Que penser des variétés de maïs riches en huile ?
Des éleveurs recourent à des variétés de maïs sélectionnées pour leur richesse en huile. La réponse est variable.
Depuis quelques années, des variétés de maïs riches en huile sont disponibles sur le marché. Sur le papier, l’idée apparaît séduisante pour améliorer la concentration énergétique des rations des laitières. Souvent les rations se montrent excédentaires en amidon au risque de provoquer des déviations fermentaires dans le rumen, préjudiciables à la santé des animaux et aux performances zootechniques. D’où l’intérêt de chercher à diversifier la ressource énergétique en apportant un maïs plus riche en matière grasse.
Ces maïs riches en huile (RH) sont le fruit d’un travail de sélection génétique du semencier Panam depuis une vingtaine d’années. Au niveau agronomique, les premiers hybrides ne parvenaient pas à rivaliser avec les variétés conventionnelles. Aujourd’hui, le rendement des variétés RH et leur comportement au champ ont progressé, même s’ils se situent en deçà des références.
La teneur en huile des grains est deux fois plus élevée
Le semencier annonce une teneur en huile des grains entre 6 et 7 %, soit près du double de celle des variétés de maïs conventionnelles, et entre 10 et 12 % pour les variétés RH+. « Ceci est lié au volume du germe dans le grain, explique Frédéric Poujaud de Panam. L’huile est contenue dans le germe et ce dernier se montre visiblement plus volumineux dans les variétés RH. En contre-partie, les grains de ces maïs contiennent moins d’amidon. La concentration est inférieure de 3,5 points en moyenne. » D’un côté, ces maïs ramènent donc plus d’énergie avec une teneur en huile plus élevée dans les grains, mais de l’autre, ils apportent moins d’amidon.
La réponse des vaches nourries avec de tels maïs n'est pas systématique. « Selon les élevages et les régimes, ces maïs sont valorisés différemment », souligne Frédéric Poujaud. Selon le semencier, « ils peuvent tantôt améliorer la production laitière si l’énergie se révélait le facteur limitant de la ration, ou se montrer bénéfiques sur les taux, l’état corporel (moins de pertes d’état en début de lactation), ou l’état sanitaire (moins d’acidoses). »
Sur le terrain, certains éleveurs et techniciens émettent des réserves pour deux raisons. La première tient à une sensibilité aux maladies du feuillage, notamment au charbon. Et la seconde à une réponse en lait plutôt décevante. D'après leurs observations (sur quatre élevages), ils estiment qu'elle serait entre 1 à 3 litres de moins par vache et par jour. Sur ces élevages, les analyses de l’ensilage révèlent une moindre digestibilité de la cellulose.
Deux freins liés à la sensibilité au champ et à la valorisation des fibres
Par ailleurs, un essai avec les maïs RH a été conduit à la ferme expérimentale des Trinottières, avec la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire et l’Institut de l’élevage en 2012. L’expérimentation a duré neuf semaines et a porté sur deux lots de 20 vaches : l’un nourri avec des variétés de maïs conventionnel, l’autre avec des variétés de maïs RH. Les rations se composaient de 15,5 kg MS de maïs ensilage, 2 kg d’enrubannage de luzerne, 1,5 kg de tourteau de soja et 3,6 kg de colza, plus du sel et CMV. La teneur en matières grasses de la ration RH s’est limitée à 4 % de la matière sèche totale, car au-delà de 5 %, le fonctionnement du rumen se voit perturbé. Même si cet essai a manqué de puissance statistique, il donne quelques tendances. Les performances laitières des deux lots sont restées proches, avec 0,9 kg de lait par vache et par jour en moins pour le lot RH, qui a tout de même produit en moyenne 34,1 kg de lait/VL/jour. Le TB et le TP ont baissé de plus de 1,5 point avec l’utilisation des maïs riches en huile. La baisse du TB était attendue ; l’enrichissement en matières grasses des rations conduit à une réduction du TB. La baisse du TP indique une moins bonne valorisation de l’énergie de la ration. L’étude n’a pas mis en évidence de différences significatives sur le poids vif et l’état d’engraissement. « Dans cet essai, il semble que la teneur en huile du maïs distribué au lot RH n’a en fait pas permis de compenser le déficit en amidon qu’affichait la ration », commente Benoît Rouillé de l’Institut de l’élevage.
Vérifier la teneur en MG¶
Jusqu’à présent, il est difficile de cerner comment sont réellement valorisés ces maïs. Si vous en semez quelques hectares, mieux vaut les stocker dans un silo à part pour juger de l’effet. Si la récolte se voit mélangée à celle des variétés classiques, il sera difficile de faire la part des choses. Dernier conseil : vérifier la teneur en matière grasse de l’ensilage récolté en plante entière.