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Passer le cap du traitement sélectif au tarissement

Une démarche pédagogique innovante pour mettre en place le traitement sélectif au tarissement est proposée par la chaire AEI. Objectif : convaincre de son intérêt et prévenir les nouvelles infections.

Aujourd’hui, quatre vaches sur dix ont au moins un quartier infecté au moment du tarissement. Avec six vaches sur dix saines, la situation actuelle ne justifie plus la mise en place d’un traitement antibiotique systématique au tarissement : le traitement sélectif est recommandé. Une étude réalisée en 2015 montre que l’absence d’antibiotiques n’induit pas plus de nouvelles infections pendant la période sèche. Les résultats économiques peuvent même être améliorés lorsque le traitement sélectif est associé à des pratiques préventives. Et pourtant la majorité des vaches sont encore traitées le jour du tarissement avec un antibiotique.

Comment mettre en place le traitement sélectif au tarissement dans les élevages, de façon sécurisée sans dégrader les résultats des élevages? C’est la demande qui a été faite par trois coopératives de l’Ouest (Agrial, Eureden et Terrena) à la chaire AEI(1).  

Identifier les freins au traitement sélectif

Il a fallu pour cela commencer par identifier et comprendre les freins des éleveurs sur cette pratique. La plus grande crainte identifiée est la dégradation sanitaire du troupeau. « Je ne veux pas changer de pratique au risque d’avoir plus de mammites dans mon élevage », explique l’un des quatre éleveurs rencontrés lors du projet. Cette crainte est associée aux pertes économiques que représentent les mammites : entre le coût des traitements et le lait non valorisé, le coût moyen d’une mammite est estimé à 250 euros.

Une grille d'évaluation du risque troupeau

La seconde étape a consisté à bien identifier les situations à risque pour sécuriser l’éleveur dans sa décision de traiter ou de ne pas traiter. Les avis de 33 experts ont été recueillis pour déterminer les facteurs de risques et le poids de chacun d’eux. Ceci a permis d’établir une grille d’évaluation du risque troupeau à partir de dix-neuf facteurs de risques.

   La démarche pédagogique proposée est une interaction entre l’éleveur et son conseiller

L’objectif de la démarche est double : améliorer les pratiques d’élevage et sélectionner un traitement pour chaque vache le jour du tarissement. Mais la démarche pour y parvenir permet avant tout à l’éleveur d’être convaincu de l’intérêt de la pratique, et de comprendre que le traitement sélectif n’est pas à l’origine des mammites.

« Après avoir discuté du traitement sélectif avec son conseiller, l’éleveur observe la dynamique des infections de ses vaches taries quelques mois auparavant, explique Nathalie Bareille, enseignante-chercheuse à Oniris. Il identifie alors les nouvelles infections et les guérisons ayant eu lieu pendant la période sèche. Cela lui permet de se rendre compte que des nouvelles infections sont survenues même avec l’usage d’antibiotiques. L’opération sera répétée après la mise en place du traitement sélectif pour vérifier que le traitement sélectif permet d’observer un bilan sanitaire similaire, voir amélioré. »

Une démarche de prévention des mammites

Le conseiller identifie ensuite les bonnes pratiques de prévention des mammites sur l’exploitation et celles pouvant être améliorées. Et il réalise un bilan de son audit avec l’éleveur. « Pratiquer le traitement sélectif, c’est aussi s’inscrire dans une démarche de prévention des mammites, explique un vétérinaire enquêté. En améliorant la prévention des mammites, on améliore indirectement les résultats économiques. »

Un diagnostic des mammites par l'éleveur

Ce n’est qu’après ce bilan que l’éleveur diagnostique les mammites des vaches à tarir et sélectionne un traitement. Il n’est pas laissé seul durant la suite de la démarche. Le conseiller revient à la reprise de la lactation des vaches traitées sélectivement pour refaire un bilan (étapes 2 à 4 dans le graphique).

La mise en place du traitement sélectif est progressive. « On commence avec 4-5 vaches peu sensibles aux mammites, avant d’élargir petit à petit la pratique au troupeau, détaille un vétérinaire enquêté pendant le projet. On limite ainsi la prise de risques vis-à-vis des nouvelles infections et on rassure l’éleveur. »

Un document éleveur et une grille conseiller

La démarche repose sur deux supports complémentaires : un document destiné à l’éleveur et une grille destinée au conseiller.

° Le document est mis à la disposition de l’éleveur par son conseiller. Il lui permet de diagnostiquer les mammites le jour du tarissement à partir de deux critères et de sélectionner un traitement en conséquence. Le message est clair : antibiotiques pour guérir, obturateurs pour prévenir.  

Le document comporte aussi un tableau pour observer la dynamique des infections du troupeau pendant la période sèche. Des fiches pédagogiques rappelant les bonnes pratiques à suivre pour administrer un traitement ont aussi été rédigées en complément.

° Pour le conseiller, une grille permet d’identifier les bonnes pratiques de prévention des mammites sur l’élevage et celles pouvant être améliorées. Un niveau de risque est estimé, pour les pratiques pouvant être améliorées à l’échelle de l’exploitation mais aussi des vaches. Il dispose aussi d’une fiche de synthèse sur la démarche. Elle permet de dresser un plan d’action pour l’accompagnement durant toute la mise en œuvre du traitement sélectif.

Un outil pour les trois coopératives

L’outil (documents supports) est aujourd’hui destiné à être utilisé uniquement par les éleveurs adhérant aux trois coopératives du Grand Ouest. Mais « la démarche est publique, puisqu’elle a été présentée au Space en visioconférence et des rapports à son sujet sont accessibles sur internet (www.chaire-aei.fr). Elle peut être adaptée par d’autres acteurs de la filière laitière », précise Nathalie Bareille. L’outil a été conçu pour être adapté à une diversité de systèmes, par exemple aux systèmes laitiers de montagne.    

étudiants jeunes diplômés respectivement ingénieur agronome et vétérinaire, encadrés par Nathalie Bareille (Oniris) et Vanessa Lollivier (l'Institut Agro).
(1) Chaire partenariale pour l’enseignement et la recherche associant l’Institut Agro, Oniris, l’Esa, l'Inrae et les trois coopératives Agrial, Terrena et Eureden.

Avis d'expert : Cyril Urlande, vétérinaire conseil à Eureden

« Des indicateurs vont être créés »

 

 
Cyril Urlande, vétérinaire Eureden.  © Eureden
Cyril Urlande, vétérinaire Eureden. © Eureden

 

« Les services proposés vont s’améliorer avec le temps grâce à l’exploitation des données recueillies dans les élevages adhérents. Des indicateurs vont être créés. L’éleveur va pouvoir observer à terme l’évolution de ses performances sanitaires, et les comparer au groupe d’éleveurs mettant en place le traitement sélectif. Ces indicateurs auront la même utilité que les indicateurs TB ou TP par exemple. La collecte des données permettra par ailleurs d’identifier avec certitude les changements de pratiques ayant réduit les risques de nouvelles infections. »

À savoir

° Le traitement sélectif consiste à administrer des antibiotiques uniquement aux vaches ayant une infection mammaire le jour du tarissement.
° En fonction de l’état sanitaire des vaches, le traitement au moment du tarissement peut être un antibiotique, un obturateur, les deux couplés, voire aucun traitement.
° L’obturateur sert à limiter les nouvelles infections dans les situations à risques.

Le traitement sélectif n’est pas à l’origine des mammites

Une vache peut ne pas présenter de mammite au moment du tarissement, et en avoir une à la reprise de la lactation. Ces nouvelles infections pendant la période sèche ne sont pas dues à l’absence d’antibiotiques au moment du tarissement. Elles sont liées à des pratiques mal maîtrisées ou à des caractéristiques des vaches. Celles produisant plus de 20 kg de lait par jour au moment du tarissement ont plus de risques d’avoir de nouvelles infections que celles produisant moins de 15 kg. Mais ce sont les conditions de logement qui sont les plus importantes sources de nouvelles infections en élevage. Par exemple, dans un système en aire paillée, une litière humide ou trop chaude favorise le développement des bactéries.

 

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