Une certification pour de la viande bio produite sans céréales
Une association d’éleveurs bio travaillant 100 % à l’herbe propose une démarche de certification et une marque pour mieux valoriser leurs produits. La règle principale est zéro céréales dans l’alimentation des herbivores.
Une association d’éleveurs bio travaillant 100 % à l’herbe propose une démarche de certification et une marque pour mieux valoriser leurs produits. La règle principale est zéro céréales dans l’alimentation des herbivores.
L’idée est née de la rencontre entre un groupe d’éleveurs des Deux-Sèvres et une association du Sud-Ouest. Herbagers en bio, les éleveurs se sont retrouvés à partager les mêmes trajectoires et ont fusionné en 2020 pour créer l’ADVEH, association pour le développement et la valorisation de l’élevage à l’herbe.
La motivation des éleveurs à l’origine du projet est de mieux valoriser le lait et la viande produits en systèmes 100 % herbe. « Dans les pays anglo-saxons, on trouve une segmentation mettant en avant de la viande issue d’animaux 'grass fed' (nourris à l’herbe) dans les magasins, qui se différencie du 'grain fed' (nourris aux céréales). Mais cette distinction n’existe pas pour l’instant en France », observe Sébastien Quinault, éleveur de Salers dans les Deux-Sèvres et coprésident de l’association.
L’organisme a décidé de proposer une certification de ce mode d’élevage 100 % herbe. Et c’est chose faite : un cahier des charges a été rédigé, et il est aujourd’hui auditable en même temps que le cahier des charges bio par tous les organismes certificateurs qui travaillent en France. « Cela représente une douzaine de points en plus à passer en revue en même temps que ceux du cahier des charges bio », explique Anabelle Meyer, coordinatrice de l’ADVEH.
Auditable par tous les organismes certificateurs
« Avec le cahier des charges et la certification, la démarche est transparente. Les consommateurs qui entendent tout le monde leur parler de pâturage et d’herbe peuvent mieux s’y retrouver », estime Sébastien Quinault. La marque commerciale baptisée Pâtures et Papilles appuie cette différentiation.
Le collectif rassemble aujourd’hui douze élevages labellisés, et dix autres sont en cours d’entrée dans la démarche. Elle est ouverte à tous les élevages d’herbivores (ovins, bovins et caprins, lait et viande) labellisés bio ayant des surfaces destinées aux troupeaux à 100 % en herbe et ce, sur l’ensemble du territoire national. La culture de céréales sur les exploitations destinée à des volailles ou porcs, ou pour l’alimentation humaine, est admise. Bouchers, restaurateurs et organismes de recherche et de conseil peuvent aussi rejoindre l’association, dont la gouvernance est réservée à des éleveurs labellisés.
Les élevages engagés sont de toute taille et illustrent des conduites variées, allant du pastoralisme avec ou sans transhumance au pâturage tournant dynamique marqué par de très forts chargements instantanés, en passant par des systèmes valorisant aussi des ressources alimentaires ligneuses (agroforesterie, sous-bois…) ou encore des couverts chez des voisins céréaliers.
Des systèmes variés mais résilients et rentables
« Le point commun de ces élevages est qu’ils sont tous adaptés au potentiel pédoclimatique des sols. La génétique de leur troupeau est aussi adaptée à ce type de système, quelle que soit la race choisie. Et ils sont économiquement sains, avec une résilience face aux aléas climatiques et de marché », explique Sébastien Quinault. L’association joue également un rôle d’accompagnement de porteurs de projets et de production de références techniques. « Souvent la première réaction est : 'ce n’est pas possible'. Les échanges entre éleveurs permettent que chacun puisse avancer dans ses réflexions. »
Les éleveurs de l’ADVEH sont plutôt orientés vers la vente directe, mais le projet d’une valorisation commerciale collective est lancé pour 2023. « Nous sommes en train d’établir un planning d’abattage, pour une vente des produits à des bouchers et des restaurateurs sur un créneau plutôt haut de gamme et citadin », projette Anabelle Meyer.
Une différenciation claire pour les consommateurs
Cahier des charges : exclusivement de l’herbe et du foin
Le cahier des charges de la démarche Pâtures et Papilles exige la tenue d’un calendrier de pâturage, retraçant pour l’ensemble des animaux son temps sur chaque parcelle. Chaque éleveur utilise le tableur ou le modèle de calendrier de son choix. L’ensilage n’est pas autorisé. L’enrubannage est interdit dans les quatre mois précédant l’abattage. « Il peut être distribué à des génisses ou des bœufs en phase de croissance mais pour l’engraissement, il fallait fixer une ligne claire pour la qualité des viandes par rapport au niveau de fermentation des fourrages comme pour l’ensilage. L’idée est aussi de limiter l’utilisation de plastique », évoque Sébastien Quinault, éleveur de Salers dans les Deux-Sèvres et coprésident de l’association. Les méteils (céréales, protéagineux et oléoprotéagineux) peuvent être pâturés en plante entière avant épiaison. Les betteraves fourragères peuvent être pâturées. Le plein air est obligatoire en période de finition.
À l’abattage, les animaux doivent avoir atteint une note d’état corporel minimum de 2, l’objectif étant de 3.
Beaucoup d’observation pour affiner les pratiques de pâturage
À l’EARL du troupeau rouge, en Gâtine dans les Deux-Sèvres, Sébastien Quinault élève des Salers en bio. Il valorise 70 hectares de prairies sur des terres séchantes et très hétérogènes. « Quarante-cinq hectares sont des prairies naturelles, et c’est là que sont engraissés les animaux : elles sont les plus résilientes et les plus productives », explique l’éleveur. Il cultive cinq hectares de luzerne, dont la première coupe est fauchée et les suivantes en général pâturées, ainsi que des prairies multiespèces. « Je fais aussi des essais sur de petites surfaces, par exemple du dactyle pur, de la fétuque pure. »
La priorité est toujours donnée au pâturage, et du foin est récolté de façon à s’assurer un stock de sécurité. Sébastien Quinault a poussé dans cette voie avec la conduite au fil et beaucoup d’observation des animaux pour affiner ses pratiques. « Cette année, j’ai acheté un peu de foin car deux années de suite pendant lesquelles la période d’affourragement a été longue ont réduit les stocks. Je n’achète sinon que du sel et des oligoéléments. »
L’éleveur met en avant la sélection génétique. Son troupeau est apte à valoriser la pousse dès qu’elle est là, et à ne pas beaucoup maigrir quand les ressources alimentaires sont moindres. « L’engraissement des animaux est progressif, sur une période plus longue. J’ai constaté que la qualité de la carcasse ne pâtit pas d’un passage de deux mois au foin peu avant abattage, comme cela a été le cas l’été dernier. » Sébastien Quinault commence à tester le croisement Angus sur six génisses, pour gagner en précocité sur l’engraissement de mâles castrés pas trop lourds avant l’âge de 3 ans.
Les deux tiers des vêlages se déroulent en mars et un tiers en septembre, car finalement la pousse d’automne tend à devenir plus intéressante. « Je dispose de parcelles bocagères d’un à un hectare et demi, avec un point d’abreuvement à leur intersection. Je n’ai pas de stabulation, mais un bâtiment de stockage pour le foin. L’hiver, le troupeau le passe dans des sous-bois sur des parcelles qui portent très bien, avec des râteliers garnis en foin. » Et dès que de l’herbe est disponible, Sébastien Quinault y mène un lot, même parfois pour une période de quelques heures en plein hiver. « Nous avons parfois plus d’herbe en février qu’en avril, où le gel devient fréquent. »
Depuis 2012, le nombre de vêlage est passé d’une quarantaine à une vingtaine par an, en système bœufs de 3 ans. « Le chargement se situe entre 0,7 et 0,8 UGB/ha, et le résultat économique est satisfaisant. » La viande est vendue essentiellement en direct sous forme de colis, et quelques animaux sont vendus comme reproducteurs. Depuis plusieurs années, un à deux hectares sont cultivés en blé pour faire du pain.