Le confinement impacte la provenance des viandes consommées
La France est en « guerre sanitaire » et le « confinement » a un impact sur l’alimentation des Français avec le retour forcé du « fait maison » et une restauration hors foyer à la peine. Un scénario a priori favorable à une « renationalisation » de la consommation de viande bovine.
La France est en « guerre sanitaire » et le « confinement » a un impact sur l’alimentation des Français avec le retour forcé du « fait maison » et une restauration hors foyer à la peine. Un scénario a priori favorable à une « renationalisation » de la consommation de viande bovine.
« Nous sommes en guerre… sanitaire », déclarait Emmanuel Macron dans son allocution du 16 mars dernier, juste avant que ne soit annoncée la décision de suspendre les déplacements de tous les Français à leur strict minimum dès le lendemain midi. Depuis l’arrivée du Covid-19 dans l’Hexagone, ce « confinement » à domicile associé à la fermeture de tous les restaurants, cantines et autres cafétérias a forcément un impact important sur la façon dont les Français se nourrissent. Dès le 17 mars, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation ont adressé un courrier d’encouragement et de reconnaissance aux professionnels de la chaîne alimentaire. « La sécurisation du processus de fabrication et d’approvisionnement des denrées alimentaires est un enjeu crucial et stratégique. La santé et l’alimentation sont les deux principales préoccupations de nos concitoyens, soulignent les deux ministres. Il est indispensable que la chaîne alimentaire perdure pour soutenir l’effort de la communauté nationale. En retour, l’État sera à vos côtés pour traverser cette période difficile. » De son côté, l’Association nationale des industries alimentaires a assuré que « les acteurs de l’alimentation unis souhaitent rassurer les consommateurs français en les assurant qu’ils mettront tout en œuvre pour leur permettre de continuer à s’approvisionner normalement sur tout le territoire » et de souligner également que : « cet épisode montre à quel point la souveraineté alimentaire de notre pays est d’importance majeure pour la sécurité de nos concitoyens ».
Scénario a priori favorable pour la viande française
Pour le secteur de la viande bovine, la fermeture des cantines et restaurants en France et dans la plupart des autres pays européens modifie considérablement la donne. « La consommation en restauration hors domicile va littéralement chuter et se reporter pour les semaines à venir quasi exclusivement à la maison, ce qui modifiera les circuits d’approvisionnement puisqu’on ne consomme pas la même viande en RHD et au domicile, explique l’Institut de l’élevage dans sa lettre mensuelle de conjoncture du 17 mars. La viande nationale est plutôt privilégiée dans les achats des ménages, dans les supermarchés et en boucherie. À l’inverse, en restauration, dans les cantines, on consomme principalement de la viande importée d’autres États membres. » Même s’il était impossible de quantifier ce phénomène à l’heure où ces lignes étaient écrites (le 18 mars), cela aura forcément un impact conséquent sur le commerce intra-européen. « Une baisse des flux de viande bovine est à attendre entre les États membres, même si le transport des animaux vivants ne subit à l’heure actuelle aucune restriction réglementaire, le secteur alimentaire étant considéré comme primordial. »
En 2017, 24 % de la viande bovine consommée en France l’avait été dans les différents circuits de la restauration hors domicile. Depuis la semaine 12, l’essentiel de la consommation repose désormais sur les achats dans les autres circuits (grande distribution, boucheries, plats préparés, vente directe). Il en est de même en Italie depuis le 9 mars dernier. Et ce qui est vrai en France et en Italie tend également à se retrouver dans plusieurs autres pays européens.
Pas de concours de bêtes de boucherie
Classiquement organisés quinze jours à trois semaines avant Pâques qui a lieu cette année le 12 avril, l’arrivée du coronavirus a été une véritable douche froide pour tous les concours d’animaux de boucherie. Les uns après les autres, les organisateurs n’ont eu pas d’autres recours que de les annuler ou parfois d’annoncer leur hypothétique report en fin de printemps. La déception est forcément importante pour tous les éleveurs et engraisseurs participant à ces manifestations hautes en couleurs pour lesquelles l’engraissement des animaux est planifié des mois à l’avance. À côté de l’espoir d’obtenir un prix de vente nettement plus attractif comparativement à une vente en ferme, l’annulation de la plupart de ces concours se traduit également par la suppression d’un bon moment de convivialité entre éleveurs et professionnels de la viande et du bétail. Certains organisateurs ont néanmoins cherché à faciliter le commerce pour les éleveurs qui avaient inscrit des animaux. Le comité des concours de Montluçon a par exemple décidé d’offrir pour chaque animal engagé, une plaque sur laquelle sera indiqué : « Montluçon 2020, animal sélectionné, prix de présentation ».
La situation est également compliquée pour les différentes ventes de jeunes taureaux évalués en centre d’évaluation. Celles concernant la race Charolaise ont pu avoir lieu avant la période de confinement. Pour d’autres, comme pour la Gasconne, un système de vente en ligne a été organisé de façon à pallier cette impossibilité de regroupement de personnes physiques en un même lieu.
La France dans la récession
Autant de péripéties pouvant paraître sommes toutes assez secondaires et donc à relativiser dans le contexte anxiogène du moment, à l’heure où se posent désormais des interrogations majeures sur le devenir de la situation économique du pays. « Le Covid-19 va plonger la France dans la récession en 2020 ", expliquait déjà Bruno Le Maire le lendemain de l’annonce du confinement des Français. Et d’annoncer dans la foulée que le gouvernement tablait désormais sur un recul du produit intérieur brut (PIB) de 1 % (contre + 1,3 % estimé avant la crise).
"Déléguer notre alimentation est une folie"
La crise liée au coronavirus aura-t-elle permis de rappeler que l’autonomie alimentaire d’une nation est une donnée précieuse qu’il est bon de faire perdurer, surtout dans un pays comme la France où on a la chance d’avoir un climat et des sols globalement favorables qui permettent de mener à bien la quasi-totalité des productions, qu’elles soient végétales ou animales. Dans son allocution du 12 mars largement focalisée sur les mesures à prendre face à l’arrivée massive du coronavirus dans notre pays, Emmanuel Macron avait d’ailleurs évoqué cette problématique indirectement posée par cette pandémie. « Il nous faudra demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour. » Le président de la République a rappelé certaines évidences en matière d’indépendance alimentaire. « Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner notre cadre de vie au fond à d’autres est une folie. » Et Emmanuel Macron d’indiquer qu’il en tirerait certaines conclusions pour les décisions à prendre dans un proche avenir. Même si les accords de libre-échange portant sur des biens alimentaires n’ont pas été nommément cités, le président de la République les a malgré tout évoqués en filigranes. « Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture en ce sens. Je les assumerai. »