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Les élevages laitiers bien placés pour ne pas perdre d’aides PAC

Avec l’aide couplée bovine et des écorégimes accessibles, les exploitations laitières ne devraient pas perdre d’aides, ou peu, voire en gagner sans modifier la conduite d’exploitation.

La majorité des éleveurs pourront atteindre au moins le niveau de base de l'écorégime sans difficulté.
La majorité des éleveurs pourront atteindre au moins le niveau de base de l'écorégime sans difficulté.
© E. Bignon

La nouvelle PAC et le programme stratégique national (PSN) français ne vont pas bouleverser la donne pour la majorité des élevages laitiers sur les montants d’aides totaux. Les élevages laitiers de plaine devraient arrêter de perdre des aides, comme ce fut le cas lors de la précédente programmation.

1 - Les DPB évolueront peu en majorité

Le poids lourd des aides PAC, les DPB (droit au paiement de base), se nomment à présent DPB nouveau ou DPBn. Ils sont revalorisés par rapport à la programmation précédente (sauf pour ceux au-dessus du plafond 2023 de 1 349 €). Cela explique les niveaux plus élevés en 2023 dans les simulations présentées ici. Le DPBn cible est de 128 € en 2023. Il était de 114 € en 2019, indique Chambres d’agriculture France.

La convergence des aides se poursuit, mais modérément et en deux temps. En 2023, seules les DPBn très éloignés de la moyenne seront réévalués. En 2025, la convergence se poursuivra pour tous.

« Dès 2023, la mise en place de l’écorégime – forfaitaire et donc déconnecté des DPB, à la différence du verdissement qui était proportionnel aux DPB – resserrera les écarts entre les aides découplées totales des exploitations agricoles », expose Hélène Fuchey, de l’Institut de l’élevage.

Pour les exploitations bovin lait, la convergence entraînera dans certains cas une baisse du DPBn, comme dans le cas type présenté ici de l’exploitation polyculture élevage de plaine en Isère. À l’inverse, le système herbager du Massif central bénéficie de la convergence. Dans la plupart des cas, l’impact de la convergence sur les montants du DPBn sera limité à quelques pourcents en plus ou en moins.

À l’inverse, certains éleveurs de veaux de boucherie verront leurs aides grandement amputées. « Ils ont des DPB très élevés issus de DPU spéciaux (parfois 5 000, 8 000 €/ha sur de très petites surfaces). Dès 2023, leur montant sera plafonné à 1 349 €. Puis, en 2025, le plafond sera de 1 000 €. Ce débouché pour les petits veaux mâles laitiers pourrait être déstabilisé par cette réforme », alerte Michel Lafont, de la chambre d’agriculture de Normandie.

2 – L’aide à l’UGB soutient l’élevage de plaine

Dans le PSN français, les aides couplées bovines allaitante (ABA) et laitière (ABL) deviennent une unique aide couplée à l’UGB de plus de 16 mois. L’enveloppe allouée à la nouvelle aide couplée à l’UGB sera inférieure à la fusion des budgets pour l’aide bovine allaitante et l’aide bovine laitière. De plus, elle baissera progressivement pour cause de transfert vers les protéines végétales. Malgré cela, « la réforme de l’aide couplée bovine est globalement plutôt favorable aux élevages laitiers, notamment en plaine, du fait de la fin des montants différenciés par zone – plaine et montagne. Elle redonne un petit intérêt à l’engraissement en jeunes bovins en élevage laitier », résume Hélène Fuchey.

Sont éligibles à cette aide à l’UGB : les bovins de plus de 16 mois présents sur l’exploitation depuis au moins six mois. Les jeunes de 16 à 24 mois compteront pour 0,6 UGB. Au-delà, chaque animal équivaudra à 1 UGB. Seuls 40 UGB pourront être primées au niveau de base. La transparence des Gaec s’applique.

Deux niveaux d’aides sont prévus selon la race et le sexe de l’animal. Le niveau supérieur, estimé par le ministère à 110 €/UGB en 2023 puis progressivement à 99 € en 2027, s’applique aux mâles de toutes races et aux femelles allaitantes. Le niveau de base est consacré aux femelles laitières ou de race mixte. Il est évalué à 60 €/UGB en 2023 (54 € en 2027). L’ABL était d’environ 40 € hors zone défavorisée et d’un peu plus de 80 € en zone de montagne. Comme tous les montants indiqués par le ministère de l’Agriculture, ceux-ci sont indicatifs et dépendront du nombre d’UGB éligibles.

3 - Y a-t-il un intérêt à se lancer dans un atelier taurillons ?

La nouvelle aide à l’UGB peut accompagner l’engraissement des veaux mâles laitiers dans certains cas. Par exemple, dans un Gaec, compte tenu de la transparence, le plafond de 40 UGB éligibles passe à 80, 120, 160 UGB en fonction du nombre d’associés. Si avec les vaches et les génisses de plus de 16 mois de l’atelier lait, le plafond n’est pas atteint, cela laisse la possibilité de primer des mâles à l’engraissement présents plus de six mois dans l’élevage.

Cela pourra également être intéressant si l’exploitation n’est pas contrainte au niveau des bâtiments, de son potentiel fourrager, de sa surface d’épandage ou de sa main-d’œuvre. « Les prix de la viande rendent cette option tentante, mais attention au retournement de marché », met en garde Jean-Yves Pouliquen, de Cogedis. « Cette aide est simplement une opportunité pour optimiser des surfaces fourragères avec quelques bœufs ou de la place en bâtiment si l’organisation du travail le permet », insiste Michel Lafont.

C’est pourquoi les experts interrogés estiment que cette aide servira à primer quelques mâles à l’engraissement, mais elle n’est pas suffisante pour déclencher un projet de nouvel atelier taurillon.

4 – L’aide aux protéines végétales sera t-elle incitative ?

« Concernant les couplages végétaux, il est très difficile de prévoir leurs impacts. Cela dépendra des décisions individuelles, qui impacteront les montants unitaires », indique Hélène Fuchey. L’aide aux légumineuses fourragères est annoncée à 149 €/ha. Un accroissement des enveloppes via un transfert progressif des aides bovines vers les aides protéiques accompagnera une hausse des demandes.

Selon Cogedis, l’aide aux protéines sera certainement intéressante à aller chercher si l’éleveur est dans l’optique d’améliorer son autonomie protéique et que cela lui permet d’économiser des concentrés, très coûteux.

En Bourgogne-Franche Comté, « l’aide aux végétaux riches en protéine pourra concerner de nombreux éleveurs. Les assolements sont déjà diversifiés, avec de la luzerne, des prairies riches en légumineuses, du soja, etc, expose Clothilde Patoux, du Cerfrance BFC. L’aide couplée favorisera les prairies temporaires composées à plus de 50 % de légumineuses, avec une aide l’année de l’implantation. Mais ce n’est pas tant l’existence de cette aide couplée qui incite les éleveurs à augmenter leurs surfaces. C’est davantage la voie « pratiques » de l’écorégime qui les confortera dans leur choix. »

5 – L’accès aux écorégimes sera déterminant

La majorité des exploitations laitières pourront atteindre le niveau de base ou le niveau supérieur de l’écorégime sans rien changer à leurs habitudes. Pour les autres, peu d’efforts seront à fournir pour atteindre le niveau de base, estiment les experts interrogés.

Avec le niveau supérieur des écorégimes, la plupart des exploitations pourront maintenir leurs aides totales, voire les verront augmenter. Les deux simulations présentées l’illustrent. Elles atteignent le niveau supérieur de l’écorégime. Cela permet de limiter la baisse de l’aide par rapport au paiement vert dans le cas de l’exploitation polyculture élevage de plaine en Isère et d’augmenter un peu l’aide par rapport au paiement vert dans le cas de l’exploitation de montagne du Massif central.

Au niveau de base de l’écorégime, certaines exploitations laitières ne perdront pas d’aides, d’autres oui. Sans écorégime, les exploitations perdent des aides, et de façon significative : environ -20 % en moyenne, selon différentes estimations de centres de gestion. Il y a donc un enjeu à accéder au niveau de base des écorégimes.

« La question de passer du niveau de base au niveau supérieur avec un écart de 20 €/ha pour éviter de perdre des aides, ou pour chercher à en gagner, n’est pas évidente. Il faut étudier les conséquences économiques et sur le travail au cas par cas, en fonction des atouts et des contraintes de l’exploitation », estime Jean-Yves Pouliquen, de Cogedis (voir p. 38).

Une évolution favorable des aides aux laitiers

Le dispositif Inosys des chambres d’agriculture a effectué des simulations des règles du PSN français sur des cas types d’exploitations bovin lait. Pour illustrer les impacts de la nouvelle PAC, en voici deux.

 

 
Les élevages laitiers bien placés pour ne pas perdre d’aides PAC
© Réussir

 

Les simulations ont été réalisées avec l’outil Mon simulateur PAC, disponible dans Mes Parcelles.

Cas 1 - Exploitation unipersonnelle dans le Massif central, avec 39 vaches prim’Holstein et 66 ha de prairies

La valeur totale des DPBn augmente en 2023 du fait de la revalorisation de l’enveloppe pour les DPBn, puis à partir de 2025, la convergence est favorable pour cette exploitation. La valeur du DPBn atteint 122 €/ha/an en 2025.

L’exploitation atteint le niveau supérieur de l’écorégime par la voie « pratiques ». Si l’exploitation était au niveau de base de l’écorégime, elle perdrait 1 320 € d’aide, et obtiendrait un niveau d’aide totale inférieur à la précédente programmation.

L’aide aux bovins pour cette exploitation diminue en 2023 car le montant unitaire baisse par rapport à ce qu’était l’aide bovine spécifique montagne. Par la suite, le montant baisse encore car l’aide à l’UGB diminue pour alimenter la progression de l’aide végétale riche en protéine.

Cas 2 - Gaec à 2 associés, lait et cultures de vente, 65 vaches prim’Holstein, 140 ha de prairies, maïs fourrage, protéagineux et légumineuses fourragères, cultures de vente

La valeur totale des DPBn augmente en 2023 pour les mêmes raisons que le cas 1. Puis, elle diminue du fait de la convergence pour atteindre 134 €/ha/an en 2025.

L’exploitation atteint le niveau supérieur de l’écorégime par la voie « pratiques ». Si l’exploitation était au niveau de base de l’écorégime, elle perdait 2 800 € d’aide, et aurait un niveau total d’aide inférieur au niveau de la précédente programmation.

La nouvelle aide aux bovins revalorise clairement l’atelier lait de cette exploitation de plaine, qui bénéficie de la transparence Gaec avec 80 UGB non allaitantes primées. Cette réforme devrait inciter les exploitations spécialisées lait à plusieurs exploitants à passer en Gaec.

Le saviez-vous ?

L’aide à l’UGB intègre un critère de chargement : maximum 1,4 UGB/ha de SFP. Dans les faits, il ne concernera pas les bovins laitiers.

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