Comment réagir face à une hausse brutale des taux de cellules
Voici la démarche mise en place dans un élevage d’une soixantaine de vaches pour comprendre et stopper la dynamique d’infection. Un troupeau dont la situation cellulaire s’était rapidement dégradée malgré des conditions d’élevage correctes.
Voici la démarche mise en place dans un élevage d’une soixantaine de vaches pour comprendre et stopper la dynamique d’infection. Un troupeau dont la situation cellulaire s’était rapidement dégradée malgré des conditions d’élevage correctes.
Les bactéries responsables des mammites sont communément classées en deux catégories. D'une part, les bactéries dites environnementales (Streptococcus uberis, Escherichia coli), abondantes sur la litière et plus généralement dans le milieu où vivent les vaches. Les contaminations se réalisent alors entre les traites. D'autre part, les bactéries dites de traite (Streptococcus agalactiae, Staphylococcus aureus), vivant sur la peau des trayons ou à l’intérieur des quartiers infectés. C’est dans cette catégorie que l’on rencontre les germes contagieux qui profitent de la traite pour se répandre dans le troupeau. L’exemple suivant, dans un élevage d’une soixantaine de vaches en traite robotisée, montre pourtant que cette différenciation n’est pas toujours très pertinente.
Une situation préoccupante
Dans cet élevage, les concentrations cellulaires de tank se sont rapidement dégradées, ceci malgré un nombre de vaches infectées et écartées du tank toujours plus grand (tableau 1). Au dernier contrôle, près de la moitié des vaches (21 sur 43) présentaient des concentrations cellulaires supérieures à 200 000 cellules par millilitre. L’incidence des mammites cliniques y est importante : plus de 25 % par an. Et les vaches présentant des concentrations cellulaires élevées le font souvent suite à un épisode clinique mais aussi parfois de façon spontanée. Les vaches sont propres et on peut noter un bon niveau de propreté des logettes et des parcours.
La situation est préoccupante et nécessite une investigation approfondie. Identifier les germes responsables des infections mammaires a plus d’un intérêt. Leur nature permet souvent de suspecter l’origine des contaminations, donc là où il va falloir agir pour stopper les contaminations. C’est un préalable indispensable à toute tentative de traitement en lactation. C’est aussi une information précieuse dans le choix de l’antibiotique utilisé au tarissement pour traiter les vaches infectées.
Un test CMT sur les vaches à problème
La première étape est de sélectionner les vaches qui feront l’objet de prélèvements aseptiques de lait pour des examens bactériologiques. Cette sélection se fait à partir de l’historique des concentrations cellulaires (CCS) mensuelles. L’étape suivante est de pratiquer un test CMT (test rapide et qualitatif de détection d’élévation des concentrations cellulaires) sur chacune de ces vaches. Il permet d’identifier les quartiers infectés qui feront l’objet de la recherche bactériologique. C'est l'occasion aussi de vérifier l’état de la peau des trayons et des sphincters. Dans plus de 90 % des cas, une atteinte de ceux-ci est liée à un défaut de technique de traite ou de réglage de la machine à traire. Dans le cas présent, sphincters et peaux des trayons sont en bon état.
Des analyses bactério sur les quartiers infectés
Les caractéristiques des vaches prélevées et le résultat des analyses sont regroupés dans le tableau 2. Cinq agents pathogènes ont été isolés, deux plutôt d’origine mammaire (Staphylococcus aureus et Streptococcus dysgalactiae) et deux plutôt d’origine environnementale (Streptococcus uberis et Escherichia coli), les staphylocoques à coagulase négative n’ayant pas de caractéristique propre. Une bactérie, Streptococcus uberis, est retrouvée sur 8 des 10 vaches qui ont fait l’objet d’un prélèvement.
Une même souche de streptocoque uberis
Des antibiogrammes, pour déterminer la sensibilité des germes présents à différents antibiotiques, sont réalisés. Les résultats sont à extrapoler avec précaution, ce qui se passant dans une boîte de Petri en laboratoire n’ayant souvent pas grand-chose à voir avec ce qui se passe dans une mamelle. Mais ils permettent d’avoir une idée de la variabilité des souches d’une même espèce identifiées dans un élevage. Dans cet élevage, les résultats des antibiogrammes (tableau 3) permettent de constater que 6 vaches sur 8 sont probablement infectées par la même souche de Streptococcus uberis.
Une transmission par les manchons trayeurs
Streptococcus uberis domine donc largement dans cet élevage. C’est un germe d’environnement mais dont certaines souches peuvent s’avérer contagieuses. Cette contagion se réalise à la traite au robot. Dans cet élevage, elle ne peut s’opérer que par les manchons trayeurs, les brossettes étant régulièrement désinfectées entre chaque vache (d’où l’importance de bien approvisionner les réservoirs de désinfectant).
Trois autres types de germe ont été identifiés, Staphylococcus aureus, Streptococcus dysgalactiae, germes vivant sur la peau des trayons ou à l’intérieur des quartiers infectés et Escherichia coli, germe d’environnement. Il est à noter que le profil d’antibiogramme des deux souches identifiées de Staphylococcus aureus est le même, ce qui n’exclut pas la réalité d’une souche là aussi contagieuse. Il serait étonnant d’avoir deux souches contagieuses (une de streptocoque et une de staphylocoque) circulant dans le même élevage, mais ce n’est pas impossible.
Les mesures mises en place
Deux mesures ont été appliquées immédiatement : la désinfection systématique des manchons trayeurs après la traite de chaque vache, et le traitement en lactation des vaches à bon pronostic de guérison, c’est-à-dire celles avec pas plus de deux quartiers infectés.
Pour les autres vaches infectées, l’option a été de les traiter au tarissement avec les antibiotiques les plus adaptés. Pour celles qui étaient infectées depuis plus d’une lactation, la réforme (dès que possible) a été décidée, ces vaches pouvant être classées comme incurable. Celles à staphylocoques ont été réformées.
À retenir
À partir du moment où la même souche de streptocoque uberis est identifiée dans la mamelle de plusieurs vaches d'un élevage, la contagion se réalise obligatoirement à la traite : par les mains des trayeurs, une lavette collective, un système de nettoyage non désinfecté entre les vaches, ou les manchons trayeurs.
Cinq enseignements
1 - Les analyses bactériologiques, et à un degré moindre les antibiogrammes, sont des outils précieux pour choisir un traitement, mais aussi pour comprendre les dynamiques d’infection dans un élevage.
2 - L’origine apparente d’un germe n’est pas toujours vérifiée.
3 - Une situation peut rapidement se détériorer malgré des conditions d’élevage correctes.
4 - Il faut tolérer le moins possible de vaches chroniquement infectées dans un troupeau, celles-ci pouvant servir de niches de contamination pour les autres.
5 - La lutte contre les mammites impose une vigilance de tous les instants.