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« Mes aubracs pâturent tout l’hiver dans la garrigue »

La valorisation de garrigues à la végétation typique des zones méditerranéennes est la base du système fourrager de Frédéric Floutard. La complémentation est pratiquée uniquement en période estivale. Un contexte d’élevage particulier avec des charges efficacement compressées.

Zéro affouragement de début octobre à fin juin, puis apport complémentaire de foin jusqu’à fin septembre. À Roujan, au cœur de l’Hérault, l’élevage de Frédéric Floutard se caractérise par le recours exclusif au pâturage à une époque où la plupart des autres élevages allaitants français piochent dans les stocks accumulés à la belle saison.

« Chez moi, l’hiver c’est du 20 juin au 20 septembre. En dehors de ces deux dates, mes animaux se nourrissent exclusivement de ce qu’ils trouvent sur les parcours », explique Frédéric Floutard qui associe l’élevage bovin à une activité viticole tout en démarrant un verger qui devrait associer à terme amandiers, grenadiers et figuiers.

Ce fonctionnement s’explique d’abord par la localisation de l’élevage sur les premiers contreforts sud du Massif central. Le Domaine de Mougno est situé sur des collines qui dominent la plaine viticole de l’Hérault, à une soixantaine de kilomètres à l’ouest de Montpellier. « Ici nous sommes à une altitude comprise entre 150 et 200 mètres et à une trentaine de kilomètres de la mer à vol d’oiseau. » La moyenne annuelle des précipitations est comprise entre 600 et 700 mm mais plusieurs années à 400 mm ont sérieusement éprouvé la végétation.

Davantage de feuillages que d’herbe

Cette localisation permet de bénéficier d’hivers doux avec un climat typiquement méditerranéen. En revanche les étés sont chauds et brulants. Les surfaces utilisées n’ont donc strictement rien à voir avec une prairie normande ni même aveyronnaise !

La quantité de matière sèche à l’hectare est difficilement quantifiable et surtout, elle repose davantage sur les feuillages que sur de l’herbe à proprement parler. Mis à part de rares touffes de dactyle bien maigrichonnes, le peu d’herbe repose sur des espèces typiquement méditerranéennes. Fourrées à souhait et absolument impénétrables sans élevage, ces garrigues sont d’abord un biotope idéal pour les sangliers. La dent des bovins est un outil précieux pour contenir la pousse des ligneux et freiner le risque d’incendie.

Les vingt-cinq vaches de l’élevage sont conduites en un seul lot en plein air intégral avec juste un bâtiment sommaire pour sevrer le lot de génisses dans de bonnes conditions. Tout au long de l’année le cheptel utilise un total de 300 ha presque exclusivement composés de garrigues.

Le modèle mis en place il y a quelques années était à une époque très dépendant des stocks fourragers. Le pâturage reposait sur les rares parcelles où il y avait un peu d’herbe au printemps, puis l’alimentation était basée sur du foin en grande partie acheté chez des tiers. Ce fourrage devenait d’autant plus coûteux que le troupeau était monté à 35 mères. « C’était beaucoup trop. Avec un produit brut limité, la marge était bien maigre. »

Hormis de mars à juin, puis quelques semaines à l’automne, du foin était distribué une bonne partie de l’année. Et surtout les animaux n’utilisaient que bien peu les parcours. « Des réunions et rencontres avec d’autres éleveurs du Civam empreinte m’ont convaincu de faire évoluer la conduite vers beaucoup plus de pâturage, notamment en période hivernale pour réduire les achats de foin en l’associant à une nette réduction du cheptel pour le faire passer de 35 à 25 vaches auxquelles s’ajoutent les génisses de renouvellement. »

Désormais les quantités de foin se limitent selon les années à 20 à 30 tonnes. Cette quantité dépend beaucoup de la date de l’arrivée des premières pluies en début d’automne. « Avant j’avais l’impression qu’il n’y avait pratiquement rien à consommer dans la garrigue. En fait les animaux savent y trouver leur pitance à condition d’avoir accès à une grande surface et en faisant tourner les animaux assez rapidement sur chacun des parcours. »

300 hectares en huit principaux parcs

Les 300 hectares sont scindés en huit parcs principaux fermés avec un fil électrifié placé sur des piquets en fer positionnés le long des chemins utilisés par les chasseurs de sangliers pour aller se poster sur les petits miradors dominant la garrigue. Chacun des huit parcours n’est utilisé qu’une fois dans l’année et le lot d’animaux y demeure quatre à six semaines en moyenne avant de passer au suivant.

« Avec l’expérience je me suis rendu compte qu’il ne faut pas les utiliser plus longtemps sinon on pénalise la repousse des trop rares graminées qui poussent sous les ligneux." Mais pour autant il n’y a rien de rigoureusement planifié tant dans l’ordre de passage que dans la durée au cours de laquelle un même parcours sera utilisé.

« J’essaye d’ailleurs d’en garder un qui ne sera pas utilisé du tout une année durant. C’est une roue de secours si j’en ai vraiment besoin et cela permet à certaines graminées typiquement méditerranéennes de se régénérer. Le changement de parcours est décidé si à l’œil quand Frédéric Floutard estime que les animaux ont prélevé suffisamment de végétation, avant de tomber dans le surpâturage.

L’abreuvement repose sur des abreuvoirs positionnés si possible au milieu de la parcelle pour limiter les déplacements des animaux et sont alimentés par un réseau de tuyaux branchés sur des forages. « En début d’automne, à partir du moment où j’ai décidé que mes vaches doivent uniquement se nourrir avec ce qu’elles trouvent sur les parcours, il ne faut faire aucun apport complémentaire en fourrage sinon elles attendent la distribution sans aller d’elles-mêmes à la recherche de leur pitance. Ça fonctionne plutôt bien à condition que les parcours soient suffisamment grands et que les animaux ne restent pas trop longtemps au même endroit. Je veille aussi à ne pas utiliser les parcours bordant des vignes lorsque celles-ci sont en végétation pour éviter tout risque de dégâts. »

Un été éprouvant

Depuis que Frédéric Floutard a adopté ce mode de conduite, il regarde ses surfaces d’un autre œil. « Il y a une grande diversité de plantes ligneuses consommables. Leur profil et leur valeur nutritive diffère au cours de l’année. La plupart ont des aptitudes pour faire du report de fourrages sur pied mais elles n’étaient pas exploitées. »

Le printemps (à compter de début mars) est la période la plus favorable. Jusqu’à mi-juin les animaux utilisent les parcelles où il y a la plus forte proportion d’herbe lesquelles comprennent d’anciennes pâtures à une époque fauchée. Cette période correspond à la phase de pleine lactation et reprise d’état. C’est également, au cours de cette période que la plupart des vaches sont saillies, ce qui n’exclut pas certaines mises bas décalées puisque le taureau est en permanence dans le lot.

L’été est la période la plus éprouvante. Les épisodes à + 35° C dans la journée suivis d’un thermomètre qui ne veut pas descendre sous les 25° C en cours de nuit sont courants. Par ces températures, les animaux ont du mal à bouger. Ils restent calés à l’ombre toute la journée et ce n’est que la nuit qu’ils partent brouter. C’est la saison où les vaches sont en fin de lactation et perdent de l’état en faisant l’accordéon. Le foin ramené quelques semaines plus tôt de la plaine est distribué tous les deux jours pour limiter tout gaspillage et inciter les animaux à continuer à aller chercher leur ration sur le parcours.

Les pluies reviennent à l’automne. Rien de garanti pour autant. Il a fallu attendre début novembre cette année. Mais à partir de mi-septembre, le retour de températures moins caniculaires va dans le sens d’un meilleur confort pour les animaux.

« Maintenant que le réseau d’eau et les clôtures sont en place, le gros du travail réside dans l’entretien. Je préfère investir là-dedans plus que d’avoir du matériel pour faire du foin. Mes deux vieux tracteurs sont également utilisés pour transformer certains parcours en vergers. » Autre particularité de l’élevage, c’est un système exclusivement naisseur. Il est inenvisageable d’engraisser ne serait-ce qu’une fraction des animaux. Il faudrait tout acheter.

Les quelques essences fourragères phares de la garrigue

Brachypode rameux, brachypode de Phénicie, filaire à feuille fine, chênes kermès, arbousiers, pistachiers lentisques et térébinthes, buplèvres, oliviers, chênes verts … le nom des plantes de la garrigue fait davantage penser à un roman de Marcel Pagnol qu’à un catalogue de semences fourragères.

La plupart de ces plantes restent vertes toute l’année. Les deux premières sont des graminées typiques des zones méditerranéennes. Elles tiennent bien les animaux en état mais ne doivent surtout pas être surpâturées. Quant au brachypode rameux, il ne pousse que s’il est légèrement à l’ombre, d’où l’inutilité d’un broyage musclé qui serait de toute façon compliqué et dangereux à réaliser compte tenu du relief. Un peu de bois de chauffage est régulièrement prélevé sur les parcelles en propriété en veillant à ne pas faire de coupe rase qui soumettrait brutalement le sol en pleine lumière et donc en pleine chaleur avec le risque de voir disparaitre le peu de graminées qui consentent à pousser.

Des animaux adaptés à ce contexte particulier

Le cheptel se compose de 25 vaches aubracs mais ce n’est qu’au bout de la seconde génération que les animaux sont habitués à ces conditions de vie.

« Mes vaches sont moins développées mais plus rustiques que celles du berceau de race. Selon leur âge elles pèsent de 550 à 750 kg. Les veaux tendent à imiter leur mère dans la façon dont elle utilise la ressource. C’est pour cela que je n’achète que le taureau, renouvelé tous les trois ans", argumente Frédéric Floutard. Les génisses sont dans le même lot que les vaches suitées et continuent à apprendre comment utiliser la ressource en imitant les adultes.

« J’observe beaucoup et je sélectionne les animaux les plus efficaces en conservant pour le renouvellement les filles des vaches les plus efficientes pour s’adapter à ces conditions d’élevage. J’élimine celles qui ne se maintiennent pas en état et toutes celles qui ont du caractère ou ont eu des problèmes au vêlage." Les vêlages ne sont pas surveillés et il est de toute façon inutile d’espérer voir un veau naissant tapis dans la garrigue.

« Les quatre ou cinq premiers jours après la mise bas, ils restent invisibles, cachés dans un buisson. Puis leur mère les ramène dans le troupeau. » La plupart sont vendus entre 250 et 300 kg en fin d’été. « Ils ne sont pas très lourds mais leur coût de production peut difficilement être plus faible ! »

F. A. 

En bref

25 mères aubracs avec un taux de renouvellement de 15% en moyenne pour une production exclusive de bétail maigre
80 ha en propriété (dont 2 de vigne) avec création en cours d’un verger complété par 220 ha de parcours mis à disposition

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