Comment la production fourragère serait-elle impactée ?
Alice Berchoux - La pousse de l’herbe démarrerait plus tôt. Une première coupe au 5 mai deviendrait possible, mais les fortes chaleurs estivales en ralentiraient fortement la croissance jusqu’à menacer la fauche de regain. En pâture, il faudrait passer la surface de 50 à 80 ares par vache au 1er juin et complémenter durant l’été. On pourrait envisager un pâturage d’automne et peut-être une coupe supplémentaire. La période d’hivernage devrait diminuer. En maïs ensilage, un été chaud et sec est de nature à dégrader la valeur énergétique et induire une baisse de 20 à 25 % du rendement. Il passerait de 11-12 t/ha à 9-10 t/ha. Les cultures dérobées sont un plus, mais il difficile de les intégrer systématiquement dans le bilan fourrager car il y a des années où elles ne lèvent pas.
Et quelles en seraient les conséquences sur les exploitations ?
A. B. - L’étude applique ces évolutions climatiques à quatre élevages types : l’un en bio tout herbe, deux en système maïs-herbe avec et sans vaches allaitantes, le dernier en maïs toute l’année et taurillons. Les hypothèses retenues avec une sévère sécheresse estivale et à stock constant conduisent toutes à une baisse de l’EBE, chiffrée à plusieurs milliers d’euros et résultant d’une baisse de la productivité fourragère. Les pertes sont potentiellement importantes alors que les systèmes fourragers ont pourtant été adaptés. Mais les constats dressés sont réalistes.
Comment réagir ?
A. B. - Dans tous les cas, l’achat d’aliment est la solution à court terme qui coûte le plus à l’élevage car les prix sur ce marché sont d’autant plus volatils que la disponibilité en marchandise est limitée. À moyen terme, on peut augmenter les surfaces en herbe ou en maïs au détriment des cultures de vente et diminuer le renouvellement. Sur le long terme, l’éleveur peut envisager de réduire son atelier viande, d’implanter davantage d’herbe, de la betterave fourragère ou du méteil, voire du sorgho, moins gourmand en eau et qui s’en sort mieux les années sèches. Quel que soit son choix, l’éleveur doit retrouver de l’autonomie fourragère par augmentation de surface ou réduction du nombre d’animaux. Apporter l’azote sur prairie de manière ciblée permettra une mise à l’herbe précoce qui supportera un chargement élevé au démarrage ou une fauche précoce. Il ne faudra pas oublier de valoriser l’herbe d’automne qui, contrairement à ce que l’on pense, a de la valeur !
Anticiper peut-il être une réponse ?
A. B. - Pour faire face aux aléas, il vaut mieux implanter chaque année plus de maïs ensilage que nécessaire. Si la saison est bonne, on peut récolter le trop plein en grains. L’éleveur prévoyant essaiera de se donner une bonne assise fourragère en tournant avec un stock de report de trois à quatre mois. Dans certains secteurs en Lorraine, 2017 a offert cette possibilité d’anticiper des années déficitaires comme 2018 et 2019. L’adaptation des exploitations aux aléas climatiques réclamera aussi un ajustement de l’utilisation de l’EBE, notamment une politique d’investissement cohérente avec les besoins de l’exploitation dans le but de maintenir le niveau des prélèvements privés.
Les hypothèses d'évolution climatique de l'étude
Elles sont basées sur des observations réelles, comme la hausse de 1,5 °C depuis 1964 de la température moyenne annuelle à Nancy, la diminution du nombre de jours de gel et l’augmentation du nombre de jours à plus de 25 °C. La pluviométrie est relativement stable mais beaucoup plus fluctuante d’une année à l’autre. Cette tendance devrait se confirmer. Cela signifie qu’en 2040-2100 la date moyenne de mise à l’herbe pourrait avoir avancé de quinze jours et que le maïs pourrait subir davantage le stress hydrique estival.