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Un nouveau « Livre rouge » à l’automne
Le nouveau système de l’Inra bouleverse le calcul des rations

Systali apporte beaucoup de précisions au calcul. Le nouveau système d’unités d’alimentation de l’Inra introduit aussi de nouveaux indicateurs comme les pertes en azote et en méthane.

Fini bientôt les valeurs nutritives uniques pour les aliments et les fourrages. Avec Systali, la valeur des aliments fluctuera selon le niveau d’ingestion et la composition de la ration et selon l’animal qui les consomme. Fini donc aussi les rations calculées sur un coin de table. Le nouveau système d’unités d’alimentation de l’Inra nécessite de puissants algorithmes de calcul et bouleverse la façon d’aborder le rationnement.

L’Inra prévoit la publication de son nouveau Livre rouge cet automne. Il présentera les nouvelles équations bâties par les chercheurs et les tables donnant des valeurs indicatives pour un grand nombre d’aliments et fourrages. Le logiciel Inration qui mettra en musique ces nouvelles équations est annoncé début 2018. Mais il faudra attendre l’automne 2018 pour que les logiciels des techniciens intègrent le nouveau système. Voici les principaux changements introduits par Systali.

Un éventail plus large de rations

« Notre objectif était de progresser sur la précision des unités de protéines PDI et d’énergie UFL, et d’être capable de prédire les flux de nutriments absorbables », a expliqué Daniel Sauvant, professeur à AgroParisTech, lors d’une session ruminants organisée par la firme services CCPA en juin dernier. Nous voulions construire un système qui soit plus près des mécanismes physiologiques et couvrir un éventail plus large de rations, notamment les rations extrêmes. »

Par rapport au système « Inra 2007 », Systali est donc « beaucoup plus précis ». Il permet de prédire les réponses de production à des pratiques alimentaires (leur efficacité), notamment les réponses aux apports de concentré ainsi qu’aux apports d’énergie et protéines. Il prédit également les rejets azotés fécaux et urinaires, et le méthane produit.
Systali permet aussi d’évaluer certains risques, pour le moment le risque d’acidose d’une ration. Une autre nouveauté concerne la prédiction de la qualité fine des produits comme le profil en acides gras du lait ou de la viande.

Une prise en compte des interactions digestives

Systali introduit quelques nouveautés au niveau des mécanismes. Il tient compte de façon beaucoup plus précise des interactions digestives entre les aliments, en s’appuyant sur la digestibilité de la matière organique. L’Inra a identifié trois prédicateurs des causes de variation des interactions digestives :

-le niveau d’ingestion exprimé en pourcentage du poids vif ;
-la proportion de concentré ;
-la balance protéique du rumen (c’est-à-dire l’état azoté du rumen : les protéines ingérées moins les protéines qui transitent au niveau du duodénum) baptisé Balproru.

Le logiciel Inration donne, pour une ration donnée, une valeur d’interaction digestive en indiquant si cette valeur est liée avant tout au niveau d’ingestion ou à la proportion de concentré. « Par rapport à Inra 2007, la prise en compte des interactions digestives dans Systali conduit à un apport énergétique moindre car on tient compte de la perte d’énergie par la voie urinaire et de la production de méthane », souligne Daniel Sauvant.

Une grande nouveauté : la BalproRu

La BalproRu évalue l’efficacité protéique du rumen. Il faut ni trop, ni trop peu d’azote pour les microbes ; c’est ce que traduit ce critère. « Si la BalproRu est positive, on améliore la digestibilité de la ration. Si elle est négative, les microbes de la panse sont carencés en azote, la digestion se fait mal. Mais si elle est trop élevée, il y a un gâchis azoté à travers des pertes urinaires importantes. » La dégradabilité de l’azote intervient aussi dans ce paramètre.

Dans les nouvelles tables Inra, il n’y a plus de valeurs PDIE et PDIN mais une valeur PDI (les anciennes PDIE) associée à la valeur de BalproRu.

Une prise en compte de la vitesse de transit

Jusqu’à présent « Inra 2007 » faisait l’hypothèse que le taux de transit des protéines était constant et égal à 6 %/heure. Or le transit s’accélère quand le niveau d’ingestion augmente, il ralentit quand on apporte plus de concentrés dans une ration. Et dans une ration donnée, il est plus élevé pour le concentré que pour le fourrage. La modélisation de ces variations conduit « globalement à ralentir sérieusement le transit par rapport à l’hypothèse 'Inra 2007' : cela se traduit par une diminution de la valeur PDIA des rations d’environ 5 g/kg MS. Mais sur des aliments contenant beaucoup de protéines protégées (tourteaux tannés), cette baisse peut atteindre 20 à 30 g PDIA/kg MS d’aliment. »

La digestion de l’amidon

Systali est également plus précis pour l’amidon. Il prédit la partition digestive de l’amidon entre la panse, l’intestin grêle, le gros intestin et les matières fécales. Il fournit par exemple pour les ensilages de maïs des cinétiques de dégradation en fonction de la teneur en matière sèche (plus rapide à 25 % MS qu’à 40 % MS).

Des besoins « d’entretien » revus à la hausse

Systali remplace la notion de besoins d’entretien par celle de besoins non productifs. "Ces besoins ne sont pas seulement proportionnels au poids. Il y a une perte de protéines endogènes dans le tube digestif non négligeable qui peut représenter 20 à 30 % des protéines du lait produit ! Chez une vache à 40 kg de lait, on double à peu près les dépenses non productives en protéines. » Si l’on compare les bilans PDI d’Inra 2007 et de Systali, comme les besoins augmentent sensiblement et que les apports diminuent, l’écart au niveau des bilans PDI est important. Les besoins d’entretien en UF/kg de poids augmentent aussi de façon sensible.

Une efficacité protéique variable

Au niveau des protéines, le système « Inra 2007 » considérait jusqu’à présent que l’efficacité métabolique des PDI était constante. Systali tient compte des variations de l’efficacité protéique de la ration en fonction de la teneur en PDI. Le pivot se situe à 67 % pour les femelles laitières et correspond à 100 gPDI/kgMS. Le nouveau système est capable de prédire les rejets azotés urinaires dans le calcul de la ration et de poser un diagnostic : il fait la part entre ce qui est d’origine métabolique (inefficacité des PDI) et ce qui est d’origine ruminale.

Au niveau énergie (sur cet aspect), les modifications sont moins importantes : il s’agit d’un simple ajustement lié au fait que le système dissocie mieux la partition de l’énergie pour produire du lait de celle pour constituer des réserves.

Deux étapes de calcul

Concrètement dans le calcul d’une ration, il y aura désormais deux étapes : une première étape classique de calcul d’une ration pour couvrir les besoins au potentiel, et une deuxième étape pour déterminer les réponses si l’on apporte plus ou moins de concentré, ou de PDI ou UFL.

Après avoir fait tourner le rationneur, vous disposerez de plus de 20 critères, d’une part les valeurs actualisées des critères classiques (apports UFL, PDI (associé à BalproRu), couverture des besoins…) et d’autre part les nouveaux critères (nutriments absorbés, rejets, qualité des produits…)

Pour ce qui est des acides aminés, les lois de réponse ne sont pas très différentes des précédentes et elles continuent à être exprimées en % PDI (contrairement au système nord-américain où l’on raisonne quantité d’acides aminés par jour). Autrement dit, on assure d’abord en protéines puis on regarde si les besoins en acides aminés sont couverts.

Plus précis aussi pour le pâturage

Le pâturage, dans le cas des vaches laitières, s’appuie sur un modèle construit par Rémi Delagarde, chercheur Inra. Ce modèle permet de gérer de façon plus précise les différents leviers d’action : pâturage tournant ou continu, chargement, durée, hauteur du couvert…

« Nous étudions l’impact sur une centaine de rations »

Pour Vincent Ballard, spécialiste ruminant CCPA, « le bouleversement sera important pour tous les techniciens nutritionnistes. C’est une nouvelle façon d’aborder le calcul de ration. Le grand changement sera l’arrêt des valeurs uniques des aliments (fourrages et concentrés) : il risque de créer des difficultés de compréhension. Systali introduit énormément de concepts intéressants qui amélioreront la prédiction. Au niveau de CCPA, nous avions déjà intégré une partie de ces concepts dans notre logiciel Chorus, comme l’évolution du besoin des animaux en fonction de caractéristiques de la ration ou la notion d’indicateur d’acidose. L’intégration beaucoup plus précise de la notion de dégradabilité permettra de mieux piloter la ration. Actuellement, nous étudions l’impact sur une centaine de rations types pour comprendre comment le nouveau système va fonctionner en élevage. Et nous avons également regardé comment allait évoluer la formulation des aliments.

Systali est un système de rationnement très fin. Mais cette précision au niveau du calcul de la ration ne sert à rien si l’on connaît mal la qualité et la quantité des fourrages distribués. Les éleveurs doivent investir plus régulièrement dans les analyses de fourrages. Pour piloter correctement une ration, il faudrait réaliser en laboratoire au minimum une analyse tous les deux mois sur le fourrage principal de la ration. »

Une utilisation en élevage prévue à l’automne 2018

Une trentaine d’entreprises de conseil en élevage sont impliquées dans un projet mené avec l’Inra. Objectif : bâtir un rationneur intégrant le moteur Systali.

Il s’agit d’apporter au moteur Inration des aménagements pour le rendre opérationnel en élevage, en tenant compte notamment des stades et rangs de lactation, du fait qu’on s’intéresse à un troupeau et pas à un individu…, explique Olivier Véron, référent nutrition à Littoral Normand et chef de projet « rationneur ». Le contrat nous donne l’exclusivité du moteur Inration pendant un an. Notre rationneur devrait être prêt en novembre et testé en fin d’année. Les premières formations des conseillers sont prévues au printemps 2018 pour une utilisation en élevages à l’automne 2018. » Une mise à disposition gratuite du rationneur est prévue pour les établissements d’enseignements.

Les notions de PDIE et PDIN disparaissent

Systali « révolutionne » l’approche du rationnement. Et « avec des valeurs d’aliment qui ne sont plus fixes, calculer une ration sous feuilles Excel ne sera plus possible. Il peut y avoir des variations de 10 à 15 % pour un même aliment ! Un aliment a désormais une valeur dans un contexte donné : pour un niveau d’ingestion, une part de concentré et une BalproRu donnés ». Pour les entreprises de conseils en élevage, il est donc indispensable que l’Inra définisse des standards sur la façon dont la valeur des aliments du commerce devra être communiquée. Quant aux notions de PDIN et PDIE, elles disparaissent : « elles sont remplacées par la balance protéique ruminale (BalproRu) qui correspond aux protéines ingérées moins les protéines qui passent dans l’intestin. C’est l’indice de nutrition azotée du rumen ».

« Nos rations actuelles ne vont pas être modifiées de façon importante, rassure-t-il. Systali va permettre de rapprocher les préconisations du modèle Inra de ce que nous pratiquons actuellement au vu de notre expérience. Nous tenons déjà compte dans notre rationneur des limites du système Inra 2007. » Ainsi dans certaines rations, les besoins sont réévalués par rapport aux tables Inra 2007, par exemple en suralimentant des VHP avec une ration équilibrée à 32-33 litres au lieu de 30 litres. « Systali permettra d’être plus précis et d’éviter tout gaspillage. D’après nos premiers tests, il permettra aussi d’expliquer certaines situations atypiques comme les rations sèches. »

Des indicateurs environnementaux très précis

Autre avancée mise en avant : « nous allons disposer d’indicateurs très précis et très intéressants par rapport aux enjeux environnementaux (pertes en méthane et azotée), ainsi que d’indicateurs métaboliques (risque acidose). Et dans une deuxième version du rationneur (d’ici 3-4 ans), d’indicateurs de la qualité nutritionnelle des produits lait et viande ».

Concrètement, pour calculer une ration, il faudra rentrer dans le rationneur les valeurs indicatives des nouvelles tables Inra (UF, PDI, BPR (BalproRu)…(1)) et les paramètres habituels permettant de décrire le troupeau (lait potentiel, poids vif, note d’état corporel…). Le calcul se fera sur un objectif journalier de production laitière, en intégrant un bilan UF (par exemple + 0,5 si on souhaite une reprise d’état des animaux). Pour le pâturage, le système prévoit une appréciation de la quantité d’herbe ingérée en fonction des pratiques (pâturage sévère, moyen ou libéral) avec des référentiels différents selon les régions.

(1) Niréf (Niveau d’ingestion de référence), DTN (Dégradation théorique de l’azote), DTA (Dégradation théorique de l’amidon)…

Exemples d’interactions digestives prises en compte dans Systali

° Une vache à 10 000 litres, par rapport à une vache à 6 000 litres, a un transit plus rapide. « Une part plus importante de protéines d’origine alimentaire arrive dans l’intestin, le temps de séjour dans le rumen est plus court donc le taux de transit est plus élevé », explique Olivier Véron de Littoral Normand. Conséquence : la valeur PDIA du tourteau est plus élevée pour la vache à 10 000.

° Plus on met de concentré dans la ration, plus la motricité du rumen diminue, plus le transit est faible et plus la dégradation ruminale est importante. Conséquence : dans la majorité des cas quand on augmente la quantité de concentré, celui-ci sera moins bien valorisé, et les fourrages et la ration totale également.

° Si la BalproRu a une valeur limitante par rapport à la valeur objectif, la digestibilité de la matière organique de la ration (donc sa valeur énergétique) diminue. La BalproRu calculée par le rationneur sert d’indicateur (et remplace le rapport PDIE-PDIN/UF) : « si elle est trop faible, il faut remettre un peu plus d’azote soluble ».

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