« Nous sommes encore motivés par le lait cru, mais… »

Matthieu Coignart, un des trois associés du Gaec du Champ Faubert, en Haute-Marne, en AOP brie de Meaux.
« Notre prix du lait de base en AOP brie de Meaux(1) s’est fait rattraper par le prix conventionnel en avril : une première ! Cette situation ne nous motivait plus à faire la qualité nécessaire pour du lait cru. Pour éviter que des éleveurs jettent l’éponge, Sodiaal a mis en place une prime conjoncturelle pour les producteurs en AOP à partir d’avril, mais qui marque à peine un écart entre le prix de base AOP et le prix conventionnel.
Nous avons calculé, avec nos volumes A et B, que nous aurions touché 12 €/1 000 l de plus en système conventionnel par rapport à l’AOP sur les quatre premiers mois de l’année. Le prix B augmentant encore de près de 60 € entre avril et mai, cette différence s’accentue.
Si notre raisonnement n’était que financier, nous nous poserions la question de repasser en conventionnel. Mais nous sommes motivés par le travail en lait cru. C’est plus intéressant et gratifiant. Évidemment, si l’écart perdure après la fin de l’année, il faudra se poser sérieusement des questions. Car dans le même temps, nos coûts de production aux mille litres ont progressé davantage qu’en conventionnel car nous devons répondre aux exigences du cahier des charges brie de Meaux.
Celui-ci nous impose un minimum de 85 % d’autonomie alimentaire de zone (fourrages et concentrés venant de la zone AOP). Or aujourd’hui, il est quasiment impossible de trouver du tourteau de colza tracé, ou alors il est hors de prix. Mon correcteur non tracé (42 % de protéine) est passé de 430 à 592 €/t entre octobre 2021 et mai 2022. Dans le même temps, mon correcteur tracé à seulement 37 % de protéine est passé de 380 à 626 €/t tout en perdant 19 % de traçabilité. Cela s’explique par l’utilisation de tourteau de colza expeller de Seine-et-Marne qui est plus cher que le tourteau extraction qui a disparu de la zone.
Malgré ces prix, nous ne réduirons pas les quantités, car elles se limitent déjà à équilibrer les fourrages. Si nous en mettons moins, la production laitière baissera, or nous avons des charges fixes à couvrir. J’ai évalué que la hausse du prix des tourteaux correspond à 40 €/1 000 l par rapport à 2021. L’augmentation du prix du lait ne permet pas de compenser nos hausses de charges. »