Mathieu Schneider, jeune éleveur de porcs en Alsace : « J’aime voir mes projets aboutir »
Mathieu Schneider a repris en 2017 l’atelier de 250 truies de son père, à Schwenheim dans le Bas-Rhin. Il y planifie méthodiquement les chantiers et les points à améliorer.
Mathieu Schneider a repris en 2017 l’atelier de 250 truies de son père, à Schwenheim dans le Bas-Rhin. Il y planifie méthodiquement les chantiers et les points à améliorer.
Mathieu Schneider a hésité avant de franchir le pas. Non pas en raison d’une motivation vacillante ou pour une question de formation. Mathieu s’est toujours intéressé au cochon, « un animal intelligent et sympathique ». Il cumule un bac, un BTS Asce et un certificat de spécialisation passé en alternance à Canappeville, dans l’Eure, et dans un élevage de la Marne. Mais s’installer alors que son groupement vient de déposer le bilan en laissant 50 000 euros d’impayés à l’atelier crée un contexte propre à y réfléchir à deux fois. « Personne ne nous a laissés tomber. Les organisations professionnelles se sont démenées pour que la filière perdure. La MSA s’est montrée compréhensive. Le Comptoir agricole (1) a créé une section élevage. La Région nous a appuyés. De sentir qu’on ne laissait pas les producteurs de porcs seuls dans leur coin m’a remotivé », se souvient-il. Notre éleveur s’installe finalement en 2017, à 25 ans. Jusqu’alors, il était salarié depuis 2013 de François, son père. Il connaît donc bien le site à l’extérieur du village que François a inauguré avec un bâtiment d’engraissement en 1988. Il l’a conforté par un bloc naissage de 250 truies en 1998. En 2012, Mathieu et François décident déjà ensemble de la meilleure solution pour conduire les truies gestantes en groupes. Ils écartent le bat-flanc en raison du risque de bagarres et le réfectoire autobloquant par manque de place. Ils optent pour le DAC car « c’est mieux pour le bien-être animal de proposer plus d’espaces de fuite ». Ils en font installer trois pour des lots de 90 ou 120 animaux.
Engraisser tous les porcelets
« Travailler avec les truies m’a toujours plu. Il faut toujours s’adapter à leurs réactions », glisse Mathieu. L’atelier porcin, le naissage en particulier, l’occupe pour 80 % de son temps. Alors, participer aux pointes de travail dans les cultures ou réaliser des travaux d’entretien des bâtiments ne lui déplaît pas. Ces chantiers lui apparaissent comme une respiration, un moyen de se changer les idées. « À force, même si l’on aime bien le cochon, cela devient un peu monotone », lâche-t-il. L’éleveur ne se voit pas travailler seul au quotidien. À la retraite de son oncle Marc, il a donc embauché Jordan. Il envisage d’en faire à terme le responsable de l’engraissement. Dans ce but, Mathieu a consolidé cette partie de son élevage en 2018. Il est monté à 2 000 places grâce à la création de 890 places supplémentaires. Il en a ajouté 800 autres de post-sevrage. Il est maintenant en capacité de faire de tous ses porcelets des porcs charcutiers. « Au fil des ans, l’amélioration de la productivité des truies a fait que j’ai eu une augmentation régulière du nombre de porcelets à engraisser. L’élevage vendait régulièrement quelques dizaines jusqu’en 2017. Mais leur nombre était aléatoire et le débouché n’était pas fixe. C’était fastidieux à gérer. Maintenant j’ai une chaîne cohérente de bâtiments. Je sais que je vide une citerne de 30 000 litres de lactosérum par semaine. Et je participe directement à l’approvisionnement et à la pérennité d’un abattoir », remarque Mathieu. De plus, la sortie des premiers cochons supplémentaires est arrivée à point nommé, en mars 2019, au moment où les cours ont flambé.
Contractualiser pour soutenir la filière régionale
Mathieu a déjà planifié ses prochains chantiers. « J’aime voir mes projets aboutir », dit-il. Dans l’immédiat, ce sera une toiture à refaire. À l’horizon de trois à cinq ans, il se verrait bien investir dans une fabrique d’aliments à la ferme pour les truies et les porcelets sevrés, et les porcs charcutier, qu’il nourrit déjà avec ses céréales et un complémentaire 30 %. « Cela me permettrait de mieux en maîtriser la régularité et la qualité des aliments tout en améliorant le coût alimentaire », calcule-t-il. Mathieu a déjà le sentiment d’avoir fait le minimum nécessaire pour lui permettre de « voir arriver les choses et de se projeter à moyen long terme ». Il se sent interpellé par le thème du bien-être animal. Il appelle familièrement ses truies, « maïdle », ses « filles » en dialecte alsacien. « Je les observe beaucoup. Je sais à l’avance où elles vont se coucher et comment. Je travaille avec du vivant. Mais quand je prends une photo, on ne voit que du béton et des barrières. Ce n’est pas très vendeur auprès du grand public. L’image des éleveurs s’est beaucoup dégradée. Passer à des cases de mise bas en liberté me plairait bien. » Il est bien conscient qu’il devrait construire une nouvelle maternité. « L’actuelle est parfaitement fonctionnelle mais n’offre pas assez de surface pour un tel réaménagement. Je me serai bien lancé, mais comment faire sans visibilité et sans la garantie de bénéficier d’un prix plus élevé ? » Mathieu apprécierait une initiative de contractualisation de la production. « Le consommateur veut de plus en plus manger sain, français, local. Pourquoi ne pas utiliser la bonne image de l’Alsace pour identifier notre viande et les produits qui en sont issus ? Ce serait un moyen de préserver la filière régionale. À mon échelle, il m’est impossible de rivaliser avec des concurrents espagnols qui élèvent des milliers de truies par unité. »
Fiche d’élevage
EARL Schneider
Côté éco
Avis d’expert : Romain Gerussi, responsable filières élevage au Comptoir agricole
Procurer un conseil discret et efficace
« Comptoir élevage soutient tout nouveau projet par une aide administrative dans la constitution du dossier d’installation classée en partenariat avec la chambre d’agriculture. Son intervention cible particulièrement la logique des bâtiments afin de donner de la cohérence au projet. Elle se prolonge par la possibilité de lancer un appel d’offres aux fournisseurs. Comptoir élevage n’apporte pas d’aide financière directe, mais propose le remboursement différé des reproducteurs achetés en vue de constituer le cheptel. Il n’impose, ni fournisseur d’aliment, ni génétique. Un suivi de l’élevage est assuré par un technicien et un vétérinaire salarié à mi-temps de la coopérative. Il se fait à distance par la consultation des poids figurant sur les bordereaux d’abattage. Il se transforme en suivi rapproché grâce à un relationnel téléphonique par quinzaine et une visite physique mensuelle de l’éleveur. En routine, la GTTT prend le relais. La coopérative fournit adresses, et références d’agro-fournitures. Elle rachète 100 % des porcs produits par l’adhérent et les cède prioritairement au groupe Bigard qui exploite l’abattoir de Holtzheim, dans la banlieue de Strasbourg. Le cadran breton et les plus-values Uniporc servent de référence au calcul du prix. »