[Météo] Le retard du développement maïs en France en 2021 expliqué par l’agroclimatologie
Semis retardés, un été plus frais que les années précédentes sur des variétés plus tardives… Dans une nouvelle chronique météo, Serge Zaka, docteur en agroclimatologie chez ITK, explique les raisons du développement tardif du maïs observé en cette moisson 2021.
Semis retardés, un été plus frais que les années précédentes sur des variétés plus tardives… Dans une nouvelle chronique météo, Serge Zaka, docteur en agroclimatologie chez ITK, explique les raisons du développement tardif du maïs observé en cette moisson 2021.
À la suite du défilé incessant des gouttes froides sur la France (expliqué dans le précédent article), les agriculteurs ont subi un été pluvieux, faiblement ensoleillé, qui nous a semblé « frais ». Après le gel d’avril, la sécheresse de mars-avril, les inondations de juillet, la grêle de juin et juillet, l’explosion du mildiou d’août, à quoi peut-on s’attendre ? Au retard du développement du maïs ! Explications.
Un été frais, vraiment ?
Les vacanciers, vous diront que « oui » ! Mais les climatologues nous disent que « non » ! Après six étés consécutifs remarquablement chauds et secs, la France vient enfin de vivre un été proche des normes de saisons (-0.1°C pour la norme 1991-2020). Et encore, nous restons à +0.5°C par rapport à la norme (1981-2010). Cette sensation de fraicheur vient simplement du fait que l’été a été peu ensoleillé et pluvieux : on en n’avait simplement plus l’habitude.
Quels impacts sur la croissance et le développement du maïs ?
On va parler un peu de biologie, de thermodynamique et d’agronomie. Mais rassurez-vous, ce n’est pas très compliqué. Pour tous les végétaux, la courbe de réponse à la température est représentée par une courbe en « cloche », comme le montre la figure ci-dessous. Elle est caractérisée par :
Une température minimale (Tmin), à partir de laquelle la plante pousse et qui se situe entre 6 à 10°C pour le maïs.
Une température optimale (Topt), à laquelle la plante a une croissance maximale, autour de 30°C pour le maïs.
Une température maximale (Tmax), à partir de laquelle la plante ne pousse plus, entre 40 et 45°C pour le maïs.
Ces trois paramètres dépendent de l’espèce. Les espèces tempérées ont tendance à se développer à des températures plus basses que les espèces tropicales.
Par définition la température est la mesure de l’agitation des molécules : plus il fait chaud, plus les molécules sont agitées. Ainsi, entre les températures minimales et les températures optimales, les réactions biochimiques sont facilitées par l’agitation des molécules et la croissance est de plus en plus rapide.
Vous allez me dire : mais pourquoi cela baisse par la suite ? C’est simple. Entre les températures optimales et maximales, plus il fait chaud, plus les molécules continuent de s’agiter. Or, les molécules des protéines qui facilitent les réactions chimiques, appelées les « enzymes », sont tellement agitées qu’elles modifient la forme spatiale de ces enzymes : on appelle cela la dénaturation des protéines. Ainsi, quand il fait trop chaud, les enzymes sont moins efficaces, les réactions chimiques ralentissent et la croissance diminue.
Comment expliquer le retard de développement du maïs cette année ?
Un cumul de croissance plus faible
Le retard de développement du maïs en France au cours de l’été 2021 s’explique donc maintenant facilement. Les températures observées ont généralement été comprises entre 15 et 25°C. Contrairement aux années précédentes, dans le nord-est de la France, il y a eu moins de jours proches des 30°C pendant lesquels la croissance est la plus rapide. Ainsi, chaque jour, le cumul de croissance est resté plus faible en 2021 que les six années précédentes, ce qui explique le retard du développement du maïs observé dans le nord-est de la France.
Des variétés plus tardives
D’après Gaetan Heymes de Météo-France : « En 30 ans, les étés météorologiques (juin-juillet-août) se sont réchauffés de +1,5°C en France, passant de 18,9 à 20,4°C de température moyenne entre les périodes 1961-1990 et 1991-2020. ». Pour s’adapter à cette nouvelle tendance, les agriculteurs, notamment irrigants, ont eu tendance à planter des variétés plus tardives. Ces variétés ont un cycle plus long pour arriver à maturité mais ont un potentiel de rendement plus élevé en situations non stressantes.
Des semis retardés
Autre difficulté, les conditions au semis. En effet, les mois d’avril et mai ont été particulièrement frais et pluvieux. En conséquence, les semis ont été fortement retardés notamment dans le nord-est de la France. Les agriculteurs, qui n’avaient semés leurs champs aux dates habituelles, ont dû modifier leurs plans initiaux variétaux (en prenant des variétés plus précoces par exemple) pour s’adapter aux conditions climatiques.
Risque de maturité insuffisante
A l’heure actuelle, il reste compliqué d’évaluer toutes les conséquences de ces épisodes climatiques. Cela dépendra des températures des mois de septembre et octobre. Si les conditions restent plus fraîches que les normes saisonnières, il est probable que certains champs n’atteindront pas une maturité suffisante car le grain manquerait de séchage suffisant avant d’être récolté. Les producteurs du nord-est de la France seront particulièrement concernés par deux problématiques :
Lee séchage complémentaire du grain après récolte, ce qui ajouterait un surcoût pour les producteurs.
Le poids réduit du mille grain (PMG), et donc un rendement plus faible.
Merci à Jean-Marc Schwartz, producteur de maïs en Alsace, pour sa sympathie et sa réponse à mes questions