Chez Jean-Marc Duran dans le Gers
« L’élevage est un gage de stabilité »
L’exploitation de Jean-Marc Duran est un bel exemple de polyculture-élevage où les deux activités s’apportent l’une à l’autre dans le même objectif de recherche de productivité.
L’exploitation de Jean-Marc Duran est un bel exemple de polyculture-élevage où les deux activités s’apportent l’une à l’autre dans le même objectif de recherche de productivité.
Jean-Marc Duran attache de l’importance à maximiser les rendements autant en viande que sur les cultures », explique Jean-Claude Baup, conseiller élevage à la chambre d’agriculture du Gers. « J’aime la technique. J’aurais pu tout mettre en cultures mais les deux me plaisent », répond l’éleveur, à la tête d’une exploitation d’une centaine d’hectares et d’un cheptel de 60 Blondes d’Aquitaine. Il fait tourner seul sa ferme avec un peu d’aide familiale. « J’ai harmonisé l’assolement pour avoir un bon équilibre de travail entre cultures et élevage », dit-il. L’assolement est complexe : 46 hectares de cultures (semence de colza ou tournesol, blé améliorant, orge, maïs grain) et 51 hectares de surface fourragère avec une grande variété de types de prairies. Selon la nature du sol, il sème des associations de longue durée à base de dactyle, fétuque, RGA et plusieurs trèfles, des prairies de longue durée à base de graminées et trèfle blanc et des associations de courte durée avec RGH, trèfle hybride et trèfle incarnat. Pas trop de maïs donc (15 - 20 ha), afin de pouvoir assurer le travail au printemps, dans cette vallée de la Baïse où l’irrigation garantit pourtant des rendements conséquents. L’exploitation a souscrit un contrat avec la Compagnie des coteaux de Gascogne qui permet d’arroser 25 hectares (9 litres/seconde) pour un coût de 200 €/ha.
« Le maïs après la prairie, c’est le top »
« Le maïs après la prairie, c’est le top, apprécie le polyculteur. Sur nos boulbènes superficielles et battantes, l’intérêt d’une rotation avec cinq ans de prairie, du fumier et du maïs irrigué est évident. Si on réussit le semis, après ça pousse. » L’exploitation comporte un tiers de terres profondes et deux tiers de boulbènes drainées. En maïs, des rendements de 130-140 quintaux sont la règle. En céréales, 65 à 70 quintaux ne sont pas rares. La rotation alterne deux ou trois ans de maïs, un an de blé ou orge puis soit du colza soit une prairie. Le fumier est épandu sur 25 hectares, principalement sur le maïs et la culture de semence.
La totalité de l’orge et une partie du maïs sont autoconsommées par le troupeau, soit directement soit incorporé dans l’aliment en contrat avec la coopérative. En 2017, sur les 34 tonnes d’orge récoltées, l’éleveur a gardé 10 tonnes qu’il a aplaties à la ferme et a fait incorporer le reste. Par contre, il a livré à la coopérative les 70 tonnes de maïs destinées au troupeau et a fait concasser la moitié et incorporer à façon l’autre moitié. La prestation de transport et d’incorporation est facturée 34 €/tonne. En incorporant 50 % de céréale, pour obtenir un aliment à 20 % de MAT avec l’orge et 17 % de MAT avec le maïs, le prix de revient moyen de l’aliment est de 260 €/tonne, avec un prix de l’orge et du maïs estimé respectivement à 120 et 130 €/tonne. « Ça reviendrait encore moins cher si je fabriquais, mais ça me simplifie la vie de faire ainsi », dit-il.
Les veaux accompagnent en permanence leur mère
La simplification du travail est aussi au cœur de la conduite du troupeau. Les vêlages s’étalent de la fin d’automne jusqu’à la fin du printemps, ce qui évite les pointes de travail. Mais, l’éleveur est en train d’avancer les mises bas des primipares pour qu’elles aient un peu plus de place dans la stabulation et que les veaux soient bien démarrés quand le troupeau ne sort plus. Le bâtiment est un peu surchargé en hiver suite à une croissance récente du cheptel. Son but serait d’avoir deux tiers des vêlages de septembre à janvier. Contrairement à une pratique fréquente dans le Sud-ouest, les veaux accompagnent en permanence leur mère, à l’intérieur comme à l’extérieur. « En stabulation, il faut avoir des veaux un peu démarrés pour faire cela », estime l’éleveur. Les vaches sont logées en lots de 16 par ordre de vêlage.
Pour l’instant, toute la reproduction est assurée en IA. « De novembre à février, j’utilise des taureaux mixtes élevage pour conserver les génisses de renouvellement (dix par an) puis des taureaux plus viande, précise Jean-Marc Duran. Mais, à certaines périodes, je lâche un peu sur le suivi de reproduction à cause des travaux extérieurs. Je pourrais faire un peu mieux en IVV [405 jours]. Je vais garder l’IA, mais de fin mai à octobre, j’utiliserai un taureau de repasse. Ce sera un confort de travail. Mais, il ne faudrait pas que je prenne trop goût au taureau ! » Après avoir privilégié la facilité de naissance « pour avoir un veau par vache sans assistance », il a axé ses choix génétiques sur les autres index (lait, conformation…). « J’ai des vaches mixtes plutôt viande », précise-t-il.
Presque toutes les femelles sont mises à la reproduction
La productivité du travail est un des points forts de cette exploitation : elle produit 26 tonnes de viande vive avec seulement 0,6 UMO consacré à l’activité d’élevage (soit 46 tonnes/UMO). L’éleveur alourdit ou engraisse tous les animaux selon leur potentiel. Presque toutes les femelles sont élevées et mises à la reproduction. Seules celles qui sont nées de primipares ou qui présentent des défauts d’aplombs (quelques mâles aussi) sont engraissées sous la marque gersoise de veaux rosés Lou Béthêt (objectif de 180 kg pour moins de 6 mois et un prix de 5,8-6 €/kg carcasse). Vu son tri et l’absence de lait de complément, il a du mal à atteindre ces objectifs. « Je ne cherche pas à en faire beaucoup, six au maximum. »
L’an dernier, Jean-Marc Duran a alourdi les broutards mâles jusqu’à 367 kilos en moyenne, soit 50 kilos de plus que les années précédentes. « Plutôt qu’augmenter le nombre de vêlages, je voulais valoriser un peu mieux les broutards. » Le gain de prix (+ 100 €/tête pour 100 kg d’aliment en plus) n’est pas très convaincant mais la comparaison est difficile car ils étaient moins conformés que les années précédentes. L’alourdissement reste malgré tout son objectif.
« On finit certaines vaches comme des melons »
L’engraissement des femelles est un des points forts. « Par rapport à une vache maigre, il y a au moins 1 000 euros de plus-value, calcule l’éleveur. Certaines, on les finit comme des melons. J’aime les voir en état. » Le résultat se voit sur la bascule et dans le chiffre des ventes, dont plus du tiers est assuré par dix vaches de réforme. Selon les années, le poids moyen carcasse des réformes se situe entre 570 et 600 kilos et le prix de vente entre 2 900 et 3 200 euros par tête. « Il faudrait les vendre 5,50 à 6 €/kg pour que ça vaille vraiment le coup. Il y a deux ans, nous étions à 5,5 € contre à peine 5 € aujourd’hui. Les prix ne collent pas à la réalité. » Le marché de ces vaches très lourdes est devenu plus difficile. « Pour les vendre, il faut s’y prendre à l’avance. Elles partent au compte-gouttes », se désole-t-il. Mais, le chiffre d’affaires des céréales est encore plus aléatoire, variant selon les fluctuations des rendements et des prix de marché. « Dans un système de polyculture - élevage, l’élevage est un gage de stabilité et de sécurisation du revenu », analyse Jean-Claude Baup. Les références départementales montrent que la marge des surfaces fourragères est nettement plus élevée et beaucoup plus régulière que la marge des grandes cultures. Conserver une activité d’élevage dans ces régions où elle n’est pas obligatoire est tout sauf une hérésie. Mais, « l’ICHN est indispensable », tient à souligner Jean-Marc Duran.
97 ha de SAU dont 30 de grandes cultures (18 ha de blé, 10 ha de maïs, 6 ha d’orge d’hiver, 12 ha de semence de tournesol), 45 de prairies temporaires, 6 ha de prairies permanentes.
57 Blondes d’Aquitaine
1,6 UGB/ha SFP
1 UMO
Tous les fourrages en bottes pour simplifier
Pour simplifier le travail, l’éleveur n’alimente son troupeau qu’avec des fourrages en bottes (enrubannage, foin). Constituer une équipe d’ensilage serait très difficile dans une région où l’élevage a fondu comme neige au soleil. En hiver, vaches et génisses en croissance sont nourries avec du foin à volonté (1re et 2e coupes distribuées alternativement matin et soir) complété par 3-4 kg/j de céréale (maïs ou orge) pour les vaches qui allaitent (2-3 kg pour les génisses) et par 150 g de minéral « haut de gamme ». Concentrés et minéraux sont distribués manuellement. La mise à l’herbe est assez précoce (20 mars). Vaches et veaux (sauf les Béthêt) pâturent pendant la journée en un seul lot et sont rapatriés le soir dans un enclos avec accès à la stabulation où leur est distribué du foin et de la paille. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’herbe à pâturer (fin août cette année). Elles sont alors alimentées avec de l’enrubannage et un peu de foin, jusqu’à la rentrée définitive. La période stricte de stabulation ne dure que quatre mois. « L’élevage n’utilise que 3,2 tonnes/UGB de fourrages stockés. C’est très optimisé pour un système en Blonde d’Aquitaine. Il y a une bonne valorisation du pâturage », affirme Jean-Claude Baup.
Jean-Claude Baup, chambre d’agriculture du Gers
« Être autonome en matière de travail »
« Depuis son installation, Jean-Marc Duran est animé par une recherche de productivité aussi bien animale que végétale. Elle se traduit par des vitesses de croissance des veaux, des poids carcasse (585 kg en moyenne sur 4 ans pour les vaches) et des rendements en céréales supérieurs à la moyenne. Mais, cette productivité a pour contrepartie un niveau élevé d’intrants (aliments, azote…). Il s’est attaché également à bâtir un outil fonctionnel (bâtiment, matériel) avec l’objectif d’être autonome en matière de travail. Il a enfin construit son système de production en visant à réguler le travail sur l’année. À certains moments, il lui est tout de même difficile de ne pas baisser la garde sur le troupeau : les résultats de reproduction sont corrects mais pourraient être un peu supérieurs. L’exploitation affiche de bons résultats économiques : une rémunération moyenne de 1,9 Smic sur quatre ans, une efficacité économique (EBE/PB) de 32 %… La marge (540 €/UGB hors aides) est toutefois un peu dégradée par les consommations de concentré. Il y aurait un travail à faire pour trouver un meilleur équilibre entre coût de ration et valorisation commerciale des produits. »