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Maîtriser le risque salmonelles

Les cas de salmonelles sont en augmentation dans certains départements. Qu’ils soient cliniques ou détectés dans le lait ou les fromages, ils préoccupent tout particulièrement les filières au lait cru.

La salmonelle est une bactérie déroutante. Capable de s’adapter et de survivre longtemps dans différents milieux et difficile à débusquer, elle offre de surcroît de multiples visages. Plus de 2 500 sérotypes sont connus ! Salmonella typhimurium et Salmonella dublin sont les plus courants en élevage bovin. Mais une récente étude en Normandie a montré une plus grande fréquence de « sérotypes exotiques », tel que montevideo et mbanbaka. « Cela varie d’une année à l’autre et, parfois, plusieurs circulent dans un même élevage », explique Claire Osdoit, vétérinaire conseil au GDS de l’Orne. Les salmonelles sont capables d’infecter l’intestin de toutes les espèces animales. Mais elles sont aussi très résistantes dans le milieu extérieur. « Elles se multiplient en milieu humide et chaud et survivent longtemps dans l’environnement : trois mois dans l’eau, un mois dans les fumiers, deux à trois mois dans les lisiers, voire plus en période froide », précise le GDS de l’Orne. En revanche, elles sont sensibles à la chaleur, aux désinfectants classiques et aux antibiotiques. Mais elles peuvent acquérir des antibiorésistances.

Des cas cliniques souvent graves

Lorsqu’un animal est contaminé par la bactérie, dans la majorité des cas, il ne présente pas de signe clinique. Mais la bactérie peut s’installer durablement dans les tissus lymphoïdes. Le bovin devient alors porteur sain. En revanche, lorsque les mécanismes de défense sont dépassés, l’animal manifeste des signes cliniques souvent graves. « La gravité des symptômes dépend de la souche, de la dose infectante et de la sensibilité de l’animal. Dans toutes les espèces, la salmonellose se traduit par des diarrhées, parfois avec du sang, accompagnées d’une fièvre élevée, ou par des avortements », indique le GDS de l’Orne. Le sérotype typhimurium aurait plutôt tendance à provoquer des problèmes digestifs tandis que dublin se traduit davantage par des avortements. Mais rien n’est systématique. « L’expression peut parfois être très spectaculaire avec des mortalités importantes de vaches », explique Claire Osdoit. Les cas cliniques apparaissent souvent juste après le vêlage en raison de la baisse de l’immunité. La mortalité peut être importante sur les jeunes veaux si le traitement n’est pas administré rapidement.

Excrétion de la bactérie dans les bouses

Qu’il montre des signes cliniques ou qu’il soit porteur sain, un bovin peut excréter la maladie pendant des mois, voire des années, principalement dans les bouses. Les produits d’avortement (avorton, placenta...) sont également contaminants. Lorsque l’animal est malade, les bactéries sont excrétées en continu et en forte quantité. Quand le bovin est porteur sain, l’excrétion est généralement intermittente. Elle se produit à la faveur de stress qui affaiblissent les défenses immunitaires : vêlage, transition alimentaire, canicule... « L’excrétion fécale en salmonelles peut concerner entre 2 et 5 % des vaches d’un troupeau sans cas clinique de salmonellose au préalable. Dans un contexte d’élevages ayant eu au moins un prélèvement de lait positif en salmonelles, la prévalence moyenne d’excrétion est de 25 % des vaches du troupeau », relataient les auteurs de l’étude normande lors des journées GTV de 2017(1). Dans quelques cas plus rares, la mamelle peut être infectée. Ces mammites à salmonelles sont le plus souvent sans signe clinique, mais l’excrétion dans le lait est permanente.

Contamination par l’eau et les aliments

L’infection des bovins se produit essentiellement par l’ingestion d’eau et d’aliments contaminés. À l’origine, la contamination peut se faire par des déjections d’animaux porteurs de salmonelle : oiseaux, chats, chiens, rongeurs, faune sauvage, introduction d’un bovin infecté... Les vaches infectées excrètent la bactérie dans leur environnement et la salmonelle se propage à tout le troupeau par les mêmes voies (eau, aliment). L’eau peut être souillée en amont de l’abreuvement (captage, ruisseau...) ou dans l’abreuvoir ; les aliments peuvent l'être par les fèces, le lisier, le fumier, y compris sur prairie s’ils sont épandus avant qu’ils ne soient assainis. La contamination du lait se fait en règle générale - hormis lorsque la mamelle est infectée -  par des résidus de bouse qui sont aspirés lors de la traite (chute de griffe, trayons souillés...), voire par l’eau de nettoyage du matériel de traite. Il suffit d’un défaut ponctuel d’hygiène pour que la salmonelle passe dans le lait. « Aucune exploitation n’est à l’abri, souligne Eric Maucci, vétérinaire conseil au GDS des Savoie. Toutes les mesures sanitaires préventives doivent être mises en œuvre en amont pour éviter la contamination. Mais la dernière barrière, c’est l’hygiène de traite. »

(1) A. Delafosse (GDS 61), B. Poupée, docteur vétérinaire, R. Gatteo (Oniris Nantes), citant des études plus anciennes.

Agir vite pour circonscrire la maladie

Quand survient un épisode de salmonellose, il n’y a pas de temps à perdre pour prendre les mesures adéquates. Pour prévenir la contamination des autres bovins, il est primordial d’isoler l’animal malade, d’éliminer les matières infectieuses issues d’un éventuel avortement et de désinfecter la zone contaminée et le matériel qui a pu être en contact avec la bactérie. Séparer également le lait des vaches malades et surveiller les signes annonciateurs de la maladie sur d’autres animaux. Redoubler de précautions quant à l’hygiène de traite et aux règles de biosécurité vis-à-vis des personnes extérieures. Appeler enfin son vétérinaire qui effectuera un prélèvement de bouse ou, en cas d’avortement, un prélèvement de placenta ou un écouvillon endocervical, pour confirmer la salmonellose, isoler la souche et effectuer un antibiogramme. « Le traitement associe souvent des perfusions à des injections d’antibiotiques. La prescription vétérinaire doit être scrupuleusement respectée pour éviter l’apparition d’antibiorésistance », rappelle le GDS de l’Orne.

Appliquer des mesures correctives

Lorsque l’infection par des salmonelles est confirmée par les examens bactériologiques, l’étape suivante consiste à rechercher la source de la contamination avec l’aide d’un technicien (laiterie, GDS…). « Nous effectuons une visite de l’élevage et nous listons tous les points à risque, explique Carole Chapellière, technicienne lait au GDS de l’Orne. Nous faisons des prélèvements d’eau et d’aliments, s’ils sont suspectés. Pour déterminer la charge de salmonelles dans le bâtiment, nous pouvons faire aussi des prélèvements de bouses. Des mesures correctives sont ensuite appliquées sur les points à risque les plus importants. Puis nous évaluons si elles ont un effet positif. » « La majorité des cas se règle dans les trois mois, indique le GDS des Savoie. Cependant, certains cas peuvent durer plus de six mois. » « La prévention consiste à protéger l’eau et les aliments contre toute contamination par des déjections », résume le GDS de l’Orne.

La salmonellose est une zoonose

Presque toutes les salmonelles sont contagieuses à l’homme (zoonose). Elles provoquent des toxi-infections alimentaires, qui peuvent s’avérer très graves chez des sujets immunodéprimés. La contamination peut se faire par voie orale (mains souillées) ou par la consommation de denrées alimentaires contaminées, notamment les produits laitiers au lait cru. Lors d’un épisode clinique, il ne faut pas négliger les mesures de biosécurité : porter des gants, se laver et désinfecter les mains après manipulation des animaux, interdire l’accès aux personnes n’ayant pas à intervenir dans l’élevage...

Vaccination et levures pour contrôler l’excrétion

En matière de vaccination, un seul vaccin est autorisé en France (Salmoplast). Il est indiqué pour la prévention clinique et ne protège que contre deux sérotypes (S. typhimurium et S. dublin). Le GDS de l’Orne a lancé en 2016, en partenariat avec Oniris (École vétérinaire de Nantes), une étude dans une trentaine d’élevages laitiers normands confrontés à des problèmes de salmonelles pour évaluer l’intérêt, d’une part, de la vaccination et, d’autre part, de l’ajout de probiotiques (levures) dans la ration, sur le contrôle de l’excrétion fécale des salmonelles. Ces deux mesures ne semblent pas dénuées d’intérêt. L’étude se poursuit pour confirmer les résultats.

En Franche-Comté, une prédominance du sérotype dublin

Dans les filières AOP de Franche-Comté, les salmonelles font l’objet d’une surveillance rigoureuse, eu égard aux fabrications au lait cru et à certaines technologies plus sensibles (mont d‘or, morbier, bleu de Gex). C’est d’autant plus nécessaire que, dans la région, il y a « une parfaite adéquation entre le germe et son écosystème », souligne Cédric Chapuis, directeur et vétérinaire conseil du GDS du Doubs. Tous les ans, de 50 à 150 élevages sont touchés par un épisode clinique, beaucoup plus que dans d’autres départements. Particularité de la région : le sérotype S. dublin est présent dans 99 % des cas cliniques et se traduit dans 98 % des cas par un avortement. Le GDS incite donc les éleveurs à faire une recherche de salmonelle lorsque se produit un avortement (90 % le font). L’éleveur doit avertir la fromagerie, le GDS et l’Urfac (Union régionale des fromages AOP comtois). Dans trois quarts des cas, aucune autre vache ne présente de signes cliniques et dans 85 % des cas, il n‘y a pas de contamination du lait. Lorsqu’il y a plusieurs cas cliniques, des investigations sont menées pour rechercher d’éventuels animaux porteurs asymptomatiques.

Les campagnols ne sont pas porteurs

En Franche-Comté, les fromageries font des recherches systématiques de salmonelle dans le lait de tank - parfois quotidiennement pour les filières les plus sensibles - et dans les citernes. Lorsqu’un tank s’avère positif, bien que l’excrétion mammaire soit rare (0,6 % dans la population bovine), il s’agit dans un tiers des cas d’une contamination mammaire. D’où l’intérêt de réformer ces vaches durablement porteuses. L‘Urfac envoie alors un technicien pour mener des investigations : analyses bactériologiques, voire sérologie, vache par vache, pour identifier celles qui excrètent ; prélèvements d’environnement (eau, lingettes de nettoyage des trayons...). Des mesures correctives sont ensuite proposées et une surveillance accrue de l’élevage se poursuit jusqu’au retour à la normale, puis de manière plus légère pendant un an. Le coût des analyses est partiellement pris en charge par la GDS. À noter enfin qu’une étude a montré que les campagnols terrestres, qui pullulent en Franche-Comté, ne sont pas porteurs de salmonelle, contrairement aux rongeurs de ferme.

En Savoie, un plan salmonelles pour coordonner les intervenants

Les Savoie assistent depuis trois ans à une augmentation des cas de salmonellose, bien qu’il restent assez limités (20 à 30 par an contre 3 à 4 auparavant). Tous les sérotypes courants sont présents. Difficile d’en expliquer les raisons. Peut-être les chaleurs estivales, saison où les cas sont les plus nombreux. Les deux tiers sont découverts lors d’autocontrôles en fromagerie. Les autres sont des cas cliniques. Il n’y a pas comme en Franche-Comté de surveillance systématisée sur le lait des producteurs. En revanche, un plan salmonelles a été construit par la filière savoyarde pour épauler techniquement et économiquement les éleveurs touchés. Il est déclenché par le GDS, qui met en relation tous les intervenants en élevage. Des prélèvements sont effectués et envoyés au laboratoire. Huit jours plus tard, une réunion permet de tout mettre à plat et de décider collectivement de la marche à suivre. Le GDS assure la coordination des intervenants pendant toute la phase clinique.

La différence de prix du lait est indemnisée

Lorsque celle-ci est terminée ou si la détection a été faite par la fromagerie, sans symptôme de salmonellose, la Fédération départementale des coopératives laitières (FDCL), qui gère le service traite, prend le relais. Des analyses sont effectuées sur les filtres à lait du circuit de traite jusqu’à ce qu’ils soient négatifs en salmonelles. Le lait peut alors revenir dans la filière lait cru et le plan est clôturé. Mais la surveillance des filtres se prolonge pendant trois mois. « Les cas sont très différents, explique Eric Maucci, vétérinaire conseil du GDS. Nous avons un canevas de départ avec intervention du service traite, mais chaque cas est géré individuellement selon les résultats d’analyses et les observations faites sur l’exploitation. Le plan salmonelles sécurise la filière : il permet de régler le cas avant que le produit ne soit mis en marché. » Les frais d’analyses, une visite du vétérinaire et d’éventuels vaccins sont partiellement pris en charge. La FDCL indemnise la différence entre les prix du lait AOP/IGP et la rémunération au prix de base pendant l’épisode de salmonelle, avec une franchise de 30 euros pour 1 000 litres.

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