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Lutte contre le gel de la vigne : deux nouveaux produits un peu givrés

Deux firmes viennent de lancer des produits visant à lutter contre le gel de la vigne via la création d’une gangue protectrice autour du bourgeon. Mais ils n’ont pas encore été testés par des organismes tiers.

Le Biogel d’AquaGreen Protect est pulvérisé sur la vigne sous forme de mousse. En séchant, cette dernière protégerait la vigne du gel.
Le Biogel d’AquaGreen Protect est pulvérisé sur la vigne sous forme de mousse. En séchant, cette dernière protégerait la vigne du gel.
© S. Franc

Comme tous les ans, le printemps entraîne dans son sillage tout un flot d’innovations dans la lutte contre le gel. Cette fois, c’est l’apparition de produits destinés à créer une protection autour des bourgeons qui a retenu notre attention. Nous en avons identifié deux, qui se basent sur le principe physique employé lors de l’aspersion, à savoir pulvériser une solution sur les vignes, qui encapsule les bourgeons dans une gangue protectrice les mettant à l’abri du gel.

Le premier produit, dénommé Agrisolvo Gel, est une solution liquide 100 % végétale et biodégradable, utilisable en bio, selon les dires de la firme sur sa chaîne YouTube. Majoritairement composé de carbone (sucres naturels), le produit se mélange avec 30 % d’eau et s’épand à l’aide d’un pulvérisateur ou d’un drone à raison de 250 l/ha. Après un séchage qui intervient dans les deux heures suivant l’application, la pellicule créée éviterait la cristallisation de l’eau dans les cellules du bourgeon, protégerait de l’effet loupe contre les rayons du soleil ou encore empêcherait la dessiccation de la vigne. L’entreprise annonce une protection jusqu’à -12 °C durant douze jours. Ce produit favoriserait en outre la croissance de la vigne et serait « inoffensif pour la faune et la flore, l’eau et pour la peau et le système respiratoire humains », poursuit l’entreprise.

Le produit « est en cours de certification », précise Quentin Richard, cofondateur d’Agrisolvo, mais il est d’ores et déjà proposé à la vente au tarif de lancement de 6,20 euros le litre.

Une mousse qui sèche en une à deux heures

Le second, Biogel d’AquaGreen Protect, est à base d’ingrédients naturels et de produits issus de l’industrie agroalimentaire. Il se présente sous la forme d’une poudre qui doit être mélangée avec de l’eau à raison de 20 kg environ pour 200 litres. « On malaxe le mélange, ce qui crée de la mousse », décrit Stéphane Franc, fondateur de la Start-up. Cette dernière doit ensuite être appliquée à la parcelle, peu de temps avant l’épisode gélif. Une fois pulvérisée, la mousse durcit plus ou moins en fonction de la météo. Elle est considérée comme ayant une « efficacité stable » 1 à 2 heures après l’application. Et ce, pour une durée pouvant aller jusqu’à 30 heures, selon les conditions climatiques. Ainsi enserrés, et selon l’épaisseur pulvérisée, les bourgeons pourraient descendre jusqu’à -2 °C, voire -4 °C sans risquer d’être abîmés.

Le produit doit être appliqué à l’aide d’un matériel spécifique, pour lequel le brevet n’est pas encore déposé. « Il s’agit d’un kit qui permet de former la mousse », poursuit Stéphane Franc. À l’heure actuelle, il ne s’adapte pas sur les pulvérisateurs présents sur les domaines mais peut-être le pourra-t-il d’ici la fin de l’année. Mais uniquement sur ceux dotés de buses et disposant de diamètres de tuyaux suffisants. Selon la densité de plantation et l’épaisseur de mousse souhaitée, le produit coûte 500 à 1 000 euros l’hectare. Un prix auquel il faudra ajouter au minimum le kit de formation de la mousse.

Attention aux produits qui doivent être mélangés avec de l’eau

Mais que valent réellement ces produits sur le terrain ? Est-ce un miroir aux alouettes ou une technique de lutte efficace ? Basile Pauthier, docteur en climatologie, chef de projet agrométéo, sol et sous-sol et référent gel au Comité interprofessionnel du vin de Champagne, se montre pour le moins prudent. « Je teste énormément de nouveaux produits tous les ans, et 99 % du temps, ils ne marchent pas, alerte-t-il. Il y a beaucoup de solutions sur le marché et très peu donnent un résultat concluant. Mieux vaut se tourner vers des techniques qui ont fait leurs preuves, à l’instar de l’aspersion ou encore des chaufferettes. »

Cette année, il va mettre à l’épreuve le produit d’Agrisolvo. « L’entreprise annonce pouvoir protéger la vigne jusqu’à -12 °C, je n’y crois pas », poursuit-il. Il recommande d’attendre les résultats de tests terrain avant d’acquérir ce type de produit. Par ailleurs, il prévient qu’avec les solutions obtenues avec de l’eau, une grande vigilance est de mise. « Si certains se lancent malgré tout dès cette année, surtout, qu’ils passent le produit 24 à 48 heures avant l’épisode gélif, avertit-il. Car sinon, cela ne fera qu’augmenter l’humidité, ce qui empirera les dégâts. »

Mais surtout, Basile Pauthier rappelle qu’il est primordial d’éviter de travailler les sols avant un gel programmé, tout comme d’avoir des couverts hauts et denses.

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