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Du colza génétiquement modifié retrouvé près de Rouen : pourquoi l’Anses préconise de mieux surveiller les OGM dans l’environnement ?

Suite à la détection de colza génétiquement modifié au bord d’une route normande par Inf’OGM et Hugo Clément, l’Anses recommande de renforcer les plans de surveillance.

Christophe Noisette (Inf'OGM) et Hugo Clément devant une parcelle de colza.
Christophe Noisette d'Inf'OGM et Huguo Clément ont trouvé du colza génétiquement modifié en février 2022 près du port de Rouen.
© Capture d'écran Sur le Front

[Mis à jour à 12h46 avec la réaction de Saipol]

Dans un avis paru le 17 janvier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) recommande de renforcer la surveillance des zones à risque en termes de dissémination de graines d’OGM, ayant constaté des lacunes dans le dispositif actuel.

 

Qu’est-ce ce qui a conduit l’Anses à cet avis ?

Suite à l’identification de plants de colza génétiquement modifié à proximité de Rouen, l’Agence a été chargée d’évaluer l’efficacité des mesures appliquées pour les éradiquer et, de manière plus générale pour éviter la dissémination accidentelle d’OGM dans l’environnement.

Pour rappel, fin février 2022, du colza génétiquement modifié (GM) non autorisé à la culture en France a été retrouvé en bordure de route par Christophe Noisette, rédacteur en chef et cofondateur de l’Association Inf’OGM, accompagné par Hugo Clément (pour l’information Sur le Front), sur une zone industrialo-portuaire à proximité de Rouen. Les prélèvements ont révélé la présence de quatre colzas génétiquement modifiés différents (GT73, Ms8, Rf3 et MON88302), conçus pour tolérer un herbicide de type glyphosate. La date de leur dissémination est inconnue. Les plantes ont été éliminées par voie mécanique (fauche, débroussaillage).
 

Quelles lacunes constatées par l’Anses ?

Suite à son expertise, l’Anses a estimé que le plan de surveillance visant à limiter les pertes et déversements de graines, et à éradiquer systématiquement les plants qui auraient poussé à proximité des sites de déchargement et de transformation comportent des lacunes, notamment pour ce qui concerne la surveillance de l’environnement en dehors des sites des opérateurs concernés.

Le groupe de travail biotechnologie de l'Anses considère cependant que, dans le cas du colza génétiquement modifié retrouvé près de Rouen "ne s'agissant pas de culture de colza génétiquement modifiés, mais de plants diffus sur de très petites surfaces, un éventuel flux de gènes de pollen vers des cultures locales, non génétiquement modifiées et très largement dominantes, ne pourrait aboutir qu'à un taux de contamination extrêmement faible".
 

Que recommande l’Anses ?

L’Anses recommande ainsi de renforcer les plans de surveillance des effets environnementaux afin de les rendre plus précis et plus exigeants. En pratique, il s’agit d’élargir la surveillance à l’ensemble des zones de déchargement, de transport, et leur environnement proche, précise l’Anses dans son avis. Afin de limiter les risques de dissémination, l’Anses recommande également que les mesures relatives aux conditions de transport, de déchargement, de stockage et de manutention de graines génétiquement modifiées soient décrites de manière plus précise dans ces plans de surveillance.

Au-delà de la dissémination de colza génétiquement modifié à proximité de Rouen, l’Agence rappelle que la France compte d’autres sites d’importation, de stockage et de transformation de graines d’OGM et recommande d’identifier les zones où le risque de dissémination accidentelle de ces graines est le plus élevé. Il s’agit notamment :

  • des ports d’importation des graines d’OGM
  • des sites industriels de stockage ou de transformation de graines d’OGM ;
  • de lignes ferroviaires, voies fluviales et routes permettant le transport des marchandises entre les lieux précités.

Ces zones hautement sensibles devront ensuite faire l’objet de contrôles renforcés pour éviter tout risque de dissémination dans l’environnement.

L’Anses propose une surveillance « à un intervalle régulier, tout au long de l’année » des zones identifiées comme les plus à risque, sur un rayon de 10 km, avec échantillonnage des plants observés suivi d’une analyse moléculaire.

L’Agence propose par ailleurs que ces nouvelles mesures soient coordonnées au niveau européen dans le cadre du suivi post-autorisation de ces produits.
 

Quelle réaction du ministère de l’Agriculture ?

« Un examen approfondi de cet avis va être effectué par la direction générale de l’Alimentation » a réagi le ministère de l’Agriculture suite à la publication de l’avis de l’Anses.

« Des inspections d’autres usines de trituration de colza qui importent du colza OGM de pays tiers et de leurs alentours ont été réalisées en 2022 ou sont prévues pour 2023.  Les résultats permettront d'objectiver le nouveau signalement de l'association Inf'OGM et de prendre les mesures de gestion nécessaires le cas échéant », poursuit le ministère.

Un autre signalement d’Inf’OGM, visant l’usine Saipol de Sète, a déclenché l’ouverture d’une autre analyse par les services du ministère, aurait confié ce dernier à l’AFP.
 

Une situation rocambolesque, selon Greenpeace France

Réagissant à la découverte de pousses de colza génétiquement modifié à Rouen, Greenpeace France a réagi dans un communiqué du 20 janvier. « Cette situation est rocambolesque et corrobore ce que Greenpeace affirme depuis des années : qu’on les cultive ou qu’on les importe, les OGM finissent toujours par contaminer notre environnement, que ce soit naturellement ou parce qu’une ségrégation stricte est impossible. On joue à l'apprenti sorcier en autorisant l'importation d'OGM sans en mesurer les conséquences. Les OGM représentent par définition une menace forte pour la biodiversité, qu'ils soient de l'ancienne ou de la nouvelle génération. À nouveau, le principe de précaution doit être respecté : tous les OGM doivent faire l'objet d'une réglementation stricte ! » s'est indignée Suzanne Dalle, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France dans le communiqué.
 

Hugo Clément et Inf’OGM satisfaits

« Suite à nos révélations dans Sur le Front sur France5TV au printemps dernier, l’Anses a fait ses propres analyses et confirme nos informations », s’est félicité le « journaliste militant » Hugo Clément sur twitter.

Christophe Noisette, rédacteur en chef d’Inf’OGM, s’est félicité pour sa part de l’avis de l’Anses, interpellant Marc Fesneau : « le ministère mettra-t-il en œuvre ces recommandations » ?

« Nous avons récolté des colza féraux à Bassens (Gironde), à Sète (Hérault), dans la région de Mulhouse (Haut Rhin), à Dieppe et à Rouen (Seine-Maritime) aux voisinages des usines de Saipol », écrit-il dans son article. « A Mulhouse, Dieppe et Bassens, nos prélèvements ne se sont pas révélés positifs. […] En revanche, à Sète, ville portuaire au bord de la Méditerranée, nous avons identifié plusieurs colza transgéniques », affirme-t-il dans son article du 20 janvier.

Il affirme également avoir retrouvé de nouveaux plants de colza transgénique à Rouen en juillet 2022.

Saipol réagit à l’avis de l’Anses

« Saipol prend acte de la publication Anses qui fait état de la dissémination accidentelle d’OGM, et des conclusions du groupe de travail « Biotechnologies » », a réagi la filiale du groupe Avril contactée par Reussir.fr.

« Dans les faits, suite à la détection de repousses de colza OGM au printemps 2022 à proximité du site de Grand-Couronne, Saipol a renforcé le plan d’action mis en œuvre pour éviter la dissémination de graines OGM, en lien avec les autorités compétentes qui suivent le sujet. En particulier, des opérations de fauchage et arrachage récurrentes sont menées, et associées à des vérifications visuelles. Ces opérations semblent efficaces et Saipol continue de suivre cela avec les autorités pour renforcer les mesures le cas échéant », précise l’industriel.

Saipol rappelle par ailleurs que les graines de colza OGM « sont exclusivement destinées à la production d’huiles pour la fabrication du biodiesel et de tourteaux (alimentation animale), notamment à l’export ».

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