Pâturage d'été : « Le sorgho multicoupe est un bon fourrage en cas de déficit hydrique »
Situé en conditions climatiques séchantes en Isère, le Gaec Le Mas d’Illins a fait depuis quatre ans le choix du sorgho fourrager multicoupe pour maintenir le pâturage en été. Retour d'expérience.
Situé en conditions climatiques séchantes en Isère, le Gaec Le Mas d’Illins a fait depuis quatre ans le choix du sorgho fourrager multicoupe pour maintenir le pâturage en été. Retour d'expérience.
Depuis quatre ans, le Gaec le Mas d’Illins a recours au sorgho fourrager multicoupe pour compléter la production estivale de pâturage ou d’affouragement en vert. Situé à Luzinay, en Isère, à 300 mètres d’altitude, le Gaec exploite 150 hectares non irrigués et 100 vaches laitières pour 700 000 litres de lait livrés et 30 000 litres vendus en direct. Placée à l’entrée nord de la vallée du Rhône, l’exploitation est soumise aux vents du nord et du sud qui accentuent l’évapotranspiration.
« En moyenne, nous recevons 750 mm par an, indique Jérôme Laval, en Gaec avec sa femme Laurence avec deux salariés à plein temps. Mais de juin à septembre, malgré parfois quelques pluies orageuses, les déficits hydriques sont récurrents. Produire du maïs dans ces conditions, sur des sols battants et sensibles à l’érosion, devenait très aléatoire. » S’y ajoutait la concurrence de pointes de travail entre la récolte de l’herbe et le semis du maïs.
L’implantation est une phase capitale
Lors du passage en bio en 2016, le Gaec choisit donc de renforcer le pâturage, d’arrêter le maïs et de développer l’herbe en vue de l’autonomie protéique. « Et face aux déficits hydriques, nous avons cherché une culture qui pousse en été, détaille Jérôme Laval. Nous avons choisi le sorgho fourrager multicoupe, plus efficace que les espèces prairiales résistantes à la sécheresse comme le dactyle ou la fétuque. Le sorgho a par ailleurs l’avantage d’utiliser la même chaîne de mécanisation que l’herbe et n’implique donc pas d’investir dans du matériel. C’est une bonne tête de rotation. Il a la même appétence que l’herbe jeune. Et comme il est assez agressif, il ne nécessite pas de désherbage mécanique. » En complément, le sorgho permettant d’assurer le pâturage estival, les éleveurs ont choisi d’orienter les prairies temporaires vers la production d’herbe de printemps (ray-grass et trèfles).
Les 150 hectares se répartissent aujourd’hui entre 35 hectares de méteil grain, 15 hectares de prairies permanentes, 50 hectares de prairies temporaires pâturées et 50 hectares de prairies temporaires fauchées. 10 hectares de sorgho répartis sur une dizaine de parcelles sont implantés chaque année, en rotation en général avec quatre ans de prairies pâturées. « Nous pouvons aussi introduire un sorgho dans les 85 hectares de rotations sur cinq ans incluant trois ans de prairies temporaires puis deux ans de méteil, précise Jérôme Laval. Si la récolte d’herbe est trop faible fin mai, nous pouvons semer un sorgho la troisième année de prairie temporaire. »
Garder la fraîcheur du sol
Les variétés utilisées sont Jalisco, hybride sudan x sudan, BMR, et Piper, variété non hybride sudan grass. L’implantation, qui a lieu fin mai ou début juin, après exploitation de la prairie, est une phase capitale. « Il est essentiel de garder la fraîcheur du sol pour favoriser une levée rapide, en ouvrant le sol le moins possible et le moins longtemps possible, insiste Jérôme Laval. Au départ, nous faisions un labour. Aujourd’hui, nous ne faisons plus qu’un déchaumage superficiel. Le sorgho démarre bien malgré les résidus de prairie en surface. Et par la suite, les températures étant alors peu favorables au ray-grass et aux trèfles, ceux-ci repartent très peu et sont gérés par les vaches. Il n’y a pas non plus de problème de taupins derrière ces prairies. »
L’objectif est que la destruction de la prairie et le semis se fassent en moins de douze heures. La destruction est faite à l’aide d’outils à disques ou à dents pour détruire le feutre de la prairie. Le semis est ensuite réalisé à la herse rotative avec un semoir à céréales classique, à la dose de 25 kg/ha, et suivi d’un roulage. La seule fertilisation est un apport de 20 t/ha de fumier ou lisier réalisé en général dans l’hiver sur la prairie précédente. Le rendement varie selon les précipitations et la chaleur. « Un intérêt du sorgho est qu’il valorise bien des pluies ponctuelles, note Jérôme Laval. Nous avons obtenu 5 tMS/ha en 2017 et 6,2 tMS/ha en 2019. En 2018, suite à un labour sur une parcelle déjà très sèche, le sorgho n’a pas réussi à démarrer et le rendement n’a été que de 2,5 tMS/ha. De même en 2020, il n’a été que de 2,5 tMS/ha suite à un déficit hydrique prononcé pendant tout l’été. »
Un coût de production très correct
Au final, le sorgho représente 30 à 50 % de la ration fourragère des vaches laitières en juillet et août, et au total près de 550 kg de matière sèche par vache par an, soit 10 % de la ration annuelle. Malgré la variabilité des rendements, le coût de production s’avère intéressant. La charge est de 131 €/ha pour les semences et 189 €/ha pour la mécanisation (lisier, labour, supprimé en 2020, reprises), soit un coût de 53 €/tMS pour 6 tMS/ha et 106 €/tMS pour 3 tMS/ha, auxquels s’ajoute la main-d’œuvre évaluée à 5 heures par hectare. « Un coût de 53 €/tMS est très intéressant, conclut Jérôme Laval. Seule l’herbe pâturée est moins chère. Et même 106 €/tMS reste très correct. Le sorgho permet de plus de maintenir le pâturage en cas de déficit hydrique et de préserver les stocks pour l’hiver. »
Une évolution à l’avenir pourrait porter sur les variétés. « Notre choix va sans doute s’orienter plutôt vers Piper, beaucoup moins coûteuse que Jalisco. Peut-être parce que nous exploitons le sorgho à des stades très jeunes, nous ne voyons pas de différence entre les deux variétés. Ce qui fait vraiment la différence, c’est la maîtrise de la croissance et de l’utilisation du sorgho. Piper a aussi des pieds plus fins et est donc plus adaptée au pâturage. Et elle peut être exploitée plus tôt sans être toxique. »