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Dans l’Yonne
Les fromages sont salés directement dans le lait

Mathilde Boulanger innove dans sa fromagerie fermière en salant le lait avant l’emprésurage. Un gain de temps mais surtout de régularité.

Mathilde Boulanger et Damien Imblot ont investi du temps et de l’argent dans un vaste bâtiment de 1 100 m² abritant une chèvrerie de 160 places, une salle de traite, un hangar de stockage et une fromagerie. La fromagerie de 110 m² et 120 000 euros a été bien pensée pour se faciliter la tâche au quotidien. Le travail se fait ainsi toujours à hauteur, et tables, cuves, grilles et matériels sont tous sur roulettes. Les bûches sont moulées à l’aide d’un répartiteur et d’une pelle à caillé et le lait est salé avant l’emprésurage.

Le salage devient facilement répétable

« Je n’arrivais pas à faire un salage régulier, se souvient Mathilde. Je salais les fromages au démoulage, un par un, avant de les poser sur la grille mais le résultat n’était pas homogène. » Très vite, la jeune femme prend le pli de mettre le sel directement dans le bac de caillage. « Je sais qu’il faut mettre 6,4 grammes de sel par litre de lait, donc c’est 448 grammes pour une bassine de 70 litres. Les consignes sont ainsi beaucoup plus faciles à transmettre qu’avec le salage à la main où la précision du geste n’est pas facilement répétable d’un jour à l’autre ou d’une personne à l’autre. » Mélangé au lait du soir, le lait du matin est placé dans les bacs surélevés, puis salé et mélangé par quelques énergiques mouvements d’écumoire. « Il faut du sel fin qui puisse bien se dissoudre », recommande Mathilde. Ensuite, on attend une heure avant d’emprésurer, puis une journée avant de mouler le lait caillé. « Le goût n’a pas tellement changé, observe la fromagère. Nos fromages sont affinés une vingtaine de jours et la couverture se fait de la même façon. Nos fromages sont peut-être un peu moins salés car une partie du sel part dans le petit-lait. » Seuls les tommes, les faisselles ou les fromages vendus en blanc à un affineur échappent à ce salage dans la masse.

Guillemette Allut, du Centre fromager de Bourgogne

« Des fromages plus onctueux en salant le lait »

« Saler les fromages par le salage du lait permet de gagner du temps et d’avoir un salage plus homogène entre les lots et au sein des fromages du même lot. Ils sont également légèrement plus fondants. Par cette méthode, le salage devient plus facile à déléguer. Nous avons réalisé des essais en conditions contrôlées avant de le mettre en place dans quatre fermes. Les suivis continus des pH ont montré que l’acidification se déroulait de manière similaire que le lait soit salé ou non. Par contre, en salant le lait, le temps de prise est allongé. Le sel a tendance à gêner la coagulation en prenant la place d’une partie des ponts calciques. Ainsi, au moulage, le gel obtenu est ferme mais plus aqueux, son égouttage est ralenti et donne des fromages au démoulage avec des extraits secs plus faibles. Cette différence d’égouttage peut être compensée par la conduite de l’affinage en jouant sur la durée de ressuyage et de séchage. Les suivis ont montré une légère amélioration du rendement. Pour que le salage du lait donne de bons résultats, il faut un lait de qualité avec un taux protéique minimum de 30 g/kg. Ainsi, les laits trop pauvres en protéines peuvent conduire à des gels fragiles qui manquent de cohésion, d’avantage qu’en salage classique. Pour les mêmes raisons, je recommande de viser la fourchette moyenne à haute de la dose de présure préconisée par le fournisseur. Il faut s’assurer que tout le sel est bien dissout en mélangeant suffisamment avant emprésurage. Certains mettent le sel dans le tank. Pourquoi pas, tant que la dissolution du sel est complète. À l’emprésurage, après mélange de la présure, il faut s’assurer que le lait n’est plus en mouvement. À l’affinage, comme le sel est réparti de manière homogène à cœur et en surface, l’implantation du Geotrichum est plus précoce qu’en salage à sec et homogène sur les faces et les côtés. Ce bon démarrage du Geotrichum est un bon moyen de lutte contre le mucor et à tendance à retarder l’arrivée du bleu. En salant entre 6 et 9 grammes par litre de lait, on utilise un peu plus de sel qu’en salage à sec. Le coût supplémentaire en sel est négligeable par rapport aux bénéfices directs de la méthode. Une partie du sel s’en va dans le lactosérum, le rendant plus appétant lors de redistributions animales. Les tests à l’aveugle réalisés pendant l’étude et sa pratique devenue routinière dans plusieurs fromageries montrent que les fromages obtenus sont plus onctueux, plus moelleux, avec une structure fine, moins dense et moins serrée qu’avec le salage à sec par saupoudrage. Attention, cette pratique n’est pas autorisée dans les cahiers des charges des AOP. »

En savoir plus

Salage du lait en technologie lactique

La fiche Salage du lait en technologie lactique résume sur deux pages les observations du Centre fromager de Bourgogne.

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