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Quel fourrage pour les vaches laitières face au changement climatique ?

Avec le changement climatique, difficile de prévoir toutes les évolutions à venir concernant le fourrage. Une chose est sûre, la production fourragère va être impactée. Pour y faire face, les éleveurs de vaches laitières disposent de leviers d'assolement et de leviers de pratiques. S'il n'existe pas de solutions miracles, l'adaptation au changement climatique passera par la capacité de chaque éleveur à se constituer sa boîte à outils sur les fourrages, selon des experts du Grand Ouest de la France.

Vaches laitières devant leur ration de fourrage
Récolté en ensilage ou enrubannage, le sorgho pourrait remplacer le maïs dans les rations des vaches laitières.
© Franck Mechekour

 

Les prairies multi espèces 

Résistance et capacité de pousse du fourrage en été et en hiver

Les prairies multi espèces répondent à l'adaptation au changement climatique par rapport à deux points en particulier : la capacité de pousse de l’herbe dans des périodes chaudes ou froides et la résistance. Ainsi, on peut avoir des prairies multi espèces qui démarrent plus tôt que des ray-grass anglais / trèfle blanc et donc potentiellement faire pâturer les vaches laitières ou faucher plus tôt.

Le fourrage multi espèces, un avantage pour les deux saisons

Demain, la pousse de l'herbe va avoir une cassure assez importante l'été à cause du changement climatique, et potentiellement une pousse intéressante à l’automne et l’hiver« Avec des prairies multi espèces qui démarrent tôt pour optimiser la productivité au printemps, on peut aussi choisir des espèces qui ont des capacités de pousse plus importantes en période estivale », souligne Benoît Possémé, conseiller spécialisé fourrage à la Chambre d'agriculture de Bretagne. 

Lire aussi : Quatre questions pour bien choisir les espèces et variétés prairiales

Quelles espèces choisir dans les prairies multi espèces ?

Fétuque élevée ou dactyle

Dans la majorité des cas, on va aller chercher une des deux grandes graminées résistantes au sec : fétuque élevée ou dactyle « avec une nette préférence pour le fétuque élevée, qui va permettre plus facilement aux autres espèces de se maintenir dans le mélange ».

Ray-Grass

On gardera également en graminée une espèce comme le ray-grass anglais, qui s'implante assez vite, même si il ne sera pas là l'été, il sera utile sur d'autres périodes.

Trèfles blanc, luzerne et trèfle violet

Pour les légumineuses, le trèfle blanc reste souvent un incontournable. La  deuxième légumineuse qui va correspondre aux objectifs de l'éleveur : soit luzerne ou trèfle violet.

Les inconvénients du pâturage de luzerne et du trèfle violet

Le frein de la luzerne va être lié à l'hydromorphie des sols, ce qui l'empêche d'être implantée partout. Même si le pâturage de luzerne se développe, ce n'est pas non plus la légumineuse la plus adaptée au pâturage notamment à cause du risque de météorisation. Quant au trèfle violet, son inconvénient réside dans sa durée de vie, surtout si on raisonne ses prairies sur 4 ou 5 ans.

Voir tous nos articles sur les prairies

Sécuriser son stock fourrager avec les prairies multi espèces

Avec les prairies multi espèces, si les conditions sont sèches, impossible d'empêcher la baisse de production fourragère  l'été, mais le creux sera réduit nettement. « On gagne 15 jours de pousse de plus avant que le sec ne soit vraiment pénalisant et la pousse peut démarrer 15 jours plus tôt en automne si il y a des averses fin août, donc on gagne quasiment un mois de pousse supplémentaire par rapport à des prairies d'association », ajoute Benoît Possémé.

Sans compter qu'au-delà des aléas climatiques, en prairie multi espèces, on est à 30% de productivité en plus en moyenne par rapport à des prairies d'associations. C'est donc une façon de sécuriser ses stocks. Reste à avoir des mélanges et des jeux de dosage adaptés en fonction de son exploitation, de son sol...

Voir tous nos articles sur le fourrage 

Les intercultures estivales

Des essais en Bretagne pour des intercultures plantées en mai

Pour pallier la baisse de fourrage, des essais sont menés depuis trois ans sur l'ensemble de la Bretagne notamment, sur des plateformes chez des éleveurs avec différentes modalités. « Les éleveurs de vaches laitières ont besoin de fourrage disponible dès juillet, donc on s'est dit pourquoi ne pas planter des intercultures plus tôt (15 mai), et faire souffler les prairies qui commencent à peiner à cette période là », explique Stéphane Boulent, conseiller fourrage et bio à la Chambre d'agriculture de Bretagne.

Trois ans d’étude pour un fourrage disponible l’été

Pendant trois ans, six modalités  (RGI et trèfle d’Alexandrie; RGI et colza; teff grass et trèfle d’Alexandrie; chicorée et trèfle d’Alexandrie, avoine 2n et trèfle d’Alexandrie; chicorée, avoine 2n et trèfle d’Alexandrie) ont été testées avec les mêmes protocoles sur différentes fermes. Et le résultat est plutôt encourageant avec deux récoltes réalisées en moins de 100 jours : une première 55 jours après, sur la première quinzaine de juillet et une deuxième dans la dernière quinzaine d'août. « Ca répond donc à l'objectif d'avoir un fourrage disponible sur l'été et qui est autour de 3,5 - 3,8 tMSpar hectare »

Résultat pour l’avoine et le colza

On retiendra que l’avoine et le colza présentent des croissances rapides mais sont peu pérennes. 

Résultat pour le RGI, le Trèfle d’Alexandrie, le Teff grass et la Chicorée

Le RGI et le Trèfle Alexandrie supportent moins les fortes températures. Le Teff grass et la Chicorée résistent mieux aux conditions séchantes. Il convient aussi d'avoir une vigilance sur la souplesse d’exploitation au pâturage et la gestion des épis (Avoine et Teff grass).

Avoine et Teff gras sont donc à utiliser plutôt pour de la fauche et ensilage alors que la Chicorée ou le Colza fourrager sont plus faciles sur le pâturage. A chacun de choisir ses intercultures en fonction de ses problématiques donc, mais pour Stéphane Boulent, « on gagne sur tous les tableaux avec un coût en moyenne de 50 euros par tonne de matière sèche par hectare pour deux cycles de production ».

On retiendra que l’avoine et le colza présentent des croissances rapides mais sont peu pérennes. 

Lire aussi : « Sans irrigation, la diversité fourragère nous sauve »

Prairies semées sous couvert de céréales

Protéger les prairies de la sécheresse d’automne

Le changement climatique, c'est aussi des risques accrus de sécheresse d'automne, alors que les prairies sont traditionnellement semées fin août, début septembre. 

Le couvert de mélange céréalier au mois d’octobre

La station expérimentale de la Chambre d'agriculture des Pays de la Loire à Thorigné d'Anjou (49) a une vraie expertise sur les prairies semées sous couvert. En semant des prairies multi espèces sous couvert de mélange céréalier au mois d'octobre, ce dernier sert de protection à la jeune prairie. Le mélange céréalier assurera un stock fourrager au printemps, alors que la prairie démarrera un peu plus tard. Ensuite la prairie prend le relais plus on moins vite en fonction de l'endroit et du climat.

Globalement les qualités d'implantation des prairies constatées sont assez bonnes et s'accompagnent d'un volume non négligeable de fourrage. En cas d'hiver pluvieux, la céréale va aussi pouvoir absorber l'humidité. Enfin, le couvert hivernal sera plus marqué, ce qui va davantage limiter le lessivage des sols.

Lire aussi : Faites une bonne première coupe grâce au semis de prairies sous couvert

Le Sorgho, un bon fourrage alternatif  au maïs ?

Un fourrage très digestible

En conditions sèches, le sorgho présente une alternative au maïs grâce à ses capacités de résistance aux fortes chaleurs et sa moindre sensibilité au stress hydrique. Sa teneur énergétique est similaire au maïs mais il est moins riche en amidon, en faisant un fourrage très digestible et pouvant remplacer une partie du maïs dans la ration. 

Des variétés de sorgho pâturables sous conditions 

Récolté en ensilage ou enrubannage, le sorgho s’incorpore dans les rations selon les besoins des différents types d’animaux. 

Les variétés multi-coupes peuvent aussi être récoltées en vert et distribuées, ou encore être pâturées. « Dans ce cas, il faut attendre que la plante atteigne 60-70 cm de hauteur. En-deçà, la plante contient de la dhurrine qui, en se dégradant dans le rumen, produit de l’acide cyanhydrique, toxique pour les animaux », prévient l'Idèle.

Lire aussi : Pâturage d'été : « Le sorgho multicoupe est un bon fourrage en cas de déficit hydrique »

Valoriser la pousse de l'herbe en automne et le pâturage hivernal

Des essais sur le pâturage hivernal à Trévarez (Bretagne)

Dans les perspectives de changement climatique, les pousses hivernales vont sans doute être plus soutenues, avec de l'herbe à exploiter en fin d'automne, début d'hiver et en fin d'hiver. La station expérimentale de la Chambre d'agriculture de Bretagne, à Trévarez, mène des essais sur le pâturage hivernal sur un lot de génisses et un lot de vaches laitières.

Des essais de fourrage concluants sur des génisses

« Pour les génisses, on obtient des niveaux de croissance comparable à ce qui se passait en bâtiment, donc c'est plutôt encourageant », constate Benoît Possémé. Et d'ajouter : « les génisses sont dehors une bonne partie de l'hiver avec une ration quasiment 100% herbe. On regarde la quantité d'herbe valorisée et l'impact sur la prairie ». Et à ce sujet, les essais n'ont pas mis en évidence de dégradations.

Lire aussi : Avec le pâturage hivernal, les croissances des génisses sont au rendez-vous

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