Les cinq règles d’or du désherbage de la vigne
En matière de désherbage, il n’existe pas de solution miracle. Pour éradiquer les adventices, il y a autant de recettes que d’exploitations viticoles. Voici néanmoins quelques recommandations des conseillers techniques.
En matière de désherbage, il n’existe pas de solution miracle. Pour éradiquer les adventices, il y a autant de recettes que d’exploitations viticoles. Voici néanmoins quelques recommandations des conseillers techniques.
1 Surprendre la nature en alternant les techniques
La nature ayant horreur du vide, elle a tendance à s’adapter aux pratiques de désherbage et à sélectionner certaines adventices en fonction des techniques privilégiées. « Globalement, les pratiques de désherbage favorisent les vivaces », estime Matthieu Archambeaud, agronome et gérant d’Icosystème. Chiendent, ray-grass anglais, graminées… Mais pas uniquement. Les passages successifs de glyphosate avantagent l’érigéron du Canada, le travail du sol (lames, coupe superficielle) notamment en conditions humides pousse à l’émergence des plantes à rhizome telles que le chiendent, les disques poussés amènent des graminées et les Kress laissent les plantes à système pivotant proliférer.
Pour l’agronome, la vraie solution consiste à surprendre la nature en variant de stratégie régulièrement. « En désherbage chimique, cela veut dire alterner les matières actives, détaille-t-il. En enherbement et travail du sol, on peut faire des roulements. Par exemple, tous les trois ou quatre ans, on ne met pas de couvert et on travaille le sol. Et inversement. » Perrine Dubois, conseillère viticole à l’ATV 49, estime également qu’il faut savoir remettre en question ses pratiques afin de s’adapter aux adventices présentes.
Selon elle, l’alternance des pratiques va s’accélérer sur le terrain. Du fait de la baisse de la dose autorisée du glyphosate, les vignerons qui géraient jusqu’à présent le cavaillon en 100 % chimique vont naturellement glisser vers des stratégies mixtes, mêlant chimique et travail du sol. Une bonne chose puisque « le travail du sol comble les lacunes du désherbage chimique, pointe la conseillère. Cette stratégie va se révéler beaucoup plus efficace que le tout chimique. »
Dans tous les cas, il ne faut pas s’attendre à un changement rapide de flore, les évolutions étant toujours progressives.
2 Agir dès l’installation de certaines adventices
Certaines espèces, à l’instar de la garance voyageuse ou de la ronce, ont tendance à envahir les parcelles assez rapidement. Pour éviter qu’elles ne s’installent, rien ne vaut… la pioche ! « La garance voyageuse a une cuticule épaisse et n’est pas atteinte par la chimie, rappelle Perrine Dubois. Et comme elle se colle aux ceps, elle est difficile à enlever avec des outils de travail du sol. Il faut donc l’éliminer, tout comme la ronce, au fur et à mesure qu’on la voit. Et pour ça, rien de tel qu’un petit coup de pioche. » Si ce n’est pas possible, la dévitalisation en sève descendante fonctionne également bien.
En Champagne, Johan Kouzmina, conseiller de la chambre d’agriculture de la Marne, constate également des salissures progressives par le ray-grass, qui finit par faire des touffes de 30 centimètres. Des herbes que l’on n’arrive plus à éliminer au désherbage mécanique, sur lesquelles les désherbants sont à la peine et qui demandent un investissement physique important à la pioche. « L’éducation au nettoyage doit évoluer, estime le conseiller. Il est pertinent de tirer sur les petites touffes à la main quand on passe pour d’autres travaux, comme l’ébourgeonnage. » Ou bien de passer avec une solution chimique comme la cycloxydime (Stratos) au plus tôt.
Quoi qu’il en soit, Thierry Favier, secrétaire de la commission Columa Vigne (entretien durable des sols viticoles), recommande de commencer à être vigilant et à intervenir dès la plantation.
3 Gérer différemment le glyphosate sous le cavaillon
Avec la limitation de sa dose à 450 g/ha/an, la gestion du glyphosate se complexifie. Plusieurs options s’offrent aux vignerons. La première consiste à désherber avec la même concentration, mais avec un volume par hectare moindre. « Je recommande de mettre entre 40 et 50 litres par hectare sur le cavaillon, indique ainsi Thierry Massol, conseiller viticole de la chambre d’agriculture du Tarn. Pour cela, il faut passer à des buses AVI 3 bars, adaptées à ce litrage (30 à 60 l/ha). » Il souligne par ailleurs que la dose étant moindre, il faut absolument passer dans des conditions d’hygrométrie et de vent optimales, la bouillie étant plus sensible à la dérive.
De son côté, Thierry Favier préconise de conserver le peu de glyphosate qui reste pour le concentrer sur les individus tenaces de vivaces dicotylédones, en traitant par taches. « Avec la limitation des molécules, la problématique des vivaces va monter crescendo, c’est certain », alerte-t-il.
En vignes étroites, où le passage sous le cavaillon représente entre 40 et 50 % de la surface totale de la parcelle, la concentration de 450 g/ha/an n’est clairement pas suffisante pour être efficace. L’interprofession champenoise suggère de gérer cette dose à l’échelle de l’exploitation. « Ainsi nous recommandons aux viticulteurs de mécaniser le désherbage sur les parcelles où c’est le plus facile, et de passer à une dose par hectare plus forte sur les autres parcelles, informe Johan Kouzmina. À 900 g/ha sous le rang, le travail est correct. »
4 Adapter les espèces des couverts végétaux
Étouffer les adventices en implantant un couvert que l’on choisit et que l’on maîtrise est une solution alléchante. « Cela fonctionne très bien pour se débarrasser de la mauve ou de l’érigéron par exemple, affirme Thierry Favier. Lorsque ces plantes sont mises en concurrence, elles disparaissent. » L’adéquation entre les couverts et les adventices à éliminer est toutefois à bien réfléchir.
Ainsi, Thierry Massol recommande-t-il de semer de l’orge et/ou de l’avoine sur les parcelles attaquées par des graminées. « Avec un engrais vert 100 % féverole, on va se faire dépasser par le ray-grass, surtout si la densité n’est pas assez grosse. Les légumineuses sont moins efficaces contre les graminées », prévient-il. De son côté, Perrine Dubois met en garde contre les enherbements interrang à base de fétuque : « certes, c’est agréable de marcher dessus, ironise-t-elle. Mais c’est une plante qui n’a pas beaucoup d’intérêt agronomique et qui colonise ensuite la ligne des souches. » Elle prône plutôt le semis de couverts « prairie multiespèce », adaptés au type de sol.
Philippe Bardet, des vignobles Bardet à Saint-Émilion en Gironde, est venu à bout des érigérons, morelles, et chénopodes en laissant les adventices d’hiver et de printemps, qu’il fauche ensuite. Cela empêche celles d’été de sortir. Le chiendent reste néanmoins problématique.
« C’est beaucoup plus dur de l’éliminer, regrette-t-il. Avec le désherbage, nous avons favorisé cette adventice. À présent, nous devons travailler le sol pour l’éliminer. Nous labourons un peu là où cela ne pose pas de problème de roulement derrière. Sinon, nous semons de l’avoine naine. Le mieux serait de la folle avoine, mais elle pousse trop haut. » Thierry Favier abonde : « La technique des couverts végétaux ne marche pas avec toutes les espèces. Chiendent et sorgho d’Alep sont très peu sensibles par exemple. Mais dans ces cas, il reste toujours la solution d’associer un couvert de dicotylédones avec un passage d’herbicide spécifique contre les graminées, comme le Stratos. » Notons que si ces spécialités herbicides fonctionnent très bien, elles sont toutefois onéreuses (une centaine d’euros par hectare).
5 Varier les outils de travail du sol et intervenir au moment clé
En travail du sol, l’important est de passer au moment où l’herbe peut le plus pénaliser la vigne, c’est-à-dire en début de saison végétative. « C’est le moment clé, insiste Perrine Dubois. Il faut concentrer ses efforts à cette période. Ensuite, on peut être plus tolérant vis-à-vis de l’herbe. »
Pour Thierry Favier, il est également primordial de multiplier les outils interceps. « On ne peut pas gérer avec seulement des lames, assure-t-il. Sur certaines adventices, elles sont peu efficaces alors qu’un outil avec versoir permet d’en venir à bout. » C’est par exemple le cas avec le chiendent, et autres plantes à rhizomes : un versoir couplé à des dents ou des griffes permet d’extirper les racines et de les étaler à l’air.
Fabien Garcia, vigneron audois à Montbrun-des-Corbières, l’a bien compris. Il travaille intégralement ses vignes depuis deux ans et mise sur une grande alternance d’outils afin de ne pas favoriser d’espèce en particulier. Il passe ainsi avec des disques émotteurs et doigts Kress en sortie d’hiver. « Ça évite la germination des adventices, rapporte-t-il. Et ça reste propre jusqu’au printemps. » À ce moment, il sort les lames et effectue un passage. Puis il intervient avec le cultivateur en buttant légèrement en avril/mai et ressort les lames en début d’été. « Avec cette alternance d’outils, le fait d’enlever de la terre du cavaillon et d’en remettre, on a un spectre d’adventices plus étendu », se réjouit-il.