agriculteurs méthaniseurs de France demande une aide d’urgence, 170 sites étant aujourd’hui menacés selon elle.
Face aux hausses des coûts de production de la méthanisation en cogénération entre 2022 et 2023, l’association des agriculteurs méthaniseurs de France demande une aide d’urgence, 170 sites étant aujourd’hui menacés selon elle.
« Il faut donner de l’oxygène aux agriculteurs engagés dans la cogénération et qui sont essoufflés » résume Adeline Canac, éleveuse en Occitanie et membre du bureau de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF).
Le 28 mars dernier, avec France gaz renouvelables, l’association qui compte 600 agriculteurs méthaniseurs adhérents (la moitié étant en cogénération), a appelé à des mesures d’urgence. « Depuis 18 mois, nous alertons sur l’insoutenabilité des contrats de cogénération actuels », déclare Jean-François Delaitre, président de l’AAMF, dans un communiqué commun.
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Hausse des coûts d’exploitation des méthaniseurs en cogénération entre 2022 et 2023
Pour justifier sa demande, l’association s’appuie sur une délibération publiée le 25 mars 2024 de la commission de régulation de l’énergie (CRE) qui mentionne des hausses de coût d’exploitation des unités de méthanisation en cogénération de 33% entre 2022 et 2023, sur la base des données d’un échantillon de 9 installations. Une inflation liée à la hausse des coûts de maintenance, de la consommation électrique (qui a progressé de 92% entre 2022 et 2023) et des intrants.
La CRE recommande une révision des conditions tarifaires de tous les contrats de cogénération pour refléter ces coûts réels de production d’électricité. Un avis qui serait partagé par la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) que l’AAMF a rencontrée depuis le 28 mars. Reste à convaincre Bercy.
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Quelles mesures d’urgence demandées pour la cogénération ?
« Nous avons besoin, dans l’attente de l’entrée en vigueur de ce nouveau tarif, d’une mesure d’urgence pour éviter la fermeture de nombreuses installations de méthanisation. Nous estimons que 170 sites sont aujourd’hui menacés », affirme Jean-François Delaitre dans le communiqué.
Nous estimons que 170 sites sont aujourd’hui menacés
L’AAMF propose une hausse des tarifs d’achat de base de l’électricité provenant du biogaz de 10% pour les installations en contrat BG16 de cogénération sur la période entre fin 2023 et mi-2025 pour compenser l’inflation des coûts entre 2022 et 2023. Mais aussi une revalorisation de la prime effluents d’élevage et de la prime à l’efficacité énergétique ainsi qu’un déplafonnement des installations (de 499 kW à 1 MW), souligne Adeline Canac.
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La filière cogénération se sent délégitimée
A plus long terme « nous souhaitons une harmonisation entre la cogénération et l’injection. Nous sommes tous producteurs de biogaz », déclare Adeline Canac. « On se pose beaucoup de questions », poursuit-elle. La filière cogénération incitée à se développer depuis le lancement du plan Energie méthanisation autonomie azote en 2013 a atteint l’objectif de 1000 méthaniseurs en 2020. « Aujourd’hui on a l’impression qu’on n’est plus légitimes. On ne nous soutient pas », déplore Adeline Canac.
Alors que l’élevage est en souffrance, on aurait l’impression d’une double peine
En assemblée générale de l’AAMF sur deux jours à Rennes, elle confie que « les gens sont tendus ». « On sait que le gouvernement est capable de débloquer de l’argent quand il le souhaite on demande qu’on nous aide », souligne l’administratrice de l’AAMF. Une demande qui sera formulée la semaine prochaine lors d’un rendez-vous avec Agnès Pannier-Runacher.
Sans ce soutien certaines unités de méthanisation voire des élevages seraient menacés. « Alors que l’élevage est en souffrance, on aurait l’impression d’une double peine », commente Adeline Canac qui vante le modèle vertueux de la cogénération pour les élevages en zones vulnérables.
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La méthanisation agricole en cogénération : les chiffres clés
A fin 2023, on comptait 1065 installations produisant de l’électricité à partir de biogaz raccordées au réseau, selon l’AAMF dont :
- 875 méthaniseurs (68 contrats BGM6, 374 contrats BG11 et 433 contrats BG16)
- 161 installations de stockage des déchets
- 29 stations d’épuration.