Mieux connaître le Caev pour assainir les troupeaux de chèvres
Le virus du Caev crée d’insidieux dégâts dans les troupeaux caprins, et environ 80 % des troupeaux français en seraient porteurs. Carole Sala de GDS France nous éclaire sur cette maladie, son diagnostic et ses conséquences.
Le virus du Caev crée d’insidieux dégâts dans les troupeaux caprins, et environ 80 % des troupeaux français en seraient porteurs. Carole Sala de GDS France nous éclaire sur cette maladie, son diagnostic et ses conséquences.




Comprendre le Caev : un virus sournois qui s’incruste et mute
La maladie de l’arthrite-encéphalite caprine à virus (AECV ou Caev dans son acronyme anglais) est causée par un virus à ARN (rétrovirus). Ce type de virus parvient à s’intégrer dans le génome de la cellule de l’hôte. Cette intégration rend l’infection irréversible. Les animaux porteurs ne peuvent pas se débarrasser du virus. Une fois intégré dans les cellules de l’hôte, le virus reste plus ou moins longtemps caché du système immunitaire, ce qui fait qu’une chèvre peut être séronégative mais infectée. Le Caev est un virus lent (lentivirus) qui met quelques mois, voire quelques années à s’exprimer. « Cela complique le diagnostic précoce et donne au virus le temps de se propager au sein du troupeau, commente Carole Sala, vétérinaire conseil à GDS France. Cette lenteur d’évolution peut tromper les éleveurs. Ils pensent que le troupeau est sain alors que la maladie progresse en silence. »
Le Caev est également réputé pour sa forte capacité à muter. « Il existe de très nombreuses souches et c’est cette variabilité qui empêche de développer un vaccin efficace, souligne Carole Sala. La réponse immunitaire de l’animal est également toujours en retard, car les anticorps produits ne correspondent souvent pas aux nouvelles mutations. » Un animal malade du Caev ne pourra donc pas guérir.
Les différentes souches ont une pathogénicité variable : certaines peuvent circuler silencieusement, tandis que d’autres provoquent des formes cliniques sévères. C’est pourquoi les éleveurs de troupeaux infectés avec peu ou pas de signes cliniques doivent rester vigilants pour ne pas introduire de souches plus virulentes.
La sérologie possible en mélange de cinq échantillons

Pour diagnostiquer la présence du Caev dans un troupeau, la seule méthode accessible reste la sérologie. Elle repose sur la détection des anticorps produits par le système immunitaire lors d’un contact avec le virus, même si l’animal est asymptomatique. Les kits de diagnostic actuellement disponibles ont une sensibilité et une spécificité avoisinant les 97 %, offrant ainsi une bonne capacité à détecter les animaux infectés tout en limitant les résultats faussement positifs.
Depuis juillet 2024, il est possible de réaliser des sérologies de Caev en regroupant les sérums de cinq animaux dans un même test. Cette approche conserve une sensibilité et une spécificité élevées, équivalentes à celles des tests individuels, tout en divisant les coûts d’analyse par deux voire trois.
La virologie par PCR qui consiste à rechercher le matériel génétique du Caev n’est actuellement réalisée que dans le cadre de la recherche par un seul laboratoire de l’Inrae à Lyon. Une piste prometteuse reste la sérologie sur le lait de tank puisqu’elle donne une estimation globale de la séroprévalence dans le troupeau à partir d’une seule analyse. Cette méthode est toujours en cours d’expérimentation (Serocaptank) pour améliorer l’interprétation des résultats.
Les gros genoux, le signe le plus spécifique du Caev

Les signes cliniques les plus courants sont les arthrites (inflammation des articulations), les mamelles indurées (« pis de bois ») ou déséquilibrées et les pertes d’état progressives. Chez les chevreaux, des encéphalites aiguës peuvent survenir et aboutissent irrémédiablement à la mort de l’animal. Elles se traduisent par des signes nerveux tels que des convulsions ou des manques de coordination.
Le signe le plus caractéristique reste l’arthrite des genoux (pattes avant). Ces signes cliniques conduisent au bout de quelques mois, à la réforme des animaux boiteux ou improductifs.
Le fardeau économique du Caev : au moins 93 euros par chèvre
Outre les souffrances animales, le Caev entraîne des pertes économiques importantes : diminution de la production laitière et de la qualité du lait et réforme prématurée des animaux. Une étude française a montré une perte de production moyenne de lait de plus de 100 kilos par chèvre et par an, au-delà de la troisième lactation dans les troupeaux infectés.
En prenant en compte cette perte de production, les mammites chroniques, une baisse de la matière utile et des coûts indirects pour l’élevage des chevrettes de remplacement, Bertrand Bluet de l’Institut de l’élevage estime une perte d’au moins 93 euros par chèvre pour les troupeaux positifs.
Le Caev se transmet par le colostrum, le lait ou l’air

Chez les jeunes animaux, le Caev se transmet principalement par le colostrum et le lait des chèvres infectées. À mesure que les animaux grandissent, la transmission se fera essentiellement par voie respiratoire, lors des contacts rapprochés ou dans les bâtiments mal ventilés via les aérosols infectés. Carole Sala explique : « Tous les animaux infectés, même ceux qui sont séronégatifs, sont contagieux. Plus un animal présente des signes cliniques, plus il est infectieux pour les autres. » Le virus peut également se transmettre par la semence des boucs infectés ou par des pratiques de soins inadéquates, comme l’utilisation d’aiguilles non changées entre animaux.
Cette diversité des modes de transmission rend la maîtrise du Caev particulièrement complexe, car il peut se diffuser rapidement au sein d’un troupeau mal protégé. Carole Sala insiste : « Le Caev est partout : dans le lait, les sécrétions respiratoires, le sang… C’est pourquoi il est essentiel de respecter des mesures strictes de biosécurité pour limiter sa propagation dans le troupeau. »
Lire aussi : Que faire quand le Caev est dans son élevage de chèvres ?
Le saviez-vous ?
Caev et Visna-Maedi : deux noms pour un même virus
Le Caev, qui affecte les caprins, et le virus de Visna-Maedi, qui affecte les ovins, ne sont en réalité qu’une seule et même entité virale. « Ces lentivirus ont été identifiés séparément, à des périodes et dans des contextes géographiques différents », explique Carole Sala de GDS France. Chez les chèvres, le virus provoque principalement des arthrites et des mammites, tandis que chez les ovins, il est connu pour entraîner des pneumonies chroniques et des troubles neurologiques. Malgré ces différences cliniques, les chercheurs s’accordent aujourd’hui à dire qu’il s’agit du même virus. « Les souches peuvent se transmettre entre ovins et caprins. Cela souligne l’importance de séparer strictement les troupeaux mixtes et de surveiller la circulation du virus dans les deux populations. »