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Prix du lait
Pour Emmanuel Bert, chef communication à l´Onilait, la baisse des restitutions est programmée

Emmanuel Bert, chef communication à l´Onilait, explique les objectifs des restitutions et l´orientation libérale prise par la Commission européenne.


Quel lien y a t-il entre les restitutions et l´intervention ?
Emmanuel Bert - La restitution est un soutien à l´exportation, qui vise à rendre les produits communautaires concurrentiels sur le marché mondial. Elle varie en fonction de l´état du marché et de la parité euro/dollar, et se calcule en faisant la différence entre le prix mondial et le prix intérieur européen. Ce dernier est soutenu par différents mécanismes, dont l´intervention. On comprend alors que quand le prix d´intervention diminue, le prix européen s´oriente à la baisse si le marché n´est pas porteur (comme en ce moment) ; et la restitution peut alors être réduite à son tour.

Comment sont décidées les hausses et baisses de restitutions ?
E. B. - L´ajustement des restitutions ne se fait pas automatiquement, mais sur proposition de la Commission, habituellement au cours d´un comité de gestion où se réunissent toutes les deux semaines les Etats membres (le Ministère de l´Agriculture assisté par l´Onilait pour la France) et la Commission européenne.
La Commission est force de proposition et les pays émettent leurs avis.
On dispose de références, mais les prix mondiaux et européens ne sont pas clairement définis ; il n´y a pas de bourse comme pour les céréales.
Chacun peut donc faire ses propres calculs. La proposition de la Commission est soumise au vote à la majorité qualifiée. Pour qu´un texte soit refusé, il faut 62 voix contre, sur 87.
En pratique ce cas de figure ne se présente jamais notamment car, quand il s´agit de baisser les restitutions, les pays libéraux votent quasi systématiquement pour.
©P. Le Douarin


Quel effet a une baisse des restitutions ?
E. B. - Tout dépend du contexte, de la situation des marchés. Si le marché mondial est porteur, il y a de la demande et une baisse des restitutions peut se traduire par une progression des cours mondiaux. Par conséquent, tant que les acheteurs sur le marché mondial ne sont pas découragés par des prix trop élevés, les produits s´écoulent et ça se passe bien.
Mais si la Commission baisse les restitutions en raison des contraintes de l´OMC et qu´à ce moment-là le marché mondial est déprimé, alors les produits ne sont pas exportés et ils engorgent le marché intérieur, faisant pression sur les prix. C´est ce qui s´est passé à l´automne 2002 avec la baisse des restitutions sur les poudres de lait.

Pourquoi la Commission est-elle plus prompte à faire baisser la restitution qu´à l´augmenter ?
E. B. - La décision de baisser la restitution est, la plupart du temps, prise dans l´urgence, pour respecter les contraintes de l´OMC ou pour enrayer une hausse trop importante des prix. Il ne faut pas perdre de vue que la gestion de la Commission vise à maintenir les prix le plus près possible des prix de soutien(1), pour des raisons budgétaires. Par conséquent, « des prix au niveau de l´intervention » répondent à l´objectif de gestion de la Commission.
Pour décider d´une hausse, c´est beaucoup plus long. Il faut préparer des analyses de marché, et comme il y a des pays contre, il faut argumenter, défendre sa thèse, faire pression au niveau de la Commission. On voit bien que la difficulté à décider d´une hausse des restitutions est liée au processus même de décision.

Pourquoi la Commission veut-elle faire baisser les prix ?
E. B. - Environ 10 % du lait européen est exporté avec des restitutions. Sans ces aides, il ne le pourrait pas. Actuellement, un pourcent est peut-être exporté sans restitution. L´UE est dépendante de ces restitutions, tout en ayant des contingents à respecter dans le cadre des accords de Marrakech. La Commission veut faire baisser le prix européen pour le rapprocher du cours mondial et ainsi pouvoir exporter avec moins ou sans restitution. En baissant les prix, elle pourrait plus facilement satisfaire les exigences de l´OMC qui veut supprimer à terme les subventions à l´exportation.

Est-il possible de baisser les restitutions tout en maintenant un marché intérieur soutenu ?
E. B. - Le seul moyen d´y parvenir serait d´ajuster le niveau des quotas au marché. Mais, politiquement, cette idée passe mal.
La réforme de la Pac prévoit une hausse des quotas. La Commission justifie cette décision en disant que les prix baissant, la consommation augmentera. L´équation ne nous semble pas si simple. En effet, le coût des emballages, du marketing, de la publicité représente une part non négligeable du prix des produits transformés.
Quelle conséquence réelle aura donc une baisse du prix du lait sur le prix à la consommation ? En termes d´équilibre de marché, tout dépendra de l´évolution de la consommation dans une Europe élargie, notamment de la consommation de fromages.

Que peut-on reprocher à la Commission ?
E. B. - Les stocks de beurre et poudre augmentent, alors que le marché est assez morose. Il n´y a donc pas de perspective pour déstocker. Or le stockage coûte cher. On peut donc se dire que la Commission a manqué de clairvoyance, notamment à l´automne dernier en baissant trop brutalement les restitutions. Elle a alors cassé la dynamique à l´exportation. Finalement, les contingents OMC pour 2002/2003 n´ont pas été totalement remplis et les produits non exportés sont allés dans les stocks d´intervention.
Dans le futur, la baisse des prix d´intervention prévue par la réforme de la Pac, interviendra alors que le marché n´est pas porteur. En plus, des quotas supplémentaires sont prévus. Il y aura donc une pression sur les prix européens. Et très certainement alors, la Commission baissera les restitutions.

(1) Pour le beurre et la poudre de lait écrémé, des prix d´intervention sont définis. Le prix indicatif est celui qui est censé être payé au producteur de lait. Aujourd´hui, il est d´environ 0,30 euros/l.


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Cet article est extrait du dossier de Réussir Lait Elevage du mois de Juillet-Août 2003 : «  Crise des produits industriels, Pac, OMC : éviter une baisse brutale du prix du lait  ». (RLE nº161, 20 pages)
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