Veaux de boucherie : quels impacts techniques et économiques d’un accès à l’extérieur ?
Face aux attentes sociétales, l’Institut de l’élevage travaille sur de nouveaux bâtiments permettant l’accès à l’extérieur des veaux de boucherie. Les essais ne montrent pas encore un interêt ni technique, ni économique à cette conduite.
« Des enquêtes auprès de consommateurs, d’organisations non gouvernementales et d’élèves en agriculture ont montré qu’une attente essentielle pour l’élevage de veaux de boucherie est d’avoir un bâtiment ouvert, avec si possible accès à l’extérieur, et un couchage sur litière, rapporte Didier Bastien, directeur du Cirveau, le centre d’innovation et de recherche sur le veau. Des études sur des bâtiments avec accès à l’extérieur sont donc nécessaires pour répondre aux attentes sociétales et anticiper d’éventuelles évolutions réglementaires, tout en garantissant la rentabilité et l’attractivité du métier d’éleveur de veaux de boucherie. »
Dans le cadre du programme Renouveau, des essais ont été menés avec des veaux mâles prim’Holstein sur trois conduites d’élevage : la conduite « témoin » de référence, en bâtiment fermé ventilé, sur plancher bois ajouré, avec alimentation au seau ; une conduite « courette », en bâtiment avec accès à une courette extérieure ouverte 24 h/24, zone de couchage sur sciure et alimentation au DAL ; et une conduite « igloo », en « plein air » en igloo sur paille ou sciure, avec aire d’exercice couverte et alimentation au seau. Les comparaisons ont été répétées trois fois dans différentes conditions climatiques.
Des carcasses plus légères en cas d’accès à l’extérieur des veaux de boucherie
Les essais montrent que les veaux sortent quand ils ont accès à l’extérieur et qu’ils se déplacent davantage. Le temps passé dehors est de 29 % dans la conduite courette et 88 % dans la conduite igloo. Le nombre de pas par jour est de 1 208 en conduite igloo et 774 en courette, contre 293 pour la conduite témoin. Il y a peu d’écart sur les temps de couchage et de rumination et pas d’impact significatif sur la santé des veaux.
Leur propreté est par contre affectée. « Sur litière, les veaux se salissent davantage, constate Didier Bastien. En courette, nous avons dû ajouter de la paille sur la sciure en finition pour assurer une propreté satisfaisante des veaux avant l’abattage. En igloo, la quantité de paille nécessaire a atteint 554 kilos par veau. »
Les performances zootechniques sont également moins bonnes. Les carcasses sont plus légères (134 kg en conduite courette et 142 kg pour le lot igloo, contre 145 kg pour le témoin).
L’état d’engraissement est détérioré (49 % de carcasses classées 3 en conduite courette, 81 % pour le témoin, 85 % pour le lot igloo). « L’impact sur les performances en conduite avec courette est lié à la distribution du lait au DAL, qui a engendré de la concurrence entre veaux lors de la finition », nuance Didier Bastien.
Surtout, les conduites avec accès à l’extérieur impactent la couleur des carcasses, un point important en veau de boucherie. Alors que dans la conduite témoin, il n’y a que 10 % de carcasses colorées, ce taux atteint 39 % dans le lot courette et 74 % dans le lot igloo. « Cela tient essentiellement au fait que les veaux ingèrent de la paille de litière qui contient du fer, notamment si elle est souillée, précise Didier Bastien. Son remplacement par de la sciure, qui en contient beaucoup moins et est peu ingérée, a permis de limiter à 30 % le taux de carcasses colorées. »
Une marge sur coût alimentaire négative en cas d’accès à l’extérieur des veaux de boucherie
Côté rentabilité, dans ces essais, le résultat économique est pénalisé par le prix de vente, du fait de la couleur de la viande et du poids carcasse. La marge sur coût alimentaire, médicaments et veau nourrisson, de 45 euros pour le témoin, est négative pour les conduites avec accès à l’extérieur : - 28 euros pour le lot courette, -123 euros pour le lot igloo sur paille, -50 euros pour le lot igloo sur sciure.
« Ces essais sont une première approche des conduites de veaux de boucherie avec accès extérieur, analyse Didier Bastien. Des optimisations sont possibles en limitant la consommation de litière, en optimisant la consommation de lait et en limitant les stéréotypies. » Les essais vont se poursuivre sur le nouveau site du Cirveau, à Mauron dans le Morbihan, qui dispose d’un bâtiment sur litière, ouvert et avec courettes extérieures bétonnées (Open’Bat), d’un bâtiment sur plancher ajouré bois ouvert avec courette (Indi’Bat) et d’une plateforme pour les igloos.
100 à 200 euros de plus par place pour aménager une courette
L’aménagement de courettes dans les bâtiments existants n’est pas possible dans la majorité des cas. Les premières approches indiquent aussi que la création d’une courette augmente le prix de la place de 100 à 200 €.
Au Cirveau, dans l’Open’Bat (bâtiment ouvert avec courettes extérieures bétonnées), le prix de la place atteint 1 800 € clé en main, du fait de l’isolation en toiture, de la courette béton, de l’espace nécessaire au stockage de la paille et de la fumière. L’utilisation pour l’élevage de veaux de boucherie d’igloos servant par ailleurs à l’élevage des génisses est également possible pour de petits ateliers, à raison de 10 veaux pour un module prévu pour 14 génisses.
Repères
Un point révélé par les essais est l’importance de l’exposition pour une ouverture du bâtiment ou la création d’une courette. « Dans l’ouest de la France, où les vents et les pluies viennent surtout de l’ouest, une exposition sud - sud-est est à privilégier pour réchauffer le bâtiment, éviter que la pluie entre et abriter du vent, que les veaux n’aiment pas », précise Didier Bastien.