Feux, sécheresse
Le Sénat propose de s’appuyer sur les agriculteurs pour rendre la forêt plus durable
Entre autres, les parlementaires attendent davantage de synergies entre pratiques agricoles et prévention du risque incendie.
Entre autres, les parlementaires attendent davantage de synergies entre pratiques agricoles et prévention du risque incendie.
En huit axes et 70 propositions, les sénateurs de la mission d’information sur « la prévention des mégafeux et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque d’incendie » donnent au gouvernement quelques conseils pour que la forêt française reste attractive et qu’elle soit surtout préservée des feux qui la rongent.
Selon les estimations des deux commissions sénatoriales, la multiplication du risque incendie est réelle : « En 2050, près de 50 % des landes et forêt métropolitaines pourraient être concernées par un risque incendie élevé, contre un tiers en 2010. Ils craignent aussi le développement d’incendies de végétation ou de terres agricoles : feux de friches, de récoltes et de chaumes, y compris dans les espaces péri-urbains.
L’agriculture, « ligne Maginot » contre les feux
Les six élus de droite et du centre qui ont planché sur ce rapport attendent également un renforcement des synergies entre pratiques agricoles et prévention du risque incendie. Il s’agit pour eux de « restaurer le rôle de pare-feu des activités agricoles et pastorales ». Les activités pastorales et agricoles, créant des discontinuités de végétation, jouent le rôle de pare-feu protégeant la forêt. « Cette “ligne Maginot” de la gestion doit pouvoir bénéficier des fonds européens et être exemptée d’indemnité de défrichement », soulignent les sénateurs.
Des services environnementaux à financer
Les sénateurs veulent financer les agriculteurs pour les services environnementaux rendus « par une pérennisation des contrats d’entretien de « coupures de combustible ». Ils suggèrent d’étendre ces contrats à d’autres productions agricoles (ex. viticulture), pour autant que ces productions soient peu conductrices de l’incendie ». En concertation avec les organisations de producteurs, les deux commissions veulent mobiliser des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) de la PAC pour cofinancer ce mode agricole ou pastoral de prévention.
Décaler les travaux des champs la nuit
Elles souhaitent aussi donner la possibilité pour le préfet de prescrire la réalisation des travaux agricoles (en particulier moissons) la nuit en cas de risque « très sévère » et compenser le cas échéant les agriculteurs pour les coûts induits (hausse de charges, récolte détériorée).
Moins de 30% du débroussaillement réalisé par les propriétaires
Plus largement, les parlementaires du Palais du Luxembourg préconisent d’élaborer une stratégie nationale et territoriale en désignant un référent « feux de forêts » dans les trois ministères concernés : Agriculture, Transition écologique et Aménagement du territoire. De même suggèrent-ils, au titre de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), d’identifier au sein du secteur de l’Utilisation des terres, et du changement d’affectation des terres et foresterie (UTCATF), les émissions de gaz à effet de serre associées aux incendies de forêt et les pertes de capacités d’absorption associées. Le sénat entend surtout « améliorer l’application des obligations légales de débroussaillement ». Ils constatent en effet que cette obligation légale, pour environ trois millions de propriétaires privés, est trop peu appliquée : « souvent moins de 30% ». Déplorant l'insuffisance des moyens aériens pour lutter contre les feux de forêt, les deux commissions réclament une augmentation des fonds annuels alloués aux services départementaux d'incendie et de secours. Ils demandent au gouvernement de revoir sa copie sur la suppression de 500 postes prévue d’ici 2025 à l’Office national des forêts (ONF).
Les sénateurs veulent aboutir à une une proposition de loi "qui pourrait être déposée dès la rentrée », indique Sophie Primas (LR, Yvelines), présidente de la commission des Affaires économiques. Depuis le début de l’année 2022, ce sont quelque 45 000 hectares qui sont partis en fumée. Le record reste l'été 1976 avec 80 000 ha, suivi de près par 2003 (70 000 ha).