Elevage laitier
Une exploitation bretonne où les agriculteurs concilient travail, revenu et environnement
Elevage laitier
Des charges comprimées, une très bonne efficacité économique, une modernisation de bâtiments réussie. L´EARL les Tilleuls en Ille-et-Vilaine tient le bon cap !
Etre comme Equilibre, Travail Revenu et Environnement. Telle est la dénomination du réseau de fermes de références de Bretagne mais aussi la philosophie qui prévaut à l´EARL les Tilleuls à Pocé-les-Bois en Ille-et-Vilaine. Côté organisation du travail, Laurent et Laurence Langouët font le maximum pour concilier leur vie professionnelle et privée.
Depuis quatre ans, les associés ne travaillent pas un dimanche soir sur deux. Ils se sont organisés avec un voisin. « Le dimanche où nous travaillons, Laurence trait nos vaches et moi je vais traire celles du voisin. » Sur l´élevage, la traite des vaches commence tôt le matin (6 h 45) et finit tôt le soir. « Je suis rentrée à la maison à 18 h 30 pour m´occuper de nos enfants », souligne Laurence.
En outre, pour alléger le travail dominical, en hiver, la ration du dimanche est distribuée le samedi.
Les éleveurs prennent une dizaine de jours de vacances par an. « C´est vital pour nous », affirme Laurent sous le regard approbateur de son épouse. Le couple part généralement au mois de juin, à une époque où le vacher de remplacement n´a pas besoin de distribuer des aliments. Le silo est généralement fermé du 1er mai à la fin du mois de juin ou début juillet. « Il est certain qu´en se faisant remplacer par un salarié, nous doublons le coût de nos vacances, mais c´est un poste de charge comme un autre et nous faisons des économies ailleurs. »
Des propos que les résultats économiques confirment
très largement. « Des charges opérationnelles à 28 % du
produit brut et des charges de structures très faibles, ce n´est pas nouveau ici, commente Michel Grasset, le responsable du réseau de fermes de références d´Ille-et-Vilaine. Le coût alimentaire (43,60 euros) pour des vaches avec un tel niveau de production est très bon. »
©F. Mechekour |
De la luzerne brins longs à 134 euros/tonne
La ration hivernale est assez classique mais avec un fourrage de qualité. Elle se compose d´ensilage de maïs, d´ensilage d´herbe (3 kg de MS) complétés avec 2,5 kg de tourteau de soja, 50 g d´urée et un CMV (150 g de carbonate et 150 g de 6-22-5 enrichi en vitamine E). Les vaches produisant plus de 28 kg de lait reçoivent un concentré de production (2/3 de céréales produites sur l´exploitation et 1/3 de soja) avec un maximum de 2 kg/vache/j. « L´année dernière, à cause de la sécheresse mais aussi pour éviter de retomber sur les problèmes d´acidose connus en 2002, nous avons compensé l´insuffisance de stocks en ensilage d´herbe par l´achat de luzerne brin longs (134 euros/tonne). » La luzerne a été distribuée à partir du 15 décembre à raison de 3 kg/vl/j. Elle a donné entière satisfaction, à deux limites près. « Ce n´est pas facile à manipuler et cela fait beaucoup de poussière. »
Toujours pour éviter les problèmes d´acidose, l´ensilage de maïs (45 % de MS) a été haché plus grossièrement (11 mm) que d´habitude (7 mm en 2001 et 9 mm en 2002). Laurent justifie cette stratégie ainsi : « La ration est mélangée avec une dessileuse recycleuse. Et j´ai remarqué que pendant le mélange le maïs était encore broyé. Il n´y avait donc plus assez de fibres. » Avec un ensilage broyé plus grossièrement et un mélange pas trop vigoureux, la ration n´a pas nécessité un apport complémentaire de fibres avec de la paille. Aucun problème d´acidose ne s´est manifesté. Et, cerise sur le gâteau, les résultats en termes de production et de conservation de l´ensilage ont agréablement surpris. « Nous avions deux tracteurs pour tasser correctement. Et il n´y a eu qu´un peu de pertes sur les côtés. »
Selon Michel Grasset, la bonne surprise avec de tels ensilages de maïs a été assez générale dans le département. Ceci étant, l´augmentation de la part du maïs dans la ration par rapport à 2003, à cause de la sécheresse, s´est traduite par une hausse des concentrés consommés par vache (812 kg, dont 532 kg de soja, contre 694 kg au total en 2002) pour un niveau de production comparable.
L´éleveur attache également beaucoup d´importance à la qualité ds prairies temporaires. « Avant, nous utilisions un mélange à base de RGA tétraploïde et de trèfle blanc moyennement agressif. Mais le RGA a disparu dans les endroits pâturés un peu trop longtemps et dans des conditions assez humides. » Désormais le mélange se compose de 15 kg de RGA diploïde, 4 à 5 kg de RGA tétraploïde et 3 à 4 kg de trèfle blanc. Pour intensifier le système, les prairies temporaires sont retournées tous les 4 ou 5 ans. « La valeur des prairies est optimale et le blé ou le maïs répondent bien derrière ce type de prairies. »
Le pâturage est organisé en paddocks de 0,80 à 0,90 ha. « Les vaches ne restent que deux jours dans la parcelle. » A l´exception de l´année dernière, à cause de la sécheresse, 4 à 5 hectares de prairies temporaires sont ensilées. Deux hectares de foin sont réalisés sur les prairies naturelles. « Je fauche à la fin mai ou début juin de façon à obtenir une repousse en juillet pour prolonger le pâturage. » L´intensification du système fourrager avec la culture de RGI en dérobée n´a pas été retenue dans l´élevage. « Si je l´ensile, je risque de pénaliser la culture de maïs en retardant la date de semis. On pourrait faire pâturer le RGI, mais il faudrait installer des clôtures partout. Je préfère donc jouer sur la rotation RGA-maïs-blé (ou maïs). »
©F. Mechekour |
Un investissement global de 126 300 euros
Pour améliorer leurs conditions de travail et les performances économiques de leur exploitation, les associés ont profité des travaux de mises aux normes pour construire une nouvelle stabulation. La capacité de logement de l´ancienne stabulation libre à aire paillée était insuffisante (5 m 2 de couchage/vache). Le bâtiment était profond (11 m) et pas très long (20 m). « Nous avons eu beaucoup de problèmes de mammites et nous passions beaucoup de temps à traire à cause de cela. C´était une situation stressante », commente Laurence.
Le 25 novembre 2002, les vaches ont commencé à se familiariser avec les logettes paillées (56 places). « Depuis, elles sont plus propres et les cas de mammites sont plus rares. Nous ne dépassons pas les 150 000 cellules. Cela ne nous était jamais arrivé auparavant », se félicitent les éleveurs.
La modernisation de la stabulation et les tubulaires ont coûté 70 500 euros. La mise aux normes a représenté un investissement de 23 000 euros pour la fumière de 270 m2, 10 500 euros pour la fosse sur géomembrane (600 m3), 13 800 euros pour deux silos et 8500 euros pour l´installation de deux pompes pour récupérer les eaux souillées. Soit un investissement global de 126 300 euros sur douze ans. Montant dont il faut déduire 44 000 euros d´aides versées dans le cadre de la signature d´un CTE et de la mise aux normes.
« Cet investissement sur douze ans représente des annuités de 6655 euros pour le bâtiment et de 1263 euros pour la fosse et la fumière. Le coût nourrie-logée sera donc de 115 euros pour les années à venir au lieu de 93 euros actuellement. L´objectif étant de 100 euros/1000 litres de lait. Lorsque l´on sait que la moyenne départementale est à 156 euros, ici la maîtrise des coûts est assurée », commente Michel Grasset.
Sans sombrer dans un excès de morosité, Laurent et Laurence sont malgré tout assez inquiets. D´autant qu´une simulation sur les répercussions économiques de la nouvelle Pac montre que, malgré les aides, le revenu diminuerait à partir de 8 % de baisse du prix du lait. « Nous ne voyons pas comment nous pourrions baisser davantage le niveau de nos charges opérationnelles. Avec un tel niveau de production et la part de maïs dans la ration, nous pouvons difficilement descendre en dessous de 400 kg de soja par vache. », estiment les éleveurs avant d´ajouter : « Nous considérons que nous avons fait beaucoup d´efforts, et que désormais nos prestataires de service devront nous accompagner pour nous aider à assumer les conséquences de la réforme de la Pac. »