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Le château viticole Pontet-Canet fait rimer biodynamie et autonomie

Le château Pontet-Canet, à Pauillac en Gironde, est en biodynamie et essaie de fonctionner au maximum en autonomie. Reportage.

Le château Pontet-Canet dispose d'un vaste réseau de géothermie, courant sous les allées des parcelles de vigne.
Le château Pontet-Canet dispose d'un vaste réseau de géothermie, courant sous les allées des parcelles de vigne.
© C. de Nadaillac

En plein cœur du Médoc, le château Pontet-Canet fait figure d’exception. Ce grand cru classé est passé en biodynamie en 2004. Non pour des raisons philosophiques, mais comme une étape sur le chemin de la qualité et de l’expression la plus fidèle du terroir. Et il ne s’arrête pas là : il a pour but d’être à 100 % autonome et de limiter la surconsommation.

Composts, tisanes, nourriture pour les chevaux de trait ; un maximum d’intrants sont produits sur place.

De même, de nombreux outils sont autoconstruits sur la propriété. Et aucun remplacement de matériel n’est effectué, tant qu’il donne satisfaction, à l’instar du pressoir pneumatique qui a une bonne trentaine d’années au compteur, ou des vieux enjambeurs Loiseau à transmission mécanique. Une expérience édifiante à l’heure où nous entrons dans une économie de pénurie, conjuguée à une crise énergétique.

Une tisanerie pour davantage de réactivité

L’un des points clés de cette autonomie concerne les traitements. « La campagne phyto 2018 a été très compliquée, rapporte Violaine Figon, responsable des visites. Nous avons eu une grosse attaque de mildiou. Nous avons donc réfléchi à comment améliorer cette opération. La tisanerie est née de cette réflexion. » Conçu durant l’hiver 2020-2021, ce lieu regroupe en effet tout ce qui sert à la fabrication des préparations biodynamiques.

 

 
En cette journée d'octobre, le séchoir est rempli de prêle.
En cette journée d'octobre, le séchoir est rempli de prêle. © C. de Nadaillac
La pièce du fond est consacrée aux plantes. On y trouve un séchoir, occupé par de la prêle le jour de notre reportage. Puis toutes les plantes nécessaires aux diverses préparations biodynamiques sont rangées dans de grandes armoires ventilées, pour éviter toute moisissure.

 

 

 
Camomille, prêle, bourdaine, ortie, osier, pissenlit, valériane ou encore saule se disputent la faveur des claies.
Camomille, prêle, bourdaine, ortie, osier, pissenlit, valériane ou encore saule se disputent la faveur des claies. © C. de Nadaillac
Toutes sont sourcées autour de la propriété ou cultivées dans le potager conçu à cet effet. Camomille, prêle, bourdaine, ortie, osier, pissenlit, valériane ou encore saule se disputent la faveur des claies.

 

L’eau des tisanes et des préparations provient d’un puits

La pièce attenante est quant à elle dédiée à l’eau. Puisée dans un puits, cette eau passe dans une triple vasque vive en pierre afin d’être oxygénée. Elle est ensuite stockée dans une cuve. L’équipe ne retouche pas le pH, « qui n’est pas trop basique, assure Mathieu Bessonnet, directeur technique du château. Et de toute façon, le cahier des charges de Demeter interdit toute intervention sur le pH, à part des ajouts de vinaigre bio ou de citron bio, ce qui n’est pas simple. »

 

 
Une triple vasque vive en pierre crée un vortex qui oxygène l'eau du puits dédiée aux traitements.
Une triple vasque vive en pierre crée un vortex qui oxygène l'eau du puits dédiée aux traitements. © C. de Nadaillac
L’eau est ensuite dirigée dans les deux grosses « bouilloires » de 200 litres, où sont également disposées les herbes nécessaires à la préparation du jour. Selon le type d’infusion souhaitée (tisane, décoction, infusion à froid), 12 à 20 heures de macération sont nécessaires.

 

 

 
La préparation séjourne dans des dynamiseurs en béton munis de pâles.
La préparation séjourne dans des dynamiseurs en béton munis de pâles. © C. de Nadaillac
À l’issue de cette opération, les débris solides sont évacués dans le compost et la tisane est envoyée à l’étage, dans des cuves tampons puis dans des dynamiseurs en béton munis de pales, créant un vortex. « La tisane y reste entre 20 minutes et une heure », décrit la responsable des visites.

 

 

 
Une fois que la préparation est prête, les équipes de traitement n’ont plus qu’à se positionner devant la porte de la tisanerie, d’où sort un conduit.
Une fois que la préparation est prête, les équipes de traitement n’ont plus qu’à se positionner devant la porte de la tisanerie, d’où sort un conduit. © C. de Nadaillac
Une fois que la préparation est prête, les équipes de traitement n’ont plus qu’à se positionner devant la porte de la tisanerie, d’où sort un conduit. Cette formule donne toute satisfaction aux équipes.  « Avant cela, il nous fallait 16 heures pour traiter toute la propriété, indique Mathieu Bessonnet. Depuis, il ne nous faut plus que 11 heures. »

 

Que l’opération soit la plus simple possible

Par ailleurs, l’équipe ne touche plus les produits, « ce qui limite les risques », souligne le directeur technique. Le remplissage du pulvérisateur est très rapide. Les volumes de fins de parcelles sont plus faciles à réaliser. « La tisanerie permet d’être plus efficace et plus réactif, analyse Mathieu Bessonnet. C’est un confort. » En 2020 et 2021, il a en effet fallu faire entre vingt et vingt-cinq traitements. « Il faut donc que l’opération soit la plus simple possible », martèle-t-il.

Un réseau géothermique de 67 puits

Un autre pan de l’autonomie du domaine réside dans son installation de géothermie. Rendu opérationnel en 2018, ce système permet de réguler la température tant des bureaux que du château, des chais et des cuves sur une plage de 8 à 45 °C. L’installation est constituée de 67 puits, plongeant à 100 mètres de profondeur. Selon les besoins, ils refroidissent ou réchauffent l’eau du circuit, qui sillonne le sol sous les allées des parcelles.

« Durant les vinifications 2022, nous avons rentré du raisin entre 25 et 30 °C, illustre Mathieu Bessonnet. Grâce à la géothermie, nous avons pu le baisser à 17 °C pour démarrer les fermentations de manière sereine. » Si les économies sont difficilement quantifiables, divers travaux ayant été entrepris en même temps, cette installation a permis au château de se délester de son système de chauffage au fioul, et d’ainsi économiser des milliers de litres de fioul chaque année.

Le château ne compte d’ailleurs pas s’arrêter en si bonne voie sur la route de l’autonomie. L’équipe se penche notamment sur l’installation de panneaux photovoltaïques. Affaire à suivre.

Un chai peu énergivore

Dans la même lignée, le chai se veut le moins énergivore possible. Bâti en 2017, et visant à réduire les ondes électromagnétiques pour limiter les perturbations du vin, il n’est même pas muni de prises. L’éclairage est constitué de leds à basse consommation et la thermorégulation tant du local que des cuves (via des drapeaux) provient de l’installation de géothermie du château.

Des tables de tri et d’égrappage manuelles

La vendange s’effectue manuellement. Les cagettes de 7 kilos sont apportées au chai et montées à l’étage via un élévateur. Les raisins sont alors triés sur une table, et égrappés ; le tout manuellement. La table d’égrappage, sorte de grosse grille métallique autoconstruite sur le domaine, étant mobile, elle est disposée au-dessus d’une cuve tronconique en béton ou en bois, dans laquelle les baies tombent par gravité.

La fermentation alcoolique peut alors s’enclencher. L’équipe réalise quelques pigeages manuels. Si un remontage s’avère nécessaire, il est effectué au moyen d’une pompe pneumatique, fabriquée sur le domaine.

 

 
Le chai de 2017 fonctionne avec le minimum d'électricité possible. Il ne dispose d'aucune prise, mais est éclairé par des leds.
Le chai de 2017 fonctionne avec le minimum d'électricité possible. Il ne dispose d'aucune prise, mais est éclairé par des leds. © C. de Nadaillac
Le vin est ensuite écoulé et le marc pressé dans un pressoir pneumatique, le compresseur étant disposé dans un autre corps de bâtiment pour limiter les nuisances sonores. Le vin intègre alors des cuves béton en forme d’amphores, fabriquées par un artisan local et respectant le nombre d’or. À la fin des malos, direction l’élevage à 65 % sous bois dans des barriques de chauffe moyenne (50 % de bois neuf, 15 % de barriques d’un vin) et à 35 % dans des amphores, ou dolias, afin d’apporter de la fraîcheur et du fruit.

 

repères

Château Pontet-Canet

Surface 81 hectares

Encépagement cabernet sauvignon, merlot, cabernet franc et petit verdot

Densité de plantation 10000 pieds par hectare

Dénomination AOP pauillac, grand cru classé

Type de sol sable et graves

Nombre de salariés environ 50

Production annuelle environ 2500 hl

Circuit de commercialisation place bordelaise

voir plus loin

Sus aux vers de la grappe

« Historiquement, nous avions des problèmes de vers de la grappe sur le domaine, annonce le directeur technique. Nous n’avions jamais pratiqué la confusion sexuelle, mais nous traitions au Bt. » En 2018, l’équipe décide de tester les trichogrammes. Avec succès. « Mais nous avons voulu savoir si nous avions moins de problèmes grâce aux trichogrammes ou si c’était dû à d’autres pratiques », poursuit Mathieu Bessonnet.

Un prédateur naturel inattendu

Le château décide de faire appel à un entomologiste pour en avoir le cœur net. Et là, surprise. Si le chercheur a bien mis en évidence que la première génération de vers est parasitée, ce n’est pas par les trichogrammes mais par Campoplex capitator, un petit hyménoptère parasitoïde d’eudémis et cochylis. Les lâchers plus tardifs de trichogrammes ont également une bonne efficacité, tout comme la prédation par des oiseaux, des chauves-souris, etc. « Le problème est donc maîtrisable », se réjouit le directeur technique.

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